Publié le 28 Dec 2015 - 10:45

Un phénomène nommé ‘’El Gordo’’

 

On a tous, ou presque entendu parler du phénomène ‘’El Niño’’. En météorologie ou science du climat des dérèglements importants tels que des canicules, des inondations ou des sécheresses lui sont imputés. En Europe, actuellement, un hiver presque sans chutes de neige et avec des températures automnales sinon printanières lui est ainsi attribué.

C’est le moment qu’a choisi le destin pour se signaler à notre attention à travers la loterie espagnole appelée ‘’El Gordo’’. Cette dernière est organisée chaque année le soir de Noël dans ce pays ultra-catholique. Le sort est tombé, cette année, sur un immigré sénégalais établi en Andalousie qui  a ainsi gagné 400.000 Euros soit 250 millions CFA, environ. Alléluia ! A-t-il dû s’écrier, quoiqu’il fût musulman ! Je le comprends et vous aussi, sans doute.

Ce qui est arrivé à ce compatriote est proprement miraculeux et même à double titre, si je peux ainsi dire ! D’abord, d’arriver en Espagne seulement, tenait déjà du miracle car c’est bien par dizaines, sinon centaines que l’on peut compter le nombre de jeunes sénégalais morts dans l’aventure du ‘’Barça ou Barçak’’ dans l’océan Atlantique au large des Iles Canaries ou des côtes marocaines. Lui-là, le gagnant de la loterie, n’a dû sa survie qu’à l’aide des gardes-côtes espagnols qui l’ont repêché et sauvé de la noyade. Mais peut-être était-ce en Méditerranée au large des côtes andalouses ? Enfin…

Il est un rescapé et le voici, en plus, qui huit ans après son sauvetage, gagne à la loterie ‘’El Gordo’’ dans une Espagne qui n’en peut plus des politiques de rigueur de privations que lui a imposé le gouvernement conservateur de M. Mariano Rajoy. Autant on est content pour lui, autant il faut aussi avoir peur pour lui comme pour tous les émigrés qui se trouvent actuellement en Espagne. Un sentiment xénophobe prospère presque partout en Europe. Un peu moins en Espagne qu’ailleurs, c’est vrai mais il ne faut pas s’y tromper, c’est tant que les étrangers ne font pas trop parler d’eux. Surtout pas en termes de bonheur extrême là où la morosité est la seule aune pour mesurer le sentiment des gens. Qu’un Sénégalais, et peut-être musulman, vienne en Espagne priver les Espagnols du gain de leur séculaire loterie de Noël pourrait bien ne pas être agréable à ceux-ci. Mais que faire ? Pour un non croyant, catholique ou mahométan, c’est Dieu lui-même qui l’a voulu ainsi comme un signe de sa toute-puissance absolue !

Au-delà de notre compatriote et de son sort personnel, cette histoire ‘’El Gordo’’ pourrait avoir des répercussions d’importance. La plus élémentaire serait ce que certains hommes politiques européens appellent ‘’l’appel d’air’’. Le fait qu’un émigré ait pu gagner 250 millions dans une loterie, autant dire sous les pas d’un cheval serait un signal pour des milliers et des milliers d’autres à faire comme lui, c’est-à-dire venir en Europe ou le tenter en tout cas. D’où une aversion plus grande des Européens à l’endroit de tous les étrangers et une montée encore plus forte et haute des mouvements extrémistes et xénophobes.

De ce côté-ci, la pression sur les autorités publiques africaines en vue de faciliter les formalités d’émigration ira aussi crescendo. L’Espagne d’où les conquistadors étaient partis pour découvrir et conquérir le monde entier pour l’amour de l’or et la gloire du Christ serait devenue à son tour l’Eldorado. Le pays même de l’or ! Des gens de ma génération se souviendront peut-être de ce magnifique poème de José Maria de Heredia qui commençait ainsi ! ‘’Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal / De Palos, de Moguer routiers et capitaines / Partaient ivres d’un rêve héroïque et brutal / Ils allaient conquérir le fabuleux métal / Que Cipango mûrit en ses mines  lointaines / Et les vents alignés inclinaient leur antennes / sur les bords mystérieux du monde occidental’’.

Ce sentiment qu’Heredia a ainsi mis en vers est vieux comme le monde. C‘est celui qui habitait les Germains, les Goths, Arabes, les Turcs, Mongols, les Huns, les Zoulous et même les Toucouleurs, je dirais ! El Hadj Omar, voulant recruter pour son Jihad vers le Mali au milieu du XIXe siècle disait à mes compatriotes : ‘’Peree, ndarjonn !’’ C’est-à-dire : ‘’exilez-vous (en bataillant) et prospérez !’’ Allez conquérir de la gloire et de la richesse en somme et il n’y a rien de plus excitant en ce monde et c’est pourquoi cela avait fonctionné jadis et fonctionne encore aujourd’hui.

Et là, il y a, face-à-face, quantité de populations miséreuses, souffreteuses et jeunes, d’une part, et d’autre part  quantité de biens et de richesses entre les mains de gens qui ne savent quoi inventer pour juste se guérir du mortel ennui que la satiété de tout peut procurer parfois. C’est explosif. C’est tragique et c’est la crue réalité de notre monde actuel. L’enfer, et je le rappelais ici même il y a peu, c’est les autres a dit Jean Paul Sartre. L’Europe se veut une forteresse et comme Rome, son ancêtre de jadis, croit qu’une sorte de ‘’Limes’’ pourrait la protéger. Cela n’avait pas marché alors et il n’y a nulle raison objective pour que cela marche cette fois-ci aussi. Pour nous, nous avons peur aussi des Européens presque pour autant qu’ils nous fascinent car ils sont non seulement trop riches mais encore trop puissants pour les temps qui courent. Pour notre propre survie, nous nous devons d’être en bonne intelligence avec eux. Et ce, même si des Marine Le Pen et d’autres politiciens de son acabit devaient un jour accéder au pouvoir. Pourquoi ? Parce que le temps travaille et il travaille pour nous. Je veux bien sûr parler du temps-long. De celui de l’Histoire, pas de celui d’une génération d’une simple élection législative ou même présidentielle.

 

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