Un « MON » tagne de savoir et de vécu au service de la presse
Le 02 octobre 2024 marque un tournant décisif dans la carrière de Mamadou Omar Ndiaye, journaliste chevronné et directeur de publication du journal Le Témoin, qui vient d’être nommé président du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA). À 67 ans, ce vétéran de la presse sénégalaise succède à Babacar Diagne et prend les rênes de cet organe clé chargé de veiller à l’éthique et à la régulation des médias audiovisuels au Sénégal. Une nouvelle responsabilité qui vient couronner une carrière de plus de quatre décennies consacrée à l’information, à la vérité et à la défense d’une presse libre et indépendante.
Un dernier éditorial émouvant : « Espérons que ce n’est qu’un au revoir ! » Quelques jours après sa prise de fonction officielle à la tête du CNRA, Mamadou Omar Ndiaye signait son dernier éditorial pour Le Témoin, le journal qu'il a façonné pendant 34 ans. Cet éditorial intitulé « Espérons que ce n’est qu’un au revoir ! » résonne comme un adieu poignant à une carrière prolifique dans la presse écrite. « Je souhaite que ce soit un au revoir, mais sait-on jamais ? Cela peut être tout aussi bien un adieu ! » écrivait-il avec une humilité caractéristique, conscient de la précarité de la presse écrite dans une ère de transition numérique.
Le doyen évoquait avec émotion la lente agonie de la presse traditionnelle, mise à mal par le numérique. « La presse écrite vit ses derniers jours, réduite à sa plus simple expression, pour ne pas dire à peau de chagrin. » Des propos qui révèlent son inquiétude face à la fragilisation d’un médium qu’il chérit, mais aussi une profonde réflexion sur l’évolution du journalisme. Toutefois, Mamadou Omar Ndiaye laisse la porte ouverte à une éventuelle contribution future à la presse écrite, espérant pouvoir encore « écrire des éditoriaux » si le support survit à la révolution numérique. Cette dernière note dans Le Témoin est le symbole d’un chapitre qui se ferme dans une carrière journalistique inébranlable.
Une carrière bâtie sur l'intégrité et l’indépendance
Mamadou Omar Ndiaye, souvent surnommé "MON" dans les cercles journalistiques, incarne une figure de proue du journalisme sénégalais. Dès ses débuts, il s’est imposé par son écriture incisive, ses éditoriaux engagés et sa volonté farouche de maintenir l'indépendance de sa rédaction. Depuis qu’il a repris Le Témoin en 1990, il a transformé cet hebdomadaire en un quotidien influent, connu pour ses prises de position sans concessions et sa capacité à aborder les sujets les plus sensibles avec courage.
Sous sa direction, Le Témoin est devenu un bastion de la liberté de la presse, refusant de plier sous les pressions politiques ou économiques. Samba Diamanka, journaliste au Soleil et ancien collaborateur de Ndiaye, témoigne : « MON est un immense intellectuel passionné de journalisme. Pendant plus de 40 ans, il a exercé sans jamais penser à abandonner, même lorsque la rédaction rencontrait des difficultés financières. » Diamanka souligne aussi la rigueur de Ndiaye en tant que dirigeant, un homme qui a su rester fidèle à ses principes, malgré les multiples épreuves. « Il refusait de compromettre l’intégrité du journal, même lorsque cela aurait pu résoudre les problèmes financiers de Le Témoin. »
Une nomination au CNRA, entre prévention et pédagogie
En prenant la tête du CNRA, Mamadou Omar Ndiaye se retrouve à la barre d’un organe chargé de la régulation des médias audiovisuels dans un contexte de plus en plus complexe. Dès son discours d’investiture, il a clairement exprimé sa vision : une régulation axée sur la prévention, la sensibilisation et la pédagogie plutôt que sur la sanction. « Je ne veux pas être un gendarme de l’audiovisuel. Mon rôle sera d’encourager le dialogue et la compréhension avant toute intervention coercitive », a-t-il affirmé.
Cette approche est fidèle à l’homme qu’il est : rigoureux, mais ouvert au débat et au compromis. Mamadou Omar Ndiaye souhaite que le CNRA soit perçu non comme un organe répressif, mais comme un médiateur, un facilitateur dans le dialogue entre les médias et les citoyens. Il a souligné l’importance d’un équilibre entre la liberté de la presse et la responsabilité des médias : « L’équilibre entre liberté et responsabilité est fragile, mais il est crucial de le maintenir pour garantir un espace médiatique sain. »
Une posture affirmée face aux critiques
Malgré sa stature respectée dans le monde journalistique, il n’a pas échappé aux critiques, notamment lors de la grève de la presse sénégalaise à laquelle il a refusé de participer. En août dernier, alors qu’une bonne partie des journaux sénégalais observait une « Journée sans presse », MON a pris une position contraire. Il s’est démarqué de l’initiative, expliquant que ni lui ni ses collaborateurs n’avaient été consultés. « Dans notre compréhension, la grève doit constituer une arme ultime à n’utiliser que lorsque toutes les autres voies de recours auront été épuisées », déclarait-il dans un communiqué largement diffusé.
Cette prise de position lui a valu des critiques de certains confrères, mais elle reflète son approche pragmatique et mesurée des enjeux sociaux et politiques. Ndiaye a toujours prôné la réflexion avant l’action, et son refus de suivre un mouvement qu’il jugeait précipité démontre son attachement à des méthodes de résolution de conflits plus constructives.
Une passion pour le journalisme jusqu'au bout
MON a toujours défendu une vision du journalisme comme un métier noble et intellectuellement exigeant. Pour lui, le journalisme n’est pas qu’une profession, mais un engagement envers la vérité et la justice. Tout au long de sa carrière, il a inculqué à ses jeunes collaborateurs l’importance du courage dans la profession, mais aussi la nécessité de rester fidèle à la vérité des faits.
Samba Diamanka témoigne : « Dans ses éditoriaux très crus, MON nous disait souvent qu’un journaliste doit être courageux. Dire les choses sans plaire, mais avoir comme bréviaire la vérité des faits. » Cette approche a été le moteur de toute sa carrière, et c’est avec cette même philosophie qu’il aborde aujourd’hui son nouveau poste à la tête du CNRA.
Un homme de principes, mais proche de ses collaborateurs
Si Mamadou Omar Ndiaye est un homme intransigeant sur ses principes, il est également reconnu pour son humanité et sa proximité avec ses collaborateurs. Ceux qui ont travaillé sous sa direction le décrivent comme un mentor généreux et à l’écoute, toujours prêt à aider les jeunes journalistes à progresser. Bien que rigoureux dans son travail, il n’a jamais hésité à soutenir moralement et financièrement ses équipes dans les moments difficiles.
Le reporter au quotidien national, Diamanka, se souvient : « Lorsque la rédaction rencontrait des difficultés financières, il avait du mal à regarder ses collaborateurs dans les yeux, mais il faisait de son mieux pour soulager chacun. » Ce souci du bien-être de ses équipes témoigne de la personnalité de Ndiaye : un leader attentif, mais qui ne transige jamais sur l’éthique.
Vers de nouveaux défis au CNRA
Aujourd’hui, à la tête du CNRA, Mamadou Omar Ndiaye s’apprête à relever de nouveaux défis. Le paysage médiatique sénégalais est en pleine mutation, avec l’émergence des médias numériques et les défis que cela pose en termes de régulation. Dans ce contexte, Ndiaye devra naviguer entre la nécessité de protéger la liberté de la presse et celle de s’assurer que les acteurs du secteur respectent leurs responsabilités.
Son prédécesseur, Babacar Diagne, a salué son arrivée en ces termes : « Je ne pouvais espérer mieux comme successeur. Mamadou Omar Ndiaye est l’homme idéal pour diriger cet organe à ce moment. » Fort de son expérience et de sa vision équilibrée de la régulation, MON semble bien armé pour continuer à œuvrer pour une presse sénégalaise libre, responsable et indépendante.
Avec plus de 40 ans de carrière, Mamadou Omar Ndiaye apporte une expertise inestimable à la tête du CNRA. Sa nomination marque un tournant pour cet organe, et son approche mesurée et pragmatique promet de renforcer la régulation des médias audiovisuels tout en préservant les libertés fondamentales. Le Sénégal, sous sa régulation, pourrait bien voir émerger une nouvelle ère de maturité médiatique, où liberté et responsabilité coexisteraient harmonieusement.
AMADOU CAMARA GUEYE