Publié le 8 Mar 2013 - 08:05
LITIGE FONCIER AUX HLM GRAND-YOFF SHELTER

 La SN-HLM au banc des accusés

 

 

Un dossier aux relents de scandale foncier est en train de secouer la cité Hlm Grand-Yoff Shelter. Les populations de cette cité de la banlieue dakaroise crient leur rage contre la Sn Hlm qui aurait encouragé des promoteurs immobiliers à opérer un détournement d'objectif. À la base, une réserve foncière qui aurait dû servir à la construction d'une école et d'un poste de santé....

 

La Société nationale des habitations à loyer modéré (SN-HLM) est dans le collimateur des habitants de la cité Hlm Grand Yoff Shelter qui poussent le bouchon jusqu'à l'accuser d'être coutumière du détournement d'objectif. Sur le qui-vive, les populations de cette localité de la banlieue dakaroise n'entendent pas lâcher du lest. Depuis des années, elles n'ont eu de cesse de lancer un cri du cœur qui verse, à leurs yeux, dans l'oreille d'un sourd. L'esplanade de leur mosquée serait menacée par un promoteur immobilier soutenu, disent-ils, par la SN-HLM. De ce fait, les responsables de la mosquée profitent des grandes fêtes religieuses pour solliciter le soutien des autorités étatiques. En vain ! Dépitées par le culte de l'impunité qui semble, à leurs yeux, prévaloir dans ce pays, elles ont décidé d'user de toutes les stratégies pour mettre à nu des «agissements illégaux» de la SN-HLM. Celle-ci excellerait dans l'art de vendre injustement des lopins de terre.

 

La vente d'un terrain d'une superficie de 190 m2 à un ancien cadre de banque qui l'a revendu à son tour à un directeur de banque, a fait monter d'un cran la colère de la population. A en croire les habitants de la cité Hlm Grand Yoff Shelter, le plan de masse avait prévu la construction d'une école sur cet espace vague qui jouxte la mosquée. Et à défaut de l'érection d'une école prévue dans le contrat initial, les habitants qui avaient déjà entamé des travaux de grande envergure, jugent que le terrain inexploité doit donner corps au projet d'extension de la mosquée. Ils sont d'avis que ce site est inclus dans la réserve foncière octroyée pour l'érection d'infrastructures publiques. En d'autres termes, le domaine est une propriété de leur commune.

 

Dans une des lettres adressées aux autorités compétentes, les signataires : l'imam de la mosquée Ahmet Fofana, le délégué de quartier et le président du comité de gestion, justifient le bien fondé de leurs actions en ces termes : «La mosquée est devenue exiguë, avec le développement du quartier qui enregistre 3 000 habitants. Son extension est devenue une nécessité pour les nombreux fidèles musulmans. Ce terrain non exploité est utilisé depuis 1994 pour contenir les fidèles venant du quartier et des quartiers environnants les vendredis et lors des fêtes religieuses. Il s'y ajoute la nécessité d'y mettre une école coranique et une aire réservée aux femmes.» Et d'ajouter, «toute solution pouvant nous permettre d'exploiter ce terrain au service des populations serait la bienvenue et nous permettrait de conserver son caractère d'utilité publique». Toutefois, même si cette ambition semble noble, les populations ont du mal à se soumettre à cette évidence : leurs préoccupations et celles des promoteurs immobiliers ne se recoupent pas. «Ils risquent, en occupant cet espace, d'étouffer les fidèles de la mosquée et d'empêcher des musulmans de s'acquitter de leurs obligations religieuses. Les autorités doivent nous aider à récupérer notre espace. Ce terrain nous appartient», déclare Babacar Khouma, un habitant de la localité.

 

''Le directeur de l'urbanisme n'a jamais autorisé le morcellement des parcelles''

 

À ce propos, une pétition circule dans le quartier. Les mêmes arguments sont brandis de part et d'autre. «La Sn Hlm n'a aucunement le droit de vendre ce terrain à caractère d'utilité publique», souligne un des responsables de la mosquée, M Amath Diop, ingénieur en bâtiment et un des responsables de la mosquée. Il dénonce vivement un détournement d'objectif effectué par la Sn Hlm. Sa colère va crescendo quand il se fait à l'idée que cet espace a été cédé à hauteur de 9 millions de F Cfa à un ancien directeur de banque qui s'est permis de morceler le terrain en plusieurs parcelles revendues chacune à plus de 20 millions. «Pire, le directeur de l'urbanisme nous a signifié qu'il n'a jamais autorisé le morcellement des parcelles. Il attend des explications du directeur de la Sn Hlm», précise-t-il.

 

Pour les habitants de ce quartier, la société immobilière chercherait toujours à prendre l'avantage sur ses clients.... Ils en veulent pour preuve l'architecture du plan initial qui aurait été modifié au gré des intérêts de la Sn Hlm. «Le secteur était, à l'origine, divisé en quatre lots. Le premier lot était attribué aux villas par les hlm. Il revenait à tout demandeur. Le deuxième lot devrait servir de zone commerciale, avec l'érection d'un centre médical pour la communauté. L'espace a été transformé en villa à notre grande surprise. Le lot 3 contenait la mosquée, le lot 4 était attribué à l'école. Mais à part les villas et la mosquée, les espaces ont été exploités à d'autres fins», avancent-ils à l'unisson.

 

Des promoteurs immobiliers dans la légalité ?

 

Toutefois, des documents «authentiques» attestent que le sieur Abdou Thiam, directeur de banque à la retraite, a bien acquis ce terrain qui lui a été cédé légalement par un de ses clients. La loi l'autorise, de ce fait, à exploiter sa propriété à sa guise. Sur l'acte de vente, il est notifié que «l'entier titre foncier numéro 4628 du livre foncier de Ngor Almadies (TF n 4628/ NGA) duquel est distrait le lot n 4 présentement vendu, appartient en toute propriété à Monsieur Abdou Thiam par suite de l'acquisition qu'il en a faite de la société nationale des habitations à loyer modéré... La mutation de la propriété a été opérée au bureau de la conservation de Ngor Almadies, le 14 avril 2011». Quand les populations crient au faux, la notaire Me Nafissatou Diop Cissé juge que l'opération est bien légale. Le sieur Abdou Thiam s'est approprié ce site, sur la base de procédures légales.

 

Du côté de la Sn Hlm, c'est avec un air détaché qu'on évoque ce dossier qui ne mériterait pas autant de bruits. La responsable de la direction des affaires domaniales et juridiques, Mme Penda Seck Diallo, semble étonnée de la tournure prise par cette affaire qui serait rangée aux oubliettes, depuis que l'acte de vente a été dûment signé. «Le contrat initial avait effectivement prévu la construction d'une école privée sur ce site acquis par M Seyni Niang. Quand il s'est retrouvé dans l'incapacité de concrétiser son projet, il a revendu le terrain à M Abdou Thiam suivant les procédures normales. Nous n'avons pas été informés du morcellement de cet espace, le dossier n'est plus de notre ressort vu qu'il a été acquis légalement par M Thiam.»

 

Un poste de santé détourné à d'autres fins ?

 

Il n'y a pas que le terrain vague contigu à la mosquée qui polarise l'attention des habitants des Hlm Grand-Yoff Shelter. Ils soulignent ne pas comprendre comment le lot 4, qui était destiné à l'érection d'un poste de santé, a fini par abriter une maison grand standing. Interpellés sur la question, des responsables de la Sn Hlm soulignent n'avoir pas eu écho de ce projet. «Je ne détiens aucune information sur cette affaire», souligne Mme Penda Diallo de la Sn Hlm. Dans le quartier, des voix dénoncent en sourdine la construction de cette maison où loge une célèbre journaliste de la RTS. Elle occuperait illégalement un espace qui devrait servir à la communauté. ''C'est faux ! Archifaux !'', rétorque la dame, abattue par ce tissu de ''contrevérités'' qui porterait la marque de ses détracteurs. Sur un ton dépité, elle souligne, preuve à l'appui, que cet espace ne pouvait aucunement abriter une structure de santé. «C'est moi qui avais un projet de clinique privée au début. Des études du projet ont révélé que c'est un investissement à perte, la zone comptait déjà plusieurs postes de santé. Il faut un poste de santé pour 10 000 habitants, or il y a dans le coin plus de 4 structures médicales, pour 3 000 habitants. Vu que mon projet était voué à l'échec, je me suis résolue par la suite à aménager ce site. J'y ai construit ma maison. Je me demande quelles sont les raisons de cette agitation. Ce terrain qui se trouve sur une zone commerciale est ma propriété. Les Sénégalais savent faire preuve de bonne foi», nous dit-elle très «affectée».

 

Si par ailleurs, la dame a adhéré au combat des responsables de la mosquée qui s'opposent au morcellement de leur réserve, c'est parce ''qu'il y a déjà plusieurs écoles dans cette zone. Il n'y a aucune nécessité d'y implanter une nouvelle école. Le site doit revenir à la mosquée. Les populations ont fédéré leurs actions, en vue d'entrer dans leurs droits», souligne la journaliste qui ouvre grand les yeux à l'évocation du concept «détournement d'objectif...» dont elle est accusée.

 

MATEL BOCOUM

 

 

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