''Mes propositions pour un Sénégal nouveau''
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Le président du tout nouveau mouvement, ''Vision pour un Sénégal nouveau'', Habib Sy, s'active déjà en perspective des Locales de 2014. Dans cet entretien avec EnQuête, le maire de Lingère et ancien ministre d’État, Directeur de cabinet d'Abdoulaye Wade, s'explique sur les raisons de la création de son mouvement et sa candidature annoncée. Il ne manque pas de se prononcer sur l’an I de Macky Sall au pouvoir.
Vous êtes le maire de Linguère depuis 2004. Qu’est-ce qui vous pousse à créer un mouvement au sein de votre formation politique, le Parti démocratique sénégalais (Pds) ?
Je voudrais dire d’abord que je suis un libéral, social et solidaire. Mais pendant tout ce temps que j’ai passé en dehors du pouvoir, après qu’on l’a donc perdu il y a un an de cela , je me suis mis à réfléchir et j’ai abouti à la conclusion que notre pays, le Sénégal, est une société foisonnée au plan politique et citoyen.
Cela veut dire quoi ?
Cela veut dire que depuis 53 ans que nous sommes considérés comme pays indépendant, nous exerçons une sorte de gouvernance par l'organisation d’une forme d’État qui, jusqu’à présent, se révèle plus ou moins incapable de nous placer sur la voie du progrès. Parce que 53 ans, c’est quand même beaucoup. Nous nous sommes posés la question de savoir : ''Est-ce que la forme d’organisation de l’État est ce qu’il nous faut pour arriver à une croissance soutenue sur une période, assurer le progrès pour le développement et le mieux-être des populations ?''
Et quelle est la réponse ?
La réponse effectivement est non. Il faudrait donc revoir cette forme d’organisation et arriver à d’autres propositions que nous jugeons plus aptes à permettre au Sénégal de sortir de l’ornière, de se mettre sur la voie de l’émergence, dans un délai maîtrisé. Et c’est pour cela que nous pensons que cette forme de gouvernance peut être plus sectorielle. Je donne un exemple, je fus ministre de l’Agriculture. J’ai conduit des programmes qui nous ont permis de développer, comme cela ne s’est jamais fait au Sénégal d’ailleurs, une certaine production. Je prends le cas du maïs : là où le président Wade nous avait demandé de produire un million de tonnes, nous sommes arrivés à 500 mille tonnes. Nous l’avons fait aussi en développant d’autres spéculations. Maintenant que j’ai réfléchi, j’estime que même s’il y avait une volonté politique très hardie pour améliorer la condition de vie des paysans, on se rend compte que le paysan sénégalais vit la même situation depuis 1960. Le problème de fond, je pense que c’est parce qu’il n'y a pas eu une gouvernance participative. Autrement dit, pour aider quelqu’un, il faut lui demander la façon dont il veut être aidé. Le paysan est un homme comme nous, qui réfléchit comme nous, qui a sa vision des choses. Il serait bon qu’on développe la concertation de façon sectorielle avec l’ensemble des paysans pour leur demander comment ils veulent être soutenus par l’État. Et quand tout cela sera formulé, l’État aussi aura sa propre vision et on fera la jonction de tous les avis, de toutes les options pour en tirer une sorte de voie. Qu’on balise le terrain pour le futur et on saura, d'ici 10 ans, comment notre agriculture sera conduite. Je prends le cas des tracteurs. J’ai entendu le gouvernement actuel dire qu’il va importer 1000 tracteurs du Brésil ; c’est bien, mais il devrait poser la question de savoir ce que sont devenus les tracteurs que nous avions importés ? On en a importé beaucoup. Il se serait rendu compte que c’est bien pour certaines zones du Sénégal qui demandent une mécanisation. Mais la vraie demande de la majorité des paysans du Sénégal n'est pas d'acquérir des tracteurs. Alors les tenants du pouvoir auraient compris et certainement négocié avec le gouvernement brésilien pour qu’on leur fournisse des semoirs, des charrettes, des moulins à mil. Parce que c’est la seule demande réelle du monde paysan sur la base d’une concertation si cela est nécessaire. Parce que 1000 tracteurs ne vont pas satisfaire toute la vallée. Mais si vous faites le calcul, on aurait pu avoir 150 mille semoirs pour satisfaire une bonne partie du Sénégal, particulièrement le bassin arachidier. En plus de ces 150 mille semoirs, on pourrait avoir 62.000 charrettes, ce qui est une demande du monde paysan et on pourrait en plus avoir 12.000 moulins à mil pour alléger les travaux des femmes en milieu rural. Cela aurait eu beaucoup plus d’impact dans la production et la productivité du paysan, parce que l’agriculture est plus pratiquée au Sénégal avec des parcelles très réduites. On n’a pas besoin de tracteurs pour produire ces différentes spéculations. Mais on n’a pas une véritable gouvernance de l’Agriculture, ce qui explique que des erreurs pareilles ont été commises et continuent d’être commises. C’est pourquoi, à mon avis, des rectificatifs doivent être apportés. Or, ils ne sont possibles que sur la base d’une concertation sectorielle. Tous les secteurs d’activités prioritaires de l’économie nationale doivent faire l’objet d’une gouvernance nationale sur un terme bien défini, par exemple 10 ans.
Et que pensez-vous des autres secteurs socio-économique ?
Je pense qu’on doit pouvoir régler beaucoup de problèmes au Sénégal. C’est la même chose pour l’université. Aujourd’hui, c’est vrai qu’il y a des concertations mais elles ne sont pas inclusives comme on l’aurait souhaité. Il faut qu’il y ait une participation des étudiants qui donnent aussi leur avis. Et sur la base d’un consensus large de recommandations formulées par le gouvernement, qu'on puisse formuler une gouvernance de l’université. Parce que c’est anormal dans un pays comme le Sénégal, qui se veut être sur la voie de l’émergence, qu’on puisse voir l’université fermer pendant une bonne partie de l’année, cela n'a pas de sens. Même sur l’octroi des bourses, cela devrait se faire d’une autre manière. Il faudrait que les efforts soient payés : au fur et à mesure que l’étudiant réussit, on doit augmenter sa bourse… C’est pour cela que nous disons qu'il faut un Sénégal nouveau. C’est vrai que certains parlent d’un nouveau type de Sénégalais. Mais comme il est plus facile d’agir sur l’environnement que sur les mentalités, nous pensons que les actions prioritaires résident dans le changement de l'’environnement pour qu’on puisse être les premiers en Afrique de l’ouest, d’ici 10 ans, dans beaucoup de secteurs. Et c’est possible. Il faut que les Sénégalais y croient pour qu’on y parvienne.
Qu'en serait-il de l'emploi ?
Le cas de l’emploi des jeunes taraude. L’opération « maîtrisard » que le Président avait mise en place n’était pas mauvaise en soi mais elle ne pouvait pas réussir du simple fait qu’un étudiant qui sort de l’université, si vous lui donnez des millions sans aucune formation, il ne peut pas réussir un projet. Mais aujourd’hui, les instruments d’accompagnement sont là : vous avez l’Onfp (Office national pour la formation professionnelle), un office pour la formation des jeunes. Vous avez l’Adpme (Agence de développement des petites et moyennes entreprises) pour l’encadrement et vous avez les mutuelles d’épargne et de crédit. Il faut créer des guichets uniques pour l’emploi des jeunes dans tous les départements du Sénégal. Le guichet unique comprendra une mutuelle de crédit qui sera retenue sur la base d’un appel d’offres lancé par l’État. Vous aurez dans ce guichet un service de l’Adpme et un service de l’Onfp. Les fonds qui sont créés par le gouvernement, pour les bourses familiales, n’auront pas d’efficience sur l’économie nationale parce que j’estime qu’aujourd’hui, toute dépense publique doit participer au développement de la croissance du Sénégal. Si vous prenez des milliards que vous distribuez dans les villages, il n’y a aucun contrôle sur l’argent que vous donnez. Or, ils sont combien de jeunes à n’avoir besoin que de 100.000 francs pour conduire un projet d’aviculture, d’élevage ou de maraîchage ? À mon avis, même pour les 5.000 emplois, l’État pouvait verser les fonds aux jeunes. Pourquoi l’État se crée-t-il, lui-même, des problèmes en demandant à 100.000 jeunes de déposer leurs dossiers alors qu’il n'en prendra même pas 2.000 ?
Allez-vous prendre part aux prochaines élections locales ? Si oui, êtes-vous prêt à vous allier avec la coalition Benno Bokk Yakaar ?
La mairie de Linguère... cela dépendra de ma base politique. Si celle-ci estime que je dois être candidat, je le serai mais si elle pense autrement, je la suivrai. Comme disait Alexandre le Grand, ''je suis le chef, je suis obligé de les suivre''. Mais en tout cas, j’ai des ambitions nationales.
Comment appréciez-vous l’an I de Macky Sall au pouvoir ?
Ce n’est pas encore très fameux parce qu’on ne peut l’apprécier que sur la base des promesses qui ont été faites. Il a dit qu'il va réduire les prix des denrées de première nécessité, jusqu’à présent les prix sont au même niveau. Certains ont même augmenté tel que le prix de l’huile...
Par Mamadou NDIAYE
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