Un sapeur à la double tradition
Le grand écart entre la culture lébou et la religion musulmane faisait de Serigne Mansour Sy, Borom Daara yi, un guide au paraître tape-à-l’œil. Mais qui reflétait, selon les sociologues Djiby Diakhaté et Hadiya Tandian, l'appartenance à une double tradition, islamique héritée de son père Hal Pulaar, et coutumière tirée de sa mère lébou.
Rappelé à Dieu hier des suites d’une courte maladie, Serigne Mansour Sy aura été le Khalife de Tivaouane qui s’est le plus distingué de par son accoutrement. Toujours en grand boubou haut en couleurs, brodé de haut en bas et souvent assorti d’un manteau royal, le défunt guide de la Tarikha Tidiane savait orienter l’attention sur lui. Selon le sociologue Djiby Diakhaté, cet ‘’accoutrement du petit-fils de Maodo combinait deux axes de valeurs qui ne sont pas divergents’’.
D’une part, il reflétait ‘’la tradition islamique qui voudrait que l’homme s’habille de la manière la plus décente qui soit’’. En cela, ‘’son habillement est justement un modèle de respect des principes canoniques de l’islam tels qu’ils ont été établis dans le Coran et par la tradition prophétique’’, analyse-t-il. D’autre part, Diakhaté souligne que cet accoutrement ‘’reflète également les traditions locales, l’accoutrement des guides traditionnels, des rois qui étaient investis d’une certaine responsabilité communautaire et qui exerçaient de la façon la plus éthique qui soit’’.
C'est une telle symbiose qui fait de Borom Daara yi «un homme double», selon l'expression d'un autre sociologue, Hadiya Tandian. ‘’Issu d’un père Hal Pulaar et d’une mère lébou, dit-il, il a hérité ce penchant du chef coutumier du côté de sa mère et celui religieux du côté de sa famille paternelle.’’
Ce qui fait dire à Djiby Diakhaté que Serigne Mansour Sy est quelqu’un qui émarge dans le registre de la tradition lébou tout en restant très attaché à sa tradition et à la religion musulmane. Une posture particulière que Tandian explique ainsi : ‘’Nous sommes dans une société pas essentiellement islamique mais qui a gardé une certaine tradition que nous tenons de nos coutumes’’. De fait, il estime qu’’’au Sénégal, il sera très difficile de séparer la religion de la coutume’’, paraphrasant ainsi Serigne Babacar Sy.
Replongé dans ses analyses, Djiby Diakhaté souligne que ‘’le manteau qu’il portait souvent constituait l’expression du pouvoir’’. Orfèvre du verbe, Serigne Mansour Sy a toujours donné une place privilégiée au paraître. Une manière pour lui d’exprimer une posture qui attire l’attention de tout le monde sur son discours essentiellement articulé autour de considérations religieuses, croient unanimement savoir nos deux interlocuteurs.
ASSANE MBAYE