La nouvelle donne politique selon Pastef

Ce qui frappe dans la controverse autour des voitures des députés, c’est moins la somme engagée que le niveau de débat qu’elle suscite au sein même de Pastef. Là où, traditionnellement, les partis politiques sénégalais se contentaient d’une opposition frontale majorité contre opposition, l’émergence de Pastef a introduit une dynamique nouvelle : celle d’un militantisme actif, critique et affranchi des logiques d’allégeance aveugle. Les partisans du parti au pouvoir ne sont pas de simples suiveurs ; ils revendiquent leur droit de regard, de désaccord et d’interpellation, même lorsque les décisions viennent de leurs propres dirigeants.
Ce débat marque donc un tournant salutaire dans la culture politique sénégalaise. Il démontre que l’engagement militant peut s’accompagner d’exigence, que l’adhésion à un projet ne signifie pas une abdication de la conscience citoyenne. Ce n’est pas seulement une rupture avec les pratiques du passé, c’est un signal fort : au Sénégal, les tabous politiques tombent peu à peu et les voix dissonantes ne viennent plus seulement d’en face, mais de l’intérieur.
Pour rappel, les militants de Pastef avaient déjà démontré leur capacité à influencer les décisions au sommet de l’État, en poussant le président de la République à surseoir à la nomination controversée de Samba Ndiaye, initialement gardée secrète. Cette mobilisation avait même précipité la sortie publique d’Ousmane Sonko, contraint de s’expliquer pour tenter de désamorcer la fronde.
Ce précédent montre que, dans la gouvernance version Pastef, la base militante ne se contente pas d’applaudir ; elle interroge, corrige, et parfois impose des recadrages. C’est là toute la force — mais aussi le défi — d’un mouvement politique qui a bâti sa légitimité sur l’exigence de transparence, de cohérence et d’écoute citoyenne.
Amadou Camara Gueye