La course-poursuite en mode continu
Au soir du verdict qui condamne Karim Wade à 6 ans de prison ferme et à payer une amande de 138 milliards F CFA, le ministre de la Justice Me Sidiki Kaba a annoncé la poursuite des autres procédures, dans la traque des biens dits mal acquis. Comptes et mécomptes d’une course-poursuite.
Karim est tombé lundi, à qui le tour maintenant ? La question renferme toute sa pertinence, surtout que le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Sidiki Kaba a donné le ton, en annonçant au soir du verdict la relance des autres procédures. Les yeux sont aujourd’hui rivés sur les conclusions des avocats de l’Etat qui, de retour d’une enquête effectuée en 2013 en Europe, avaient fourni une liste de 25 personnes visées par la procédure. Parmi eux, figurent deux hommes d’affaires sur lesquels pèsent de très sérieux soupçons et d’anciens dignitaires de l’ancien régime. La mise à contribution d’un système dénommé Tracfin, conçu pour traquer les fauteurs de crimes économiques, lutter contre les circuits financiers, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, a également été annoncée.
Dans les jours à venir, de potentiels candidats pourraient être inquiétés. Les regards se tournent vers l’ancien ministre et collaborateur de Karim Wade, Abdoulaye Baldé dont la commission d'instruction de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) a mis la main sur les comptes bancaires, les biens meubles et immobiliers. L'ordonnance de saisie concerne tous ses biens et ceux de son épouse. La mesure de saisie conservatoire est ordonnée par le juge d'instruction pour sauvegarder les biens de la partie civile, en attendant de finir son instruction.
Précision : cela n'implique pas que la personne concernée a définitivement perdu ses biens. La procédure contre Abdoulaye Baldé a été enclenchée, le 11 juillet 2014, par le parquet spécial. Il doit ainsi justifier ses biens évalués à 5 milliards F CFA. Tahibou Ndiaye fait aussi l’objet de poursuite et se trouve présentement en liberté provisoire. D’anciens ministres, comme Ousmane Ngom, Samuel Sarr et Oumar Sarr sont également dans le viseur de la CREI. Au moment où Aïda Ndiongue, ancienne dignitaire du Pds, dont le patrimoine est estimé à 46 milliards, est détenue depuis plusieurs mois.
Plus de cent milliards restitués pour 3000 milliards disparus
Dans la traque des biens mal acquis, toutes les portes n’ont pas été fermées par l’Etat. Les présumés ‘’illicitement enrichis’’ ont la possibilité de rembourser, pour échapper à la justice. Mais, cela suffit-il pour échapper ? Car dans bien des cas, la restitution n’a pas empêché l’emprisonnement. Placé sous mandat de dépôt le 3 décembre 2012, l’ex-Dg du Cadastre, Tahibou Ndiaye, en est une illustration, lui qui avait bénéficié d’une liberté provisoire pour avoir payé près de 3,6 milliards, avant d’être à nouveau emprisonné.
Ndèye Khady Guèye, du Fonds de promotion économique (FPE), emprisonnée en février 2014, a pu retrouver la liberté en payant une caution de 1,5 milliard de FCFA. C’est aussi le cas de Moustapha Yacine Guèye qui a rendu 1 milliard 550 millions F Cfa et de l’ancien Directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs (COSEC), sous mandat de dépôt, depuis le 25 juin 2012. Amadou Kane Diallo a ‘’restitué’’ 20 millions de F CFA et une villa estimée à 81 millions F CFA pour recouvrer la liberté.
A ce jour, plus d’une centaine de milliards ont été recouvrés, sur les 3000 milliards CFA dilapidés. Le 29 mai 2013, alors ministre de la Justice, Mimi Touré avait remis un chèque de 1 milliard de francs Cfa au ministre du Budget. Auparavant, 500 millions de F Cfa et 900 millions de F Cfa avaient été respectivement remis au ministre du Budget et à la Caisse de dépôt et de consignation.
AMADOU NDIAYE