Le difficile remariage des femmes
Au Sénégal, beaucoup de veuves rencontrent des difficultés pour se remarier. Certaines refusent volontairement de convoler, tandis que d'autres sont confrontées au refus de leurs enfants de voir un autre homme succéder à leur père. Ces situations installent souvent un climat de tension entre la mère et ses enfants récalcitrants ou conduisent à des violences perpétrées sur le prétendant. Dans nos sociétés, épouser une veuve est une difficile conquête pour le prétendant.
Maimouna Thiam souhaite se remarier, mais ses enfants s’y opposent farouchement. Elle est embarrassée par sa situation. Après le décès de son époux, elle a tenté par tous les moyens de convoler en secondes noces, mais en vain. Ses enfants ne veulent pas qu’un autre homme prenne la place de leur père. Après son veuvage, ils lui ont bloqué toute possibilité de remariage. Maimouna est condamnée à rester célibataire pour le reste de sa vie, afin d’éviter d’être en conflit avec ses enfants.
"Mon époux est décédé depuis plus de trois ans. Après mon veuvage, un de ses amis est venu me demander en mariage. J’ai souhaité l’épouser, mais quand j’en ai parlé à mes enfants, ils ont catégoriquement refusé. J’ai beaucoup négocié avec eux pour les convaincre, mais ils ne veulent pas me voir avec un autre homme. J’ai tout fait pour que ce mariage aboutisse, mais ils sont restés sur leur position. Ils ont même menacé de quitter le domicile, si je me remarie. Ils ne veulent même pas voir cet homme dans la maison. Ils lui ont interdit l’accès. Beaucoup de dignitaires ont discuté avec eux, mais ils ne veulent pas me voir avec un autre époux. Je ne sais plus quoi faire. J’ai utilisé toutes les voies possibles, mais tout a échoué. Je suis obligée de rester sans époux pour préserver mes liens avec mes enfants. Je ne veux pas les perdre pour un autre homme qui pourrait m’abandonner un jour. Ce serait trop risqué", confie Maimouna.
Ce qui fait que beaucoup de veuves évitent de se remarier pour ne pas se créer des ennuis.
"Mon fils menaçait mon prétendant avec une machette"
Mère de six enfants âgés de 10 à 26 ans, la veuve Coumba Mboup a du mal à consommer son remariage. Après son veuvage, elle est vite courtisée par un homme avec qui elle a convolé sans l’accord de ses enfants. Ce qui lui rend la vie difficile. Ses enfants ne lui ont pas laissé consommer sa nouvelle union. Depuis que ce mariage est scellé, Coumba et ses enfants ne s’entendent plus. L’époux était interdit d’entrer dans le domicile.
"Après le décès de mon époux, un autre homme est venu me demander ma main. Quand j’ai décidé de l’épouser, mes enfants se sont opposés. Mais sans leur accord, j’ai fini par me remarier. Malheureusement, je ne peux pas consommer ce mariage à cause de leur attitude. Ils ne veulent pas voir l’homme dans le domicile de leur père. Chaque fois que mon nouveau mari tente de venir me voir, mon fils aîné le chasse de la maison. Il n’a jamais franchi la porte de ma chambre. Je croyais que ça allait changer un jour, mais cela a empiré. Mon fils est allé jusqu’à le menacer de mort, s’il mettait les pieds dans la maison", révèle Coumba.
Elle ajoute que ce mariage n’a pas réussi, car elle est incapable de passer du temps avec son époux qui ne prend plus le risque de lui rendre visite. "Mon nouvel époux ne voulait plus revenir à la maison. La seule solution qui nous restait était d’aller vivre chez lui. Ce qui est impossible. En tant que mère de grands enfants, je ne peux pas abandonner ma famille pour un homme. J’ai préféré rester avec eux et respecter leur volonté. Ils m’ont dit qu’ils ne supportent pas de me voir entre les mains d’autres hommes. C’est ce qui a causé mon divorce avec cet homme. Quand on a compris que ça ne pouvait pas marcher, on a divorcé à l’amiable", se désole-t-elle.
Pour Maimouna, rien ne vaut une séparation avec ses enfants.
"Rester veuve peut pousser la femme à commettre des péchés"
Pour l'imam Ndiaye, l’islam recommande le mariage à la femme qui ne peut s’empêcher de commettre des péchés par rapport aux besoins sexuels. Quand une veuve trouve quelqu’un qu’elle aime, il enseigne que l’islam l’autorise à épouser cet homme. "Si la femme peut s’empêcher de franchir les interdits de l’islam par rapport à la sexualité, elle est libre de rester veuve".
Aissatou se sent désespérée et n’écarte pas le divorce, si son remariage la pousse à se séparer de ses enfants. "Mon époux est décédé depuis plus d’un an. Après mon veuvage, son frère a décidé de m’épouser. J’ai accepté, mais mes enfants n’en veulent pas, surtout ma fille aînée. Ils n’acceptent pas cet homme parce qu’ils disent qu’il n’a pas assisté leur père pendant sa maladie. J’ai beaucoup négocié avec eux, mais ils ne souhaitent pas me voir remariée. Ils m’ont demandé de rester mère célibataire et qu’ils subviendraient à tous mes besoins. Mais moi, je veux un homme à mes côtés. J’ai insisté avec mon oncle pour me remarier. Mais depuis lors, mes enfants ne me considèrent plus. Ma fille aînée m’a abandonnée pour aller vivre chez sa grand-mère", fustige Aissatou.
Elle trouve que son remariage est embarrassant et sans bonheur. Ce qui lui fait penser à un divorce afin de remobiliser sa famille.
Quant à la veuve Sophie Diop, elle ne pense pas se remarier parce qu’elle constate que la plupart des veuves échouent à cause de leurs enfants. Elle ne veut pas vivre une telle situation. "Cela fait plus de quatre ans que je suis veuve. Après le décès de mon époux, beaucoup d’hommes sont venus me demander en mariage, mais j’ai refusé. Une mère de grands enfants ne peut pas se remarier facilement. Les enfants sont jaloux. Ils ne supportent pas de voir leur mère avec un autre homme. Il faut aussi noter qu’il y a des hommes malhonnêtes qui épousent des veuves pour les biens matériels que leur époux a laissés. Les enfants protègent parfois leurs mères contre ce genre d’hommes", confie cette veuve.
Par contre, la religion lui recommande de se remarier, pour éviter de commettre des péchés. "Rester veuve peut pousser la femme à commettre des péchés. Les enfants doivent penser à la santé et au bonheur de leurs mères. Les enfants ne peuvent pas tout faire pour elles. Les veuves ont besoin d’hommes avec qui elles pourront satisfaire leurs désirs. C’est pourquoi l’islam n’a pas limité l’âge du mariage. Le Prophète Mouhamed (PSL) avait épousé comme deuxième femme une veuve plus âgée que sa première épouse Khadija", sermonne Oustaz Ndiaye.
Il demande ainsi aux enfants de veuves de revenir à la raison et de comprendre que leurs mères ont besoin de conjoints et que le fait de rester veuve a des risques sanitaires sur elles. "Certaines veuves souffrent de maux au niveau des pieds ou des reins. Tout cela est la cause du manque d’affection", apprend-il.
Si certains enfants de veuves refusent le remariage à leurs mères, Oustaz Mor Thiam croit que c’est à cause de la diabolisation des hommes. Il trouve que les hommes qui prétendent épouser des veuves sont souvent traités de profiteurs qui ne cherchent qu’à profiter de leurs pensions ou fortunes et disparaître. Selon l'imam Ndiaye, cette diabolisation fait qu’aucun enfant de veuve n’accepte qu’un autre homme épouse sa mère.
Ainsi, il demande aux hommes qui épousent les veuves d’avoir un comportement responsable en traitant ces mères avec respect et considération.
Aissatou Diouf gère difficilement son remariage. Après son veuvage, elle s’est engagée avec un autre homme sans l’aval de ses enfants. Malgré le bras de fer de ces derniers, cette veuve a convolé en secondes noces au prix de perdre sa fille aînée qui l’a abandonnée par la suite. Cette enfant préfère vivre ailleurs que de voir sa mère épouser un autre homme. Un fait qui empêche sa mère d’être heureuse dans son nouveau ménage.
Ndeye Diallo (Thiès)