Publié le 1 Mar 2018 - 21:14
USAGE DE STUPEFIANTS

La montée des drogues de synthèse inquiète les acteurs 

 

La fabrication de drogues de synthèse est aujourd’hui un défi majeur relevé dans la lutte contre les addictions au Sénégal. En effet, selon le Dr Abou Sy, addictologue, chaque 30 mn, une drogue de ce type est fabriquée. Des substances qui sont, d’après lui, néfastes sur la santé.

 

En matière de drogue, le Sénégal a deux problèmes, selon le Dr Abou Sy, addictologue : le cannabis et les injectables. ‘’De plus en en plus, ce qui vient ajouter une contrainte à cette consommation, ce sont notamment les drogues de synthèse. On est arrivé à un point où il y a des substances qui sont incolores, inodores et sans saveur qu’on peut mettre dans des bouteilles d’eau, consommer partout, sans pour autant qu’on sache que la personne à côté prend de la drogue chimique qui est néfaste pour la santé’’, renseigne Dr Sy qui est médecin au Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (Cepiad). Il s’exprimait hier, lors de la cérémonie de lancement du diplôme d’université d’addictologie de la faculté de Médecine de l’Ucad.

En effet, selon ce médecin, aujourd’hui, n’importe quel chimiste, dans n’importe quel lieu et avec n’importe quel produit, peut fabriquer une drogue. ‘’On dit qu’il y a une drogue de synthèse qui est créée toutes les 30 minutes. On n’arrive pas à la reconnaître. C’est un problème qui est là, et qui va s’attaquer à nos jeunes. Ce qui est particulier par rapport à cette drogue de synthèse, c’est que ce sont des substances qui sont surtout utilisées dans les boîtes de nuit et qui s’attaquent à une population particulière qui sont les jeunes, qui sont l’avenir de ce pays. Si nous continuons à fermer les yeux, cet avenir va être largement compromis’’, a-t-il signalé.

A ce propos, Dr Sy révèle qu’au niveau de leur centre, il y a un fil actif qui tourne autour de 300 voire 400 patients qui viennent régulièrement se consulter. ‘’Mais d’autres études démontrent qu’il y aurait 1 324 usagers de drogue injectable sur Dakar et ses banlieues’’, ajoute-t-il. Pour ce spécialiste de l’addiction, la problématique qui se pose avec ce phénomène, c’est que l’avènement du Sida a modifié son visage. ‘’Les chiffres montrent que dans la population, les sujets vivent avec le vih. On a beaucoup plus de personnes qui ont des problèmes de drogue, qui vivent avec le vih parmi eux. Des techniques ont été développées, valables scientifiquement, qui démontrent que dans des pays où on a promulgué des techniques comme la distribution des seringues, il ne s’agit pas de promouvoir l’usage, mais de pouvoir contenir le développement du Sida’’, souligne Dr Sy.

En réalité, le Sénégal a une prévalence de près de 0,4% par rapport à la population générale. Parmi les usagers de drogue, elle est supérieure à 2%. ‘’Ce qui pose problème. Ces usagers ne sont pas des gens qui vivent en marge de la société. Ils vivent avec nous. Donc, si nous ne développons pas des moyens capables de les protéger, on ne s’en sortira pas’’, prévient-il.

Revoir le cadre juridique

Ainsi, pour résoudre cette équation de l’usage des drogues, surtout chez les jeunes, il faut adapter le cadre juridique. Ceci, afin de permettre à l’administration judiciaire de ne pas emprisonner les jeunes arrêtés pour usage de chanvre indien, ou drogue, et de compromettre leur avenir. Mais de pouvoir leur permettre de se traiter dans un cadre bien défini et de les remettre dans la société. ‘’C’est ça l’objectif’’, confie Dr Sy. Au fait, le problème d’addiction est lié à la santé. Donc, selon le coordonnateur du Comité interministériel de lutte contre la drogue (CILD), Matar Diop, il faut une prise en charge médicale. ‘’Le Sénégal l’a prévu d’ailleurs et le code des drogues prévoit que même si la personne est condamnée, elle doit bénéficier d’une prise en charge médicale. Le traitement doit être fait, soit en complément, ou en remplacement de la peine’’, dit-il. D’après ce contrôleur général de la Police, il est clair qu’il y a un taux de prévalence de la drogue très important au Sénégal. Et par rapport à la législation, il est prévu, dès la semaine prochaine, d’organiser un séminaire pour le renforcement du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la drogue. ‘’A cette occasion, on va réfléchir sur tous les aspects, notamment la prise en charge médicale et la réduction des risques’’, annonce-t-il.

Pour sa part, le chargé de programmes à l’Onudc, Babacar Jean-Pierre Diouf, estime qu’il faut aujourd’hui changer de stratégies pour s’attaquer à ce fléau. ‘’Pendant longtemps, on a pensé que lutter contre la drogue, c’est armer la police, la gendarmerie, faire de la répression, mais aujourd’hui, tout le monde s’accorde que cette technique ne marche pas. Au contraire, ça crée des groupes criminels, enrichit les trafiquants et laisse notre jeunesse à la proie de ces derniers. Maintenant, il faut changer d’approche, en allant vers la réduction de la demande’’, dit-il.  C’est-à-dire faire de la prévention, du traitement, de la réinsertion sociale, de la réduction des risques. Donc, essayer d’avoir une ‘’approche équilibrée’’. M. Diouf préconise une prise en charge médicale et sanitaire des usagers. ‘’Parce que ce sont des patients qui ont besoin d’une protection, d’assistance sociale’’.

Un déficit de personnel qualifié

Le Sénégal compte pour le moment six addictologues. Or, selon le Dr Abou Sy, la problématique de la drogue intéresse la population. ‘’Donc, il faut la prendre en charge d’une manière optimale. D’où l’idée de former les gens, avec le lancement de ce diplôme universitaire pour disséminer ces connaissances au-delà des structures hospitalières. Le Sénégal compte pour le moment six addictologues, et nous avons une promotion qui va en former 13 autres, cette année’’, renseigne-t-il. L’année prochaine, l’objectif, c’est de pouvoir capitaliser ces 13-là pour en faire des formateurs. Mais aussi rechercher des bourses, par le biais des partenaires, pour aller jusqu’à 30. L’université de Dakar vient ainsi répondre, d’après lui, à ‘’une demande de la société’’.

En effet, avec ce diplôme, l’objectif visé, d’après le chef de service psychiatrique de Fann, le Pr Mamadou Habib Thiam, est de former des médecins et non-médecins à pouvoir acquérir des compétences pour prendre en charge les personnes en difficulté avec la drogue. ‘’L’addictologie, c’est quand on est dépendant d’une substance psychoactive qui agit sur le cerveau. Les quatre addictologues que nous avions au début sont tous formés en France. C’est dans l’optique de rapprocher la formation que ce diplôme a été créé’’, ajoute-t-il.

Même si l’addictologie est très développée en Europe et dans les pays développés, il faut noter que, pour l’Afrique de l’ouest, le Sénégal est en pole position, avec le 1er centre de prise en charge en addiction, et ce 1er diplôme universitaire en addictologie.

MARIAMA DIEME

 

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