Les riverains au cœur d’une équation à mille inconnues
Situé dans la localité de Mbao dont il porte le nom, le marigot, réceptacle d’eaux fluviales venues de tout bord, installe ses riverains dans une profonde inquiétude. Le pire est à craindre.
Marigot de Mbao, le danger est sous cette eau qui brille au contact du soleil. Nous sommes au quartier Mbao Villeneuve, il est bientôt 13h. Elèves en classe de CM2 à l’école Fogny, El Hadji Malick Ndiaye et son camarade empruntent attentivement une rangée de brique servant de pont. Ces élèves, comme tant d’autres, empruntent quotidiennement ce passage obligé qui mène à leur école. Sous ces ponts de fortune, une eau dangereusement polluée et insolemment sortie de son lit, reste le nid incontestable et incontesté de ‘’reptiles’’ de toutes sortes.
Cette année, le marigot est encore sorti de son lit, à cause de la vétusté des dalles qui l’ont contenu jusqu’ici. Elles se sont affaissées provoquant une déferlante qui n’a rien épargné sur son passage. Seule la partie supérieure des poteaux servant de camps de foot aux jeunes du quartier, semble résister à cette eau. L’année dernière au même moment, l’eau avait déjà disparu et le terrain de foot était praticable, témoignent des riverains. Mieux encore, El Hadji Malick Ndiaye et ses camarades écoliers confient que c’est au milieu du terrain qu’ils passent en temps normal pour se rendre à leur école. On est bien loin de cette époque.
Aujourd’hui, les élèves du quartier sont bien obligés de faire un grand tour, passant par le croisement de Keur Mbaye Fall où une foultitude de véhicules les exposent à plusieurs dangers. De retour de l’école, après des heures de labeur, ils doivent faire avec l’hostilité du milieu. Avec leurs familles, ces jeunes gens habitent des maisons qui jouxtent l’eau du marigot. ‘’Ce lieu empeste, les moustiques envahissent nos demeures et plus grave encore, à chaque appel du muezzin, on entend le cri bizarre d’un animal sous l’eau’’, rapporte Mme Dramé Zeynabou Ndao, le regard terrifié rien qu’en évoquant le sujet.
Sa maison borde le marigot et ses dangers. Elle raconte : ‘’Il y a quelques mois, un serpent a été tué devant chez moi, il venait du lac. Il est fréquent de voir ce genre de reptile dans les environs’’. C’est devenu un impératif, il faut agir et très vite, s’enflamme la dame Ngoné Ndiaye qui n’en peut plus de voir ses petits-fils souffrir du paludisme, à cause de la pléthore de moustiques encouragés par la présence du marigot. Elle demande avec insistance que l’eau du marigot soit déversée à la mer, sinon le prochain hivernage pourrait leur être fatal.
Il pleut sur Dakar et on déverse à Mbao
C’est un secret de polichinelle que les autorités sénégalaises ont la manie de transférer les problèmes plutôt que de les résoudre. Le marigot de Mbao se situe dans la zone des Niayes constituée d’une succession de dunes et de dépressions inter dunaires. Des dépressions qui englobent de nombreuses zones d’eau liées aux fluctuations de la nappe phréatique. Avec les inondations intervenues au Sénégal en 2005, tous les ingrédients d’un trop-plein d’eau étaient déjà réunis. En effet, c’est à partir de ces inondations que le marigot s’est vu transformer en un vaste exutoire d’eaux fluviales venues de presque partout, notamment de Rufisque, Zac-Mbao, Keur Massar, Keur Mbaye Fall et une bonne partie de Mbao.
‘’Au début, c’était un bon exutoire qui allait directement à la mer. Le problème, c’est qu’actuellement, l’eau ne va plus à la mer, à cause de la résistance des peuples de pêcheurs’’, souligne un riverain. Les pêcheurs justifient leur refus d’ouvrir une brèche pour évacuer l’eau du marigot, par le fait que cette celle-ci est ‘’polluée’’ et les empêche de circuler librement sur leur plage qui s’en trouve ainsi scindée en deux parties. Des arguments qui relèvent de ‘’caprices’’, selon Ibrahima Sadio, un vieux pêcheur casamançais perdu au milieu des Lébous. Si cela ne tenait qu’à lui, la brèche allait être très vite ouverte pour, dit-il, permettre aux riverains du marigot de vivre en paix. La seule certitude, le prochain hivernage pourrait faire du marigot de Mbao une véritable bombe écologique si rien n’est fait.
LE MARIGOT DE MBAO : Quelques notes sur un milieu naturel agressé par les humains
Le marigot de Mbao, plan d'eau stagnante, est divisé en trois parties. La première est intercalée entre les quartiers de Medina et de Kamb. Puis, l’étendue d’eau traverse la forêt classée de Mbao et passe à proximité des quartiers de Keur Mbaye Fall, Keur Mbaye Fall Extension, Promocap, Diagnenar, Grand Mbao et Gokh.
C’est entre les quartiers Petit Mbao et Gokh-bi que se situe la seconde partie, la troisième étant dans la zone industrielle de Mbao. Autrefois, ces parties étaient reliées entre elles. ‘’Le lac est alimenté par les eaux de pluie qui ruissellent depuis Mboro, commune située à 40 km de Mbao’’, soulignent des études scientifiques. En période d'hivernage et de marée haute, le marigot subit des intrusions de l'océan. D’où le danger de verser ‘’n’importe comment’’ cette eau à la mer, informe le président de la commission environnement à la mairie de Mbao, Momar Pouye.
Pour la petite histoire, le marigot était, à ses origines, un lac avec des eaux douces et une forte mangrove. La population locale se nourrissait des revenus du lac tirés de la pêche et du maraîchage, représentant les principales activités du milieu. La forte urbanisation de Dakar, engendrant dans sa foulée des ‘’constructions anarchiques’’ sur la zone, a beaucoup impacté sur ce réseau naturel qui s’étend sur des kilomètres. Ce qui fait dire à Momar Pouye : ‘’Tant qu’on n’aura pas réaménagé le marigot, pour le remettre dans son lit naturel, Mbao risque de disparaître’’. Il poursuit qu’en réalité, le marigot n’est même pas sorti de son lit mais qu’il ne fait que reprendre sa dynamique naturelle.
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Amadou NDIAYE