Human Rights Watch dénonce une ''atteinte à la liberté d’expression''
Les réactions affluent après l'expulsion du Sénégal du blogueur tchadien Makaila Nguebla. L'Ong Human Rights Watch dénonce la mesure et craint pour l'intégrité physique du dissident.
Human Rights Watch fustige l’expulsion par le gouvernement sénégalais du journaliste et blogueur tchadien Makaila Nguebla. Selon l'Ong engagé pour la tenue du procès de l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré, il s'agit d'une ''atteinte à la liberté d’expression''. ''L’expulsion de Nguebla est un acte décevant de la part d’un pays ouvert et démocratique comme le Sénégal'', déclare Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch. Il se dit préoccupé par le sort qui sera réservé au blogueur et craint pour son intégrité physique. ''Le traitement réservé à Nguebla semble lié aux mesures répressives prises récemment au Tchad'', ajoute-t-il.
L'Ong regrette qu'aucune procédure régulière, notamment d’une comparution devant un tribunal indépendant, n'ait été engagée afin d’assurer le respect des droits du Tchadien et de déterminer la légalité d’une éventuelle expulsion. ''Selon l’article 12 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, dont le Sénégal est un État partie, un étranger qui a été admis légalement sur le territoire d’un pays ne peut en être expulsé qu’en vertu d’une décision prise en conformité avec la loi'', écrit l'Ong.
Selon les confidences de Makaila Nguebla faites à Human Rights Watch, il a été entendu par la Direction de la surveillance du territoire (DST), où des responsables l’ont informé qu’il est soupçonné d’inciter les Tchadiens à renverser le président du Tchad, Idriss Déby Itno. Les enquêteurs l'ont interrogé sur le contenu de ses blogs et sur sa correspondance avec un journaliste tchadien Éric Topona qui a été arrêté dans le cadre d’une série de mesures répressives prises récemment au Tchad.
Ils lui ont opposé des copies de courriels qu’il avait échangés avec le secrétaire général par intérim de l’Union des journalistes tchadiens, qui a été arrêté au Tchad le 6 mai et accusé de chercher à remettre en cause la Constitution de son pays. Le blogueur a également été entendu sur de récentes interventions faites dans le cadre d’émissions de radios sénégalaises et sur des articles qu’il a écrits au sujet de ses tentatives infructueuses d’obtenir le statut de réfugié au Sénégal.
Le blogueur a refusé le Tchad et le Mali
À la suite de cette audition, les autorités sénégalaises ont pris la décision de l'expulser vers la Guinée. Dans la mesure où, selon l'Ong de défense des droits de l'Homme, après son interrogatoire, Makaila Nguebla a eu le choix entre le Tchad ou le Mali, comme terre d'accueil. Il a objecté qu’il serait persécuté au Tchad et que la présence de militaires tchadiens au Mali représentait un danger pour lui. C'est ainsi qu'il ''a été emmené à l’aéroport, menottes aux poignets, et mis dans un avion à destination de la Guinée, où il n’a ni amis, ni parents''. Il vivait au Sénégal depuis 2005.
Human Rights Watch renseigne que le 3 mai, le ministre tchadien de la Justice, Jean-Bernard Padaré, ayant fait l’objet de certaines des plus virulentes critiques de Makaila Nguebla, se trouvait à Dakar et a rencontré le président sénégalais Macky Sall. Auparavant, le 1er mai, le gouvernement tchadien a annoncé avoir déjoué une tentative de «déstabilisation contre les institutions de la République». Au cours de la semaine qui a suivi, les autorités ont arrêté des parlementaires, deux généraux, un ancien recteur d’université et deux journalistes de renom. Ces personnes ont ensuite été inculpées d’atteinte à l’ordre constitutionnel.
Gaston COLY
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