Publié le 15 Jul 2024 - 15:13
TRANSPORT - CONTRÔLES SUR LE PORT DU CASQUE

Les conducteurs de motos-taxis déversent leur colère dans la rue

 

À Thiès, les motos-Jakarta font désormais partie du décor. Certains conducteurs opèrent de manière clandestine. Sans casque ni assurance, ils se faufilent entre les files de voitures dans les embouteillages, mettant leur vie en danger. Les forces de sécurité ont décidé d’y mettre fin. Ce week-end, les ‘’jakartamen’’ se sont révoltés contre ce qu’ils considèrent comme des tracasseries.

 

Les conducteurs de Jakarta de la cité du rail ont investi les grandes artères pour exprimer leur ras-le-bol. Ces acteurs du transport ont paralysé momentanément certains axes routiers pour déplorer les tracasseries policières. "Les policiers nous exigent deux casques, dont l'un est destiné aux passagers. Nous savons tous que cela n'est pas possible, car non seulement ce n'est pas hygiénique, mais en plus nos clients n'accepteront pas de porter toujours le même casque", a déclaré un motocycliste.

"Les policiers nous empêchent de travailler correctement. Chaque fois qu'ils nous arrêtent, ils exigent les deux casques et immobilisent nos motos en nous imposant le paiement de 6 000 F CFA en guise de contravention", explique Fallou, conducteur de Jakarta. "Nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions et nous exigeons des solutions urgentes", ajoute-t-il.

C’est un moyen de gagner sa vie et de sortir du chômage. Ibrahima Diop, jeune étudiant âgé de 25 ans, qui a obtenu son baccalauréat en 2022, vient d’une famille pauvre. Il a préféré quitter l'université par manque de moyens pour devenir conducteur de moto-Jakarta. Avec un chiffre d'affaires de 20 000 F CFA par jour, il s’en sort bien avec sa moto.

"Mes parents sont fatigués et je suis l'aîné de la maison. C'est pourquoi j’ai abandonné les études pour trouver un travail qui paie. J’ai essayé plusieurs métiers pour m'en sortir, mais avec ma moto, j’y trouve mon gagne-pain et je contribue aux dépenses quotidiennes de la maison".

Ibrahima Diop ajoute : ‘’On nous critique tout le temps. Mais il faut nous laisser travailler ! Nous faisons partie de la société et nous contribuons au développement économique du pays. Nous exerçons ce métier avec beaucoup de fierté, parce que nous gagnons notre vie. Grâce à ma moto, j’ai acheté une autre que j'ai livrée à un ami et j'aide mes parents.’’

Il a saisi l'occasion pour déplorer l’absence d’accompagnement par l’État. ‘’Notre secteur souffre d’un manque total de régularisation. Il y a trop de laisser-aller. C'est pourquoi personne ne nous respecte. Nous sommes des soutiens de famille et nous méritons de la considération. Si les autorités veulent lutter contre le chômage, elles doivent nous appuyer, car beaucoup de jeunes s’activent dans ce secteur. Nous réclamons de l’accompagnement et de la formation pour garantir un avenir meilleur aux jeunes conducteurs de moto.’’

Insécurité et indiscipline : les deux maux

Les motos-taxis, communément appelées ‘’Jakarta’’ au Sénégal, ont contribué à assombrir le tableau déjà sombre de la circulation routière au ‘’pays de la Téranga’’. En dehors des cas de vol, l’insécurité est présente à bord de ces moyens de transport. En essayant souvent de se faufiler entre les files de voitures, les ‘’jakartamen’’ et leurs clients peuvent se retrouver dans des accidents. Amadou, un père de famille, critique l'imprudence des conducteurs de motos-Jakarta. ‘’Ils ont envahi toute la cité du rail. On les croise un peu partout. Ce qui me fait mal, c'est qu'ils sortent de nulle part dans la circulation, tantôt à gauche, tantôt à droite. Personne n’est en sécurité, car ils peuvent surgir de nulle part et foncer sur toi. Chaque jour, on assiste à des chocs de motos sur la route. C’est très dangereux. Soit ils heurtent des voitures, soit ils heurtent des personnes’’, souligne-t-il.

‘’Certains conduisent très mal et avec une indiscipline manifeste. Il faut que les autorités fixent des règles dans ce secteur’’, ajoute-t-il.

Les pièces à fournir pour conduire un deux-roues

Les motocyclistes ont souvent des problèmes avec les policiers. Beaucoup roulent sans respecter les conditions requises. Ngouda Mbengue, expert-formateur en transport logistique et sécurité routière partage les règles qui régissent l’utilisation des deux-roues en milieu urbain.

Selon lui, pour conduire une moto, il faut un permis A1, possible dès 15 ans, si la moto est égale ou inférieure à 125 cm3 de cylindrée. Si la moto dépasse les 125 cm3, il faut un permis A, disponible dès 16 ans ainsi qu’un Certificat d'immatriculation et d'aptitude technique (CIAT), c'est-à-dire une carte grise, une assurance en cours de validité et un casque pour chaque conducteur de moto.

Pourquoi les Thiessois préfèrent-ils soudainement les Jakarta au détriment des taxis et des bus Tata ?

La ruée vers ces nouveaux moyens de transport a plusieurs explications : la cherté des transports et les embouteillages. Les Thiessois pressés souhaitent éviter les bouchons en utilisant les Jakarta. Aux heures de pointe, la circulation est souvent au point mort, ce qui incite les usagers à faire appel aux conducteurs de Jakarta pour gagner du temps.

Aissatou, commerçante, fait confiance à son conducteur pour sa sécurité. Elle se dit rassurée par le comportement du ‘’Jakartaman’’. ‘’Certains disent avoir peur des Jakarta parce que ce n’est pas un moyen de transport sécurisé. Mais cela dépend du comportement du conducteur. Par exemple, mes parents ont choisi un conducteur qui respecte les normes. Il conduit prudemment, contrairement à beaucoup d’entre eux. Cela fait un an qu’il me transporte et je n’ai pas encore subi de choc. Que Dieu nous en préserve’’.

De même, Adja Aminata Faye, vendeuse en ligne, sollicite les services des Thiak-Thiak pour ses livraisons. ‘’Pour nous qui faisons de la vente en ligne, les Thiak-Thiak sont une aubaine. Nous recevons des commandes de partout et à Thiès, le déplacement n’est pas toujours facile. Je suis véhiculée, mais pour mes livraisons, je préfère faire appel aux conducteurs de Thiak-Thiak, car le temps me manque’’.

Elle admet que la vente en ligne serait beaucoup plus compliquée sans l'existence des Thiak-Thiak. ‘’Vous savez, Thiès est vaste. Aller retrouver chaque client à son domicile pour une livraison serait beaucoup plus compliqué sans l’implication des Thiak-Thiak’’.

Les cas de vol : une mauvaise publicité pour les ‘’jakartamen’’

La confiance n’est pas toujours de mise entre les usagers et les conducteurs de ces motos. ‘’Quand je les vois derrière moi, j’ai peur. Je ne me sens plus en sécurité. Mon cœur bat plus fort. Je reste vigilante, car beaucoup d’entre eux sont des voleurs et des agresseurs’’, déclare une dame d'une trentaine d'années, croisée à l'arrêt de bus 1 de Thialy.

En effet, les cas de vol à l'arraché sont monnaie courante dans la région. Gare à celui qui se promène dans la rue le soir avec son téléphone à portée de main.

NDEYE DIALLO (THIÈS)

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