Un référendum qui divise
Si le OUI l’emporte, lors du référendum du 20 mars 2016, le Sénégal va connaître sa cinquième République : la Constitution des indépendances héritée de celle de 1958 (1), celle de 1963 suscitée par la crise politique au sommet de l’Etat entre Senghor et Mamadou Dia un an auparavant, ensuite 1970, avant celle de 2001. L’instabilité des constitutions est un mal chronique dans beaucoup de démocraties qui se veulent émergentes en Afrique.
Toutefois, le Sénégal est un cas particulier. Le Président Macky Sall, une fois élu, ne pouvait pas ne pas en proposer une nouvelle, en raison du contexte qui a présidé à son élection : les évènements du 23 juin, la volonté de son prédécesseur de briguer un troisième mandat et un pays divisé, aux lisières de la guerre civile en 2012. Macky Sall devait également prendre en compte l’esprit des « Assises nationales » et des conclusions de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri).
Il est vrai que les passions autour du scrutin sont exacerbées par la conjoncture politique et économique. Naturellement, un exercice de communication autour de ce type de scrutin est délicat et un effort sensible aurait pu être fait sur son contenu, surtout en langues nationales. Mais les amalgames et conjectures sont-ils justifiés ? Tout y passe. Les uns estiment que Macky Sall a joué la stratégie du pourrissement pour prendre son monde de court. Les autres jugent que l’Apériste en chef ne s’est pas concerté avec la classe politique et la société civile…
Mais les plus féroces détracteurs de la procédure et du projet semblent n’avoir pas lu les fameux « 15 points ». Les procès d’intention, les accusations sur des questions liées aux mœurs, les débats biaisés sont entretenus, alors que rien ne les justifie. Résultat des courses : l’ambiance est délétère dans le pays.
Quatre référendums en moins de 60 ans, C’est bien un record alors que des démocraties comme celle française, depuis 1789, en sont (seulement) à leur cinquième République. Quand le général de Gaulle constate le NON en 1969, il démissionne après le fameux épisode de la promenade sur la plage d’Irlande en compagnie de la Première dame, Yvonne De Gaulle. C’est à propos de cette question que les partisans du NON mettent le doigt dans la plaie. Ne parlons pas des Américains qui font tout pour ne pas toucher à leur chère Constitution.
Si Georges Washington ou Benjamin Franklin se réveillaient aujourd’hui, ils reconnaitraient bien le « projet » des pères fondateurs, celui des dirigeants des 13 Etats originels de l’Est. Un texte américain immuable, malgré les époques. Le président Obama va, par exemple, terminer son deuxième mandat et quitter « The White House » sans pouvoir faire bouger les lignes à propos de l’amendement lié au droit de détenir des armes à feu.
FRACTURES POLITIQUES
Toutefois, la stabilité d’une Constitution est une chose, les escaliers d’une démocratie émergente en sont une autre. On ne saurait, naturellement, comparer les expériences française et américaine à celle sénégalaise, car ce pays-ci n’est indépendant que depuis 1960. Le multipartisme intégral n’a eu cours que depuis 1981. Or, certaines démocraties sont vieilles de plusieurs siècles.
Ce qui est incompréhensible, c’est l’absence de débats de fond, lors des premiers jours de cette campagne électorale, sur les vraies questions. Ce n’est pas une élection présidentielle et beaucoup résument la question en formule, ou question laconique : « êtes-vous pour ou contre Macky Sall ? » Certes, l’opposition est dans son rôle, mais la tournure des événements fait oublier l’essentiel qui est que la Constitution soumise au référendum propose des avancées majeures (droit et statut de l’opposition, réduction de la durée du mandat présidentiel, nouveaux droits liés à l’environnement ou à ceux des enfants, renforcement du rôle des partis politiques…)
Ce qui est par contre compréhensible, ce sont les fractures au sein des formations politiques après le lancement du processus référendaire. Le Ps est écartelé entre partisans du maire de Dakar, Khalifa Sall et la direction officielle du parti. L’Afp est partie en vrille, avant le débat sur le référendum. Au sein même du parti présidentiel, des responsables, et pas des moindres, estiment que le président de la République doit « faire 07 ans ». Le député Imam Mbaye Niang vient de claquer la porte de la majorité, car il a décidé de voter contre le projet.
Certaines franges de l’opposition ont appelé au boycott avant de rétropédaler ; des organisations de la société civile appellent à voter NON alors que la majorité présidentielle, bien décidée à conserver sa cohésion, est conséquente en soutenant son leader pour le OUI. En tout cas, c’est le signe que personne n’est d’accord sur…rien. Ambiance.
Par Mame Talla DIAW