Une tradition brisée ?

Si Macky Sall veut avoir une chance réelle de figurer dans la dernière ligne droite de la sélection du prochain secrétaire général de l’ONU, il lui faudra bien plus qu’un réseau diplomatique personnel. Le soutien officiel de son pays d’origine, en l’occurrence du gouvernement sénégalais dirigé par Bassirou Diomaye Faye, sera déterminant. Or, c’est précisément ce point qui fait défaut aujourd’hui.
L’histoire politique récente du Sénégal montre pourtant qu’un consensus au sommet de l’État autour d’une candidature nationale est possible, même entre anciens rivaux. Le précédent le plus emblématique reste le soutien d’Abdoulaye Wade à Abdou Diouf lors de sa candidature à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en 2002.
À l’époque, le président Wade, pourtant arrivé au pouvoir en 2000 en battant Diouf, n’a pas hésité à soutenir son prédécesseur au détriment du consensus régional qui s’était alors formé autour de l’écrivain et diplomate congolais Henri Lopès.
Malgré le fait que 22 chefs d’État francophones, réunis à Lusaka, lors du Sommet de l’OUA en 2001, s’étaient engagés par écrit en faveur de la candidature d’Henri Lopès, Wade avait effectué une volte-face politique spectaculaire. Sous la pression d’une diplomatie sénégalaise alignée sur l’intérêt national, il s’était posé en premier soutien d’Abdou Diouf, soulignant que le prestige du Sénégal passait avant les clivages internes ou les calculs politiques. Grâce à ce soutien fort, Diouf avait pu rallier progressivement d’autres voix, forçant même Henri Lopès à se retirer sous ‘’de fortes pressions’’.
Cet épisode montre à quel point une candidature sénégalaise à une organisation internationale peut réussir si elle repose sur un front commun national, même lorsque l’initiateur est un ancien président ou un adversaire politique.
Un contexte diplomatique affaibli : le Sénégal perd du terrain
En contraste avec ce passé d’unité stratégique, le Sénégal semble aujourd’hui en difficulté sur la scène internationale. Plusieurs revers récents le confirment : en 2017, le candidat sénégalais à la présidence de la Commission de l’Union africaine, le professeur Abdoulaye Bathily, n’a pas réussi à convaincre, battu dès le premier tour. En 2024, la tentative du Dr Ibrahima Socé Fall pour diriger l’Organisation mondiale de la santé s’est soldée par un échec et tout récemment, Amadou Hott, présenté comme le candidat du Sénégal pour la présidence de la Banque africaine de développement (Bad), n’a obtenu que 3,55 % des voix, malgré une campagne diplomatique active.
Ces défaites successives pointent vers un affaiblissement de la capacité du Sénégal à fédérer des soutiens internationaux autour de ses candidatures. En cause : un positionnement diplomatique devenu moins lisible, des tensions avec certains partenaires historiques comme la France ou l’Arabie saoudite, une fracture régionale avec la CEDEAO depuis la montée de l’AES et surtout un manque de coordination nationale autour des projets stratégiques de représentation.
Macky Sall face à un dilemme : négocier l’indispensable soutien national
Dans ce contexte, Macky Sall est contraint d’amorcer un processus de réconciliation tacite avec le nouveau régime, s’il veut espérer une issue favorable. Or, depuis l’arrivée au pouvoir du duo Diomaye Faye-Ousmane Sonko, les relations sont tendues. Macky Sall est la cible de nombreuses critiques, voire de menaces judiciaires émanant de la nouvelle majorité. Une partie de l’opinion publique, notamment dans les rangs du parti Pastef, ne verrait pas d’un bon œil que le président Faye soutienne une figure considérée comme responsable de la dérive autoritaire passée.
Mais la diplomatie d’État transcende les querelles partisanes. Si Macky Sall souhaite faire oublier les pages sombres de la fin de son règne et mobiliser l'appareil diplomatique sénégalais à son service, il devra probablement faire preuve de contrition politique, voire engager un dialogue discret avec les autorités actuelles pour désamorcer les contentieux. L’enjeu est de taille : le Sénégal ne peut se permettre de rater à nouveau une opportunité de faire rayonner son influence dans les grandes institutions internationales.