Là où les prières s'exaucent !

Le lieu est niché dans une petite forêt. Il apparaît comme une oasis au milieu d'un désert avec son sable blanc très fin qui lui donne un air enchanteur. Seydina Limamou Laye aurait séjourné dans ce lieu dénommé Nguediaga et depuis, toute prière y formulée serait acceptée.
Nguediaga, situé à 1,5 km au nord du village traditionnel de Malika (à environ 22 km de Dakar) et au sein du quartier Malika-Plage est un lieu de culte comme aucun autre. Son histoire est assez particulière. «Tout ce qu'on demande à Dieu ici, il l'exauce», dit la croyance populaire. Laquelle est confirmée par les fidèles layènes trouvés sur place ainsi que le gardien des lieux. «Fii loo fi ñaan mu nangu», jure Fatou Mbaye. Habillée tout en blanc, de petite taille, la dame s'explique : «Ceux qui connaissent vraiment Nguediaga savent que c'est un lieu mystique. Moi, une fois j'étais malade. Je ressentais des douleurs au bas-ventre. Je suis allée voir le gynécologue et il n'a rien trouvé. Quand je suis venu ici, j'ai demandé à Dieu de me guérir de cette maladie. Je suis rentrée et quelques jours après, j'ai perdu beaucoup de sang et je me sens beaucoup mieux depuis ce jour». C'est le premier «miracle» qu'elle a vécu ici. Depuis, elle s'est faite layène. Il est dit que les prières de ceux qui ne sont pas layènes s'exaucent plus rapidement que celles des disciples», selon le gardien des lieux, Macoumba Diop.
Promesse de Baye Laye
Nguediaga doit cette «particularité» à Seydina Limamou Laye. L'histoire raconte que le 11 septembre 1887, le premier Khalife des Layènes séjourne sur ces lieux avec les nommés Ablaye Samb, Thierno Sarr, Aly Mbaye et Demba Mbaye pendant 3 jours. Il vient alors de Yoff pour échapper aux Blancs. Et c'est sous un arbre dénommé ''Nguediaga'' qu'il trouve refuge avec ses compagnons. D'où le nom du site. Ces derniers vont finalement le retrouver sur place. «Ils ont tenté ensuite de l'éloigner de Dakar mais n'ont pu dépasser Gorée», raconte-t-on. C'est suite à ce petit exil que Baye Laye dit que «toute prière formulée sur ces lieux sera acceptée.» Depuis, les Layènes y croient et en ont fait un lieu de pèlerinage. A chaque lendemain de Tamxarit, par exemple, des milliers de fidèles affluent sur les lieux. «Les dunes peuvent accueillir jusqu’à 35 bâches pour accueillir les fidèles et le parking est complètement envahi. On voit des voitures garées jusqu’à Malika village même», rapporte Macoumba Diop.
À ciel ouvert et large d’à peu près un hectare, le site est enclavé entre une forêt classée et le bord de mer. Il possède son propre parking, en bitume, et la route qui y mène a été construite par Mamadou Seck, ancien Président de l’Assemblée nationale et actuel maire de Mbao. La majeure partie du domaine cependant est recouverte d’un sable blanc très fin. Ce dernier est parsemé des minuscules pommes de pin qui tombent, à intervalles réguliers, des rangées de filaos qui le longent. Vu du ciel, l’ensemble ressemblerait à s’y méprendre à un œil gigantesque, à ces dunes sablonneuses évoquant un iris étincelant dans un écrin de vert forêt. Très propre, l’endroit est bordé de petites pierres peintes en blanche qui zigzaguent à travers les collines pour les circonscrire. Une équipe de nettoyage vient, une fois par semaine, s’assurer de la salubrité des lieux selon celui qui le ''garde'' Macoumba Diop.
Dès le départ, ce qu’on remarque le plus est que la main de l’Homme a très peu altéré Nguediaga : seuls des latrines et un enclos artisanal pour protéger une espèce végétale rare et réputée bienfaisante qui pousse au milieu des dunes tiennent compagnie aux lieux de dévotion des fidèles avec, à l’entrée, une stèle érigée en 2007 en l’honneur d’illustres chefs religieux layènes (ici sont dessinés les portraits de Mame Ablaye, Seydina Issa Rouhou Laye, Seydina Mandione Laye, Babacar Laye et Seydina Issa ibn Seydina Mandione).
Ici, pas de mosquée mais un puits recouvert d’une dalle en béton ornée de mosaïques. Foré en 1995 sur instruction de l'actuel Khalife, Serigne Ablaye Thiaw Laye, le puits est un lieu de convergence pour les fidèles. Ils y font leurs ablutions grâce à un robinet en cuivre, à l’aide de sceaux qu’ils font descendre avec une corde à travers deux ouvertures carrées coulées dans le béton de la dalle qui le recouvre. Des jours calmes comme ce dimanche où EnQuête s'est rendu sur les lieux, les fidèles qui viennent sur les lieux en puisent pour faire leur grande ablution avant de faire leurs prières sur place. D'autres en prennent et l'amènent chez eux. L'eau serait bénite. ''Cette eau soigne absolument tout'', assure Macoumba Diop. A Malika, on en voit qui le croient et qui jurent en avoir les preuves. ''Mon fils était une fois très malade. Son père et moi l'avons amené à l'hôpital. Il a suivi le traitement prescrit par le médecin sans amélioration de son état. Je suis venu prendre de cette eau que je lui donné chaque matin à jeun et le soir. Il a vite repris des forces'', assure, la main sur le cœur, Adji Kane.
L'eau qui soigne
Face au puits se dresse la «montagne» : une dune de sable d’environ 3 mètres de haut et 5 m de rayon, autour de laquelle les pèlerins layènes décrivent des cercles avant de prier. ''On peut faire un tour, 3 ou 7 en hommage à Seydina Limamou Laye avant de prier'', a expliqué Macoumba Diop. À n’importe quelle heure du jour, on y croise des fidèles, certains vêtus de blanc des pieds à la tête et d’autres habillés plus simple, tous venus y faire leurs prières après s’être purifiés à l’eau claire du puits. ''On vient ici pour que nos vœux se réalisent'', dit Abdou Kâ trouvé sur place. Exactement au niveau de la dénivellation au pied de la «montagne». Il venait de terminer sa prière. Le martèlement de millions de pieds y faisant les cent pas reste très visible sur cette partie. Les fidèles accèdent aux lieux pieds nus. Sainteté oblige vu que les gens prient sur le sol même. De ce sable, il est dit que tout voyageur qui en rapporte reviendra chez lui.
L’atmosphère de Nguediaga est particulière : les jours ordinaires, on n'y entend que le bruit des vagues, accompagné du piaillement des moineaux et du ululement des chouettes avec, parfois, le grognement d’un chacal solitaire qui s’est laissé surprendre par les fidèles. Le lieu est réputé pour être fréquenté par d’étranges visiteurs : les animaux, d’abord, dont les cris se mêlent au bruit de la houle marine, et d’autres entités. On murmure que ces dernières ne seraient pas de ce monde : esprits, apparitions, monstres... Chacun y va de sa version, jurant avoir aperçu un être surnaturel, un jour ou un autre. «On voit des êtres bizarres ici chaque jour. J'ai déjà vu un handicapé qui n'a pas de jambes ramper des filaos jusqu'ici. Il a fait sa prière au pied de la monticule avant de repartir», raconte le guide, le sourire d’une ancienne re-collection sur les lèvres.
Prière en ''streaming''
Côté électrification, Nguediaga est plutôt sommaire : une seule rangée d’anciens poteaux y a été installée, il y a déjà longtemps, par la Senelec car les besoins en électricité du site sont pauvres. Seules quelques lampes pour éclairer le chemin des fidèles la nuit et une prise de terre pour la pompe électrique que l’on sort de sa remise les jours de dévotions. Cela ne veut pas pour autant dire que le site est coupé du monde. C’est plutôt le contraire ! Lors des cérémonies de grande envergure, les fidèles, dont nombre viennent de l’extérieur où ils sont installés pour prier à Nguediaga, amènent avec eux le progrès, sous la forme d’internet. En effet, plusieurs câbles recouverts d’une gaine de plastique noir, longs et fins, sont accrochés aux poteaux électriques et servent, en cas de besoin, à brancher le matériel électronique grâce auquel les fidèles diffusent le déroulement des prières en «streaming» sur le web éponyme «Nguediaga.net».
Malika-Plage où se trouve Nguediaga est le village traditionnel de Malika. Les premiers habitants sont arrivés en 1902. Ils étaient tous des Layènes. Vers les années 1940, une épidémie de peste oblige les populations à migrer jusqu'à l'actuelle place où se trouve le village traditionnel. Ces explications sont d'Assane Sow, petit frère de Libasse Sow, chef de quartier de Malika-Plage. ''Seul notre père était resté sur les lieux. Il s'appelait El hadji Djibory Sow'', ajoute-t-il. C'est à la fin des années 1990 que Malika-Plage commence à se repeupler. ''Les gens ont commencé à se réinstaller ici vers 1995 ou après. Ce ne sont pas des familles originaires de Malika même. Elles nous viennent d'ailleurs'', précise M. Sow. Nguediaga est une bénédiction pour ces populations. ''Moi, personnellement je n'y ai jamais mis les pieds. J'entends les gens raconter des choses mais ma curiosité ne m'a jamais poussé à aller sur les lieux'', dit un des habitants ayant requis l'anonymat. ''On ne sent pas quotidiennement la présence de Nguediaga puisqu'il est un peu isolé de nos demeures'', soutient Pape Thiam rencontré dans l'une des rues de ce quartier calme.
Cependant, les Layènes ne sont pas les seuls à fréquenter ces lieux. «Des gens voient l'endroit en rêve et viennent faire leurs prières», selon Macoumba Diop. En 2005, les Moustarchidines auraient passé une semaine sur le site. «Serigne Moustapha leur avait dit : faites attention aux prières que vous formulez ici puisque tout vœu formulé va être exaucé», rapporté M. Diop. Une des filles de Serigne Fallou Mbacké aurait aussi déjà fait son pèlerinage sur le site ainsi que l'actuel maire de la ville de Pikine, Pape Sagna Mbaye, ainsi que l'ancien président de l'Assemblée nationale Mamadou Seck... Tous apportent leurs contributions à l'occasion des grands rassemblements, nous dit-on. Au fait, il y a un gardien des lieux : il s'appelle Serigne Mamour Laye, un des fils de l'actuel Khalife général...
BIGUÉ BOB & SOPHIANE BENGELOUN
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