Publié le 1 Aug 2023 - 15:40
VIOLENCES VERBALES, DÉFI AUX INSTITUTIONS, AUTISME POLITIQUE…

Ces erreurs qui ont perdu Sonko 

 

Si le temps semble assez court pour apprécier les fautes de parcours commises par le leader du Pastef, Ousmane Sonko, inculpé et placé sous mandat de dépôt depuis hier seulement, l’analyse de ses propos, ses méthodes et l’appréciation des objectifs visés, laissent croire que le déficit de maturité a impacté lourdement sur son sort. 

 

Quelle marge de manœuvre pour Pastef, alors même que cette formation vient d’être dissoute, son leader emprisonné et que des centaines de responsables, membres ou sympathisants de cette jeune formation politique sont sous les verrous ? La rue?

En vérité, rien n’est plus simple, à quelques six mois de la présidentielle de 2024. Car, avant même que le ministre de l’Intérieur ne prononce l’acte de dissolution, le parti dirigé par Ousmane Sonko était de fait décapité et privé de ses moyens d’actions. Le seul fait que l’annonce de son arrestation n’ait pas enflammé la rue, était déjà l’indice que les rapports de force avaient basculé en faveur du pouvoir. « Il était clair que les choses avaient déjà changé, lors des dernières manifestations. On a remarqué qu’il y avait moins de monde dans la rue. N’eût été le caractère spectaculaire des évènements à l’Université de Dakar, avec des images qui ont voyagé à travers le monde, on en aurait déduit que ce n'était pas si massif que cela », renseigne une source sécuritaire.

La baisse de régime est allée crescendo depuis plusieurs mois déjà, avec une décapitation du mouvement, suite à l’enquête menée par le commissaire Sangharé de la Sûreté urbaine de Dakar et qui a abouti aux résultats lus avant-hier par le Procureur de la République. Cette baisse de régime est surtout visible présentement. Car, depuis son incarcération, aucun mouvement d’envergure, de nature à troubler le sommeil des Forces de défense et de sécurité n’est à signaler. Quelques pneus ont été brûlés çà et là, des barrages érigés, mais pas de mouvements d’envergure, comme certains le craignaient.

Et pourtant tout semblait bien parti pour le jeune politique, sorti des flancs du syndicalisme et banni de la fonction publique, par le Président Macky Sall, le 27 août 2016. La tutelle reprochait à l’inspecteur des impôts un « manquement au devoir de réserve». Le décret de révocation disait ceci : ‘’Monsieur Ousmane Sonko. Inspecteur des Impôts et des Domaines principal de 2° classe 2° échelon, matricule de solde n°604.122/1, est révoqué sans suspension des droits à pension pour manquement à l'obligation de discrétion professionnelle prévue à l'article 14 de la loi n°61-33 du 15 juin 1961». Ousmane Sonko payait ainsi au plus fort ses révélations fracassantes, notamment sur l’ardoise fiscale des députés qui, selon lui, devaient 2,7 milliards de FCFA au fisc.

A cette époque, Sonko, le vent en poupe, pouvait railler le Président Sall qu’il assimilait alors à « un lion qui dort ». Très médiatique, le verbe tranchant, il enfile alors la toge politique. En 2017, il prend part aux élections législatives et réussit à entrer à l’Assemblée nationale.Il y mène la vie dure à la Coalition majoritaire, Benno Bokk Yakaar. Sur une tendance ascendante, il parvient, en 2019, à se hisser à la troisième place avec 15,76 % de voix, à l’élection présidentielle, derrière Macky Sall et Idrissa Seck. En janvier 2022, le président du Pastef est élu maire de Ziguinchor. En somme, un homme installé sur la voie royale pour accéder à la magistrature suprême d’autant que sa popularité ne retombait pas. Ousmane Sonko est alors si populaire que ses supporteurs le drapent dans des habits messianiques, « Ousmane le pur », Et puis, le gâchis…

Sept ans après son éviction de la Fonction publique, précisément le 27 août 2016, presque un an jour pour jour, (il a été arrêté le vendredi 28 juillet 2023), le voilà qui se fait inculper pour des chefs d’accusation qui peuvent lui valoir une lourde peine. Le

tableau est un peu plus sombre pour Ousmane Sonko qui se retrouve dans une impasse, marginalisé par certains de ses anciens camarades de lutte (Barthélemy Dias et Khalifa Sall) et sans réels moyens de pression politiques comme le contrôle de la rue, à même de le sortir de ce pétrin. C’est surtout par le verbe qu’il a donné à ses adversaires le bâton pour se faire battre. Après avoir suggéré un jour d’effusion avec ses (nombreux) supporters de « fusiller les anciens Présidents du Sénégal », il avait indiqué à plusieurs reprises à son auditoire que « le mortal combat », « une affaire de vie ou de mort », était inéluctable. Aux jeunes, il demande d’affronter les forces de l’ordre « sans peur de mourir car vos mères enfanteront à nouveau ». Lors de sa dernière sortie le Procureur Abdou Karim Diop a diffusé une vidéo où on l’entend suggérer à la foule de « prendre d’assaut le palais pour faire subir à Macky Sall le sort de Samuel Doe (ndlr – ancien président du Libéria sauvagement assassiné devant des caméras) ».

Alors que son origine casamançaise et la perspective de le voir un jour diriger le Sénégal suggéraient que ce serait là l’occasion de refermer la parenthèse du MFDC, il a au contraire posé des actes qui ont froissé son image auprès de l’armée : une visite dans un camp du mouvement irrédentiste en Guinée-Bissau, et révélée par son ancien allié, le Maire de Dakar, Barthélémy Dias ; son refus de s’associer à l’élan de soutien à l’armée nationale après le rapt, en janvier 2022, de neuf « Jambars » engagés en Gambie dans le cadre de l’Ecomig. Dans une longue litanie comminatoire qui enflammait ses partisans en même temps qu’elle sédimentait les accusations qui se retourneront contre lui, il ne sera pas tendre avec ce qu’il

a résumé par « le système », en réalité les institutions qu’il a publiquement appelé à terrasser. Pour beaucoup d’analystes politiques, le maire de Ziguinchor, dont le destin d’édile de la ville du Sud est plus qu’incertain, aurait pu jouer la carte du dialogue, comme l’avait fait Me Abdoulaye Wade avec Abdou Diouf, le temps que l’étau se desserre. Ce qui amène certains, à l’image de l’ancien ministre et ancien leader de l’Urd-Fal, Doudou Sarr de se poser la question suivante : « Ousmane

Sonko est-il réellement conseillé ? ». Son tempérament dirigiste est-il en train de le perdre ? En tout cas, un ancien officier supérieur de la Gendarmerie qui avait été démarché pour intégrer le Pastef, n’a pas voulu s’engager à cause de ce trait de caractère qui lui est prêté.

Autre grain de sable dans la machine qui a écorné son image, c’est bien l’affaire Adji Sarr. Celle-ci a fortement entamé sa crédibilité. Car, si peu de sénégalais croient à la thèse du viol, très peu aujourd’hui doutent du fait que des liens ont bien existé entre les deux. Ce que le chef de file des Patriotes n’a jamais voulu reconnaître. Aujourd’hui, si la dissolution de ce parti

émeut les démocrates, il se trouve des observateurs pour souligner que c’est justement pour « sauver la démocratie » que cette décision, pas inédite dans l’histoire politique du Sénégal, a été prise.

AMADOU FALL

 

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