Marie Badiane, ‘’mère’’ courage
Le diagnostic de sa maladie, sa longue période d’infertilité, les infidélités de son mari jusqu’à son suicide, l’ablation de son utérus, Marie revient de l’enfer. Aujourd’hui, ‘’mère’’ de deux enfants : Alexandra et Jules Diop, elle ne vit que pour eux et garde sa joie de vivre. Elle peut compter sur le soutien de sa famille.
Rien chez elle n’indique la solitude dans laquelle elle vit depuis 2010. Son visage radieux et sa peau éclatante sont les témoins d’un courage pluriannuel. Pourtant sa souffrance a commencé en 2009, quand elle a perdu son mari. Un mariage dont elle n’aime pas beaucoup parler. Ce, à cause des nombreuses situations traversées dans son ménage pour non-enfantement. ‘’Vous savez, confie-t-elle, le mariage n’est pas du tout facile. Quand on se marie, c’est pour toute une famille. Toute la lignée du conjoint gère le ménage et cela ne marche pas.’’ L’année suivante, elle a perdu son utérus.
‘’Mon calvaire’’
Frotte-dents entre les lèvres, elle affiche un petit sourire, juste pour cacher son amertume. Marie Badiane a vécu avec sa maladie sans le savoir. Durant de longues années. Lorsqu’elle a su qu’elle avait le fibrome, elle a eu peur de subir une opération. Pendant ce temps, les myomes ont continué leur progression, jusqu’à atteindre un certain niveau. Et voilà que l’heure de son mariage a sonné. Elle avait presque 40 ans. Loyale et sincère, elle a fait part à son futur conjoint de sa maladie, avant de se lancer dans le mariage. ‘’Il n’a rien trouvé de grave. C’est lui-même qui m’a dit qu’il fallait que j’affronte ma peur et me fasse opérer. La nuit, je ne dormais pas. J’ai trop souffert avec ces fibromes. Mais mon mari m’a beaucoup soutenu, au début’’, raconte-t-elle.
Pour faire plaisir à son époux, la sexagénaire et originaire de Saint-Louis a décidé de se faire opérer, après deux ans de mariage, et de nombreuses fausses couches. Mais celui-ci, monté par sa famille, a retourné sa veste. Il n’a pas voulu payer les frais de l’opération ni verser un kopeck pour la prise en charge de cette dernière. Marie ne travaillait pas et n’avait aucune source de revenus. ‘’Je n’ai pas voulu en parler à mes parents. Je suis l’aînée d’une famille et mon devoir est de les aider. A chaque fois que ma maman me demandait quand aurait lieu l’opération, je lui répondais par, soit le médecin a voyagé, soit les travailleurs de la santé sont en grève. Parfois, je lui donnais une date pour échapper à ses interrogations.’’ Elle passait d’un ‘’mensonge’’ à un autre pour cacher à ses parents le calvaire qu’elle vivait dans son foyer.
Sans enfant après cinq cinq années de mariage, son mari n’assurait plus la dépense quotidienne. Il passait même ses nuits en dehors de la maison. ‘’Je vivais seule avec le poids de la douleur. Je me sentais délaissée, abandonnée. Ma belle-famille ne me supportait pas, parce que je n’avais pas d’enfants.’’ Prenant son courage à deux mains, elle est allée voir un gynécologue. Ce dernier lui a fait savoir l’état d’avancement des myomes qui étaient nombreux. La seule option, pour elle, était de se faire opérer le plus rapidement possible, vu son âge avancé et qu’elle voulait avoir des bouts de bois de Dieu. ‘’Nous avons commencé le traitement pour me donner une chance d’être mère. C’était en 2008. Deux années de tentatives vaines. Il m’a dit qu’il faut faire l’opération. Là, nous avons commencé les démarches.’’
‘’J’ai été très négligente’’
A ce moment, comme son conjoint cherchait à assouvir ses besoins ailleurs, il a fini par choper le VIH/Sida. Un jour, alors que Marie se préparait à aller à son rendez-vous, son mari la fit venir pour lui annoncer la nouvelle. ‘’Heureusement pour moi, nous n’avions pas eu d’intimité pendant plus de quatre mois. C’est ce qui m’a sauvée. Parce qu’il me lançait souvent des mots très choquants. Il me maltraitait’’, raconte-t-elle. Contrairement à son conjoint, Marie lui a apporté tout son soutien. Mais hélas ! Il a fini par se suicider. ‘’C’était un jeudi. Je préparais la bouillie pour nos enfants Alexandra et Jules que nous avons adoptés. Nos voisins se sont mis à crier. L’un d’entre eux est venu me dire que mon époux est mort, qu’il s’est pendu’’, se remémore-t-elle. ‘’La courageuse’’ arrête les explications. Respire profondément. Sa mine devient pâle. Les yeux rougis, la tristesse se lit sur son visage. ‘’C’est inexplicable’’, ajoute-t-elle. C’était en 2009.
Ensuite, les choses sont allées de mal en pis. Car, après une année de veuvage, elle a subi l’opération du fibrome. On lui a enlevé son utérus. ‘’Imaginez qu’on l’enlève. J’ai été très négligente…’’. Elle n’arrive pas à terminer sa phrase. Les larmes commencent à couler sur ses joues. Tout son corps tremble. Elle n’arrête pas de pleurer. Les minutes passent, Marie n’arrive toujours pas à se ressaisir. Finalement, c’est sa petite sœur Anna Badiane qui prend la relève. ‘’Elle s’en veut parce qu’elle dit qu’elle a négligé sa maladie. Elle a tout le soutien de sa famille. D’ailleurs, elle a passé son année de veuvage à la maison’’. Selon Anna, sa sœur est une femme pétrie de courage. C’est pourquoi, elle a pu tenir. ‘’Elle adore ses enfants. Ils sont sa raison de vivre. En plus, elle travaille dur pour bien s’occuper d’eux et de nous en même temps. Nous sommes fiers de l’avoir comme grande sœur’’, s’empresse-t-elle de dire.
VIVIANE DIATTA