Publié le 25 Sep 2013 - 20:00
RENTRÉE SCOLAIRE ET TABASKI

Des ménages entre deux feux

 

 

La rentrée scolaire 2013-2014 coïncide avec la Tabaski au Sénégal. Un casse-tête en perspective pour les familles aux revenus moyens obligées d'arbitrer entre l'éducation et le mouton.

 

Moment redouté pour les parents à revenus modestes, la rentrée scolaire en début octobre au Sénégal coïncide, pour ne rien arranger à l'affaire, avec la fête de l'Aïd El Kébir, communément appelée Tabaski, entrevue au milieu du même mois. Entre les inscriptions et l'achat de fournitures scolaires d'un côté, l'acquisition du mouton, une obligation musulmane pour ceux qui en ont les moyens, et des habits de l'autre, certains ne savent pas où donner de la tête.

Il est 10h au Parcelles Assainies. Canicule oblige, Mor Bâ, assis sous un manguier devant la porte de sa maison, feuillette tranquillement un journal. Mis en confiance après quelques minutes d'échanges, il accepte de se confier sur le sujet à propos des préparatifs de la rentrée scolaire et de la Tabaski. Âgé d'une quarantaine d'années et père de quatre enfants, Mor Bâ reconnaît d'emblée que c'est difficile pour lui, l'unique soutien de sa famille. ''Je dois payer deux moutons, un pour ma famille et un autre pour mes parents qui se trouvent au village. Il faut aussi payer les condiments'', dit-il, notant devoir faire face aussi aux frais d'inscription de ses enfants, le tout avec son salaire. Ibou Diop, autre chef de famille, n'est pas mieux loti. Sauf qu'il invite chaque chef de famille à s'y prendre en fonction de ses moyens.

Bien calés devant la porte d’une maison au quartier Gueule Tapée, ces pères et mères de famille sont venus assister à un baptême. La quarantaine, Binetou Guèye est en compagnie de sa coépouse Astou Thiam. La première signale qu’elle a quatre enfants (2 garçons et 2 filles) à satisfaire : ''C’est dur pour nous, nous sommes obligées de tout acheter y compris les blouses sinon nos enfants sont chassés de leur école.''

Ousmane Mbaye, 46 ans, tailleur, lui s'engage à faire de son mieux pour satisfaire ses quatre enfants. Assis devant sa machine à coudre, il estime que les deux événements se valent : ''Je crois que tout ce que nous faisons pour nos enfants, nous n’allons pas le regretter.'' M. Mbaye n'en pense pas moins que ''le gouvernement doit subventionner les fournitures scolaires et faire en sorte que les moutons ne manquent pas à l'approche de la fête de la Tabaski''.

 

Charges partagées dans le couple

Et il n'y pas que les hommes à se faire du souci. Seynabou Diagne, vendeuse de poisson au marché de Tilène, avoue se trouver dans une situation assez complexe. Son époux est au chômage depuis presque deux ans, du coup, elle se retrouve seule à subvenir aux besoins familiaux. ''J'arrive difficilement à joindre les deux bouts'', confesse la dame. Néanmoins, elle a déjà inscrit ses trois garçons à l'école, et il ne lui reste qu'à payer le mouton. Elle espère y arriver à la fin de ce mois si son commerce marche bien.

Binta Ngom, commerçante, constate que d'année en année les dépenses deviennent plus lourdes car tout est devenu cher au Sénégal. Elle soutient que son mari n'a pas encore acheter le mouton de Tabaski, mais s'est déjà acquitté de l'inscription de leurs enfants à l'école. Et en soutien à son mari, Mme Ngom a pris en charge l'habillement des enfants pour la rentrée scolaire et la Tabaski.

 

L'indice chez les vendeurs d'articles scolaires

Il faut se rendre chez des vendeurs de fournitures scolaires pour avoir une idée du côté où penche le choix immédiat entre scolarité et fête du mouton. Les articles scolaires ne s'écoulent pas bien pour le moment. L'affluence est faible alors que la rentrée des classes est fixée au 3 octobre. A Sandaga, la plupart des libraires dites ''par terre'' se plaignent de ce que la proximité entre la rentrée scolaire et la fête de Tabaski hypothèque leur commerce. Ils ont la forte impression que les clients sont davantage concentrés sur la fête que sur l'ouverture des classes. Or, justement eux ont besoin d'écouler leurs produits pour préparer la Tabaski. Anxieux, Ousmane samb, vendeur de livres, s'alarme : à ce rythme, il n'aura aucun sou pour payer son mouton : ''Je serai obligé de prendre un crédit chez un ami pour pouvoir subvenir à quelques dépenses pour la fête.'' A moins que le vœu de la septuagénaire Maguette Guèye, trouvée à la Gueule Tapée, ne soit exaucé, à savoir que ''la date d’ouverture des classes ne soit décalée de trois à quatre semaines après la Tabaski''.

Cependant, le choix casse-tête n'est pas l'affaire de Ndiaga Sylla. Disant en avoir marre de voir ses enfants éconduits de l’école, faute de fourniture, il a opté de les orienter vers le village artisanal de Soumbédioune, pour être formé  à des métiers. Pour lui, le seul souci reste le mouton.

 

 

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