Publié le 4 May 2012 - 10:11
USA

Robert Dewey, 18 ans en prison pour rien

 

Robert Dewey, condamné en 1995 pour le viol et le meurtre d’une jeune fille de 19 ans, a été blanchi grâce à de nouveaux tests ADN. L’Américain de 51 ans a été remis en liberté lundi.

 

«Vous êtes un homme libre.»

 

Robert Dewey a esquissé un sourire, lundi, quand le juge Brian Flynn, de la cour de Grand Junction, dans le Colorado, lui a signifié sa remise en liberté après presque 18 ans passés derrière les barreaux pour un crime qu’il n’a pas commis. Robert Dewey a 51 ans; il en avait 33 quand il a été écroué pour le viol et l’assassinat d’une jeune fille de 19 ans, à quelques kilomètres de là. Jacie Taylor a été retrouvée morte le 4 juin 1994 dans sa baignoire, à Palisade. A l’époque, c’est principalement le sang retrouvé sur la chemise de travail de «Rob», comme il est surnommé par ses proches, qui l’a accusé. Pour Me Danyel Joffe, son avocat depuis sa condamnation, c’est surtout le fait que «le jury voulait condamner quelqu'un» qui a joué en sa défaveur. C’est grâce à Me Joffe que l’Américain, qui est apparu avec deux longues tresses châtain foncé, et des lunettes vissées sur le nez, peut revoir la lumière du jour aujourd’hui.

 

 

Ce dernier s’est en effet battu pour obtenir de nouvelles analyses, d’abord de la fameuse chemise: les tests ADN ont révélé que le sang n’appartenait pas à la victime, mais bien, uniquement, à Robert Dewey. Ensuite, il a fait de nouveau expertiser le sperme retrouvé sur une couverture saisie sur les lieux du drame le siècle dernier: ce n’était pas non plus celui du condamné. Grâce au CODIS fédéral, (le Combined DNA Index System, une base de données qui répertorie les profils ADN) le lien a pu être fait avec un certain Douglas Thames, qui est déjà incarcéré pour un crime similaire à Fort Collins. Comme Jacie Taylor, Susan Doll a été violée et battue avant d’être tuée, en 1989. Les deux femmes ont été étranglées -Taylor avec une laisse, Doll avec un cordon téléphonique-, rapporte le «Denver Post». Thames aurait d’ailleurs brièvement vécu dans un appartement voisin de Jacie Taylor.

 

 

 

Pas de rancœur, juste envie de vivre

 

 

Robert Dewey, qui avait écopé d'une peine de perpétuité, a toujours clamé son innocence. «Un assassin est dans la nature!», avait-il lancé au moment du verdict, en 1995. En sortant du tribunal, lundi, il n’a pas voulu parler du nouveau suspect. Ses avocats ont à maintes reprises fait l'éloge de son attitude sereine au vu des circonstances. «Il va bien. Il est très reconnaissant. Il n'est pas en colère», a également assuré son ex-beau-père, Jim Weston, pasteur. «Ce n’a pas été toujours facile de rester positif», a toutefois reconnu Dewey. «Ils m'ont jeté dans un tunnel obscur. (…) Par moment je me demandais "Quand est-ce ce que cela va s'arrêter?"», a-t-il poursuivi. «Les deux premières années je n'ai pas fait mon lit. Vous devez prendre la chose au jour le jour, étape par étape.» Le quinquagénaire va désormais devoir retrouver un travail, pour se réinsérer dans la société, avec l’obstacle que constitue inexorablement un casier judiciaire, sans compter ses problèmes de dos, qui se sont aggravés en prison et pour lesquels il va devoir être opéré –il a déjà subi une intervention alors qu’il était derrière les barreaux. Comme il l’a lui-même plaisanté, «Rob» devra aussi se familiariser avec les nouvelles technologies. «Sortant d’une boîte à chaussures, j’ai beaucoup de retard à rattraper», a-t-il encore plaisanté.

 

 

L’Etat n'a pas de fonds pour indemniser les hommes et les femmes condamnés à tort. Mais son avocat va probablement engager une action civile. En 2008, Timothy Masters, qui a passé 10 ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis, avait ainsi reçu 10 millions de dollars de la ville de Fort Collins et du comté de Larimer. «Comment pouvez-vous fixer un prix à 18 ans de la vie de quelqu'un?», a interrogé Me Joffe. Robert Dewey va s’installer avec sa compagne, Angela Bradenburg, rencontrée grâce à un programme de correspondance il y a un an. Les premières choses dont il a envie? Un «filet mignon» et des «cookies au chocolat», a-t-il confié à sa mère. Et une moto qui l’emmènera loin du Colorado –il était surnommé «Rider» avant son incarcération. Où est-ce qu'il ira?, lui a demandé un journaliste. «Ça m’est égal», a-t-il répondu. «Tant que c'est dans le vent, je serai heureux».

 

 

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