Publié le 19 Sep 2025 - 18:05
LE JOOLA, 23 ANS APRÈS

Un appel à la justice et à la dignité pour les familles des victimes

 

Vingt-trois ans jour pour jour après la plus grande catastrophe maritime civile de l’histoire, le naufrage du bateau Le Joola, le Comité d’initiative pour l’érection du mémorial-musée a lancé un appel pour la justice et la dignité. Le temps d’une conférence de presse, Samsidine Aidara, chargé de la communication du Comité, a dénoncé l’inaction des autorités sénégalaises et a exigé la réouverture d’un dossier judiciaire « sciemment bloqué ».

 

Le rappel étant pédagogique en cette 23ᵉ année commémorative, sans justice, les familles ne pourraient pas vraiment faire leur deuil. Ce sentiment d’injustice hante encore les familles des 2 000 victimes. « Le système judiciaire peut être complexe ; toutefois, le citoyen ordinaire n’en possède pas moins ce qu’on appelle le sentiment de justice », souligne d’abord le chargé de la communication du comité, Samsidine Aidara. Il souligne également la conviction des familles que « l’on ne peut ramener les fautes et manquements liés au naufrage du Joola à la responsabilité d’une seule et unique personne ».

Pour le Comité, le classement sans suite du dossier par le procureur de la République, sous prétexte de la disparition du commandant du navire, est un argument assez léger et contredit par plusieurs rapports officiels. M. Aidara a ainsi fait référence au rapport de la Commission Technique dirigée par le Professeur Seydou Madani Sy, qui « a cité les manquements et fautes commis à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et civile tout en situant les responsabilités incombant à chacun ».

Plus que jamais épris de justice, il a aussi mis en lumière le paradoxe entre la justice sénégalaise et la justice française. Samsidine Aidara a donc rappelé que la Cour d’appel de Paris, bien qu’ayant prononcé un non-lieu en raison de l’immunité des États, avait reconnu trois niveaux de responsabilité pénale : « l’autorité politique, l’autorité militaire et l’autorité maritime ». Une reconnaissance qui, pour les familles, confirme que le drame dépasse la seule responsabilité du commandant.

Au-delà du drame, des leçons non tirées

Le Joola n’est pas seulement une tragédie maritime ; il est, pour le Comité, le révélateur des maux profonds de la société sénégalaise de 2002. « Ce simple fait oblige à refuser de le ranger dans les pertes et profits », a affirmé Samsidine Aidara. Il a décrit la catastrophe comme un « pan important de l’histoire du Sénégal qui pointe du doigt des questions de gouvernance et de comportement individuel et collectif » : laxisme, corruption, incompétence, cupidité, indiscipline et népotisme.

Selon M. Aidara toujours, en classant le dossier, la justice a manqué une occasion de « faire connaître la vérité » et de « permettre aux Sénégalais de tirer de façon optimale les leçons du Joola ». En conséquence, a-t-il souligné, « aucune des causes ne semble avoir fait l’objet d’une introspection ni avoir servi de déclic à l’adoption de nouveaux comportements ».

L’impossible deuil

Vingt-trois ans plus tard, l’épave du Joola gît toujours au fond de l’océan, et le Comité d’initiative considère son renflouement comme une « question de justice sociale » et un « acte de respect de la dignité humaine ».

« Donner une dernière demeure aux victimes serait une marque de respect de la dignité humaine », a insisté Samsidine Aidara, comparant l’épave à un linceul marin empêchant les familles de faire leur deuil. Au-delà des aspects techniques et financiers, il s’agit surtout, a-t-il conclu, de « connaître toute la vérité sur le naufrage » et de permettre aux proches de mettre un point final à leur douleur.

In fine, Samsidine Aidara a voulu conclure sur une note d’espoir, invitant les autorités à faire du dossier du Joola une opportunité pour « joindre les actes à la parole » et pour « bâtir un Sénégal plus juste, plus responsable et plus humain ».

MAMADOU DIOP

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