La cour de la CEDEAO rejette la demande de l'ex-dictateur tchadien
![](https://enqueteplus.com/sites/default/files/styles/article-default/public/main/articles/images%20%282%29_5.jpg?itok=Jst7rp2c)
La Cour de justice de la CEDEAO a rejeté hier la tentative de Hissène Habré visant à suspendre les procédures dont il fait l’objet devant les Chambres africaines extraordinaires. Le 2 juillet 2013, les Chambres africaines extraordinaires l'ont inculpé pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture.
La Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a rendu hier son verdict sur la requête déposée le 23 avril 2013, par les avocats de Hissène Habré. Les conseils de l'ancien président tchadien voulaient que la Cour ordonne la suspension de toute entreprise, enquête, acte de poursuite, dans le cadre de l’application du Statut des chambres, au motif que les Chambres africaines extraordinaires ne sont pas légitimes. Les avocats alléguaient également que Hissène Habré ne pourra pas obtenir un procès équitable en comparaissant devant les Chambres. Selon un communiqué parvenu a EnQuête, la Cour a statué qu’elle n’a pas la compétence pour se prononcer sur la requête, car les Chambres africaines extraordinaires ont été créées sur la base d’un accord conclu entre l’Union africaine et le Sénégal. En plus du rejet de la demande de mesures provisoires, la Cour rejette la requête sous-jacente, clôturant par la même occasion les procédures engagées devant elle.
Cette décision de la cour de la CEDEAO pourrait mettre un terme au boycott de la procédure menée par la défense de Hissène Habré, depuis son inculpation en juillet dernier. En 2010 déjà, la juridiction avait rendu un arrêt dans lequel elle considérait que Habré devait être jugé dans le cadre ''d’une procédure ad hoc à caractère international''. A travers ce verdict, la Cour reconnaît que les Chambres africaines extraordinaires ont été créées au sein des juridictions sénégalaises afin de se conformer à la décision qu’elle avait rendue en 2010. ''La décision de la Cour de la CEDEAO est un immense soulagement pour les victimes qui attendent depuis 23 ans de voir Hissène Habré face à la justice'', estime Souleymane Guengueng qui a frôlé la mort, suite aux mauvais traitements subis pendant les trois années passées dans les prisons de la police politique de Habré, avant de fonder l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH). Souleymane Guengueng ajoute qu'il aimerait voir Habré devant un tribunal avant que d’autres survivants du régime ne meurent. Selon Human Rights Watch, la décision de la CEDEAO lève un potentiel obstacle à la longue quête de justice menée par les victimes de Habré.
Les précisions des avocats de Habré
Les avocats de Hissein Habré n'ont pas tardé à réagir à la décision de la Cour de justice de la CEDEAO qui s'est déclarée incompétente à se prononcer sur les requêtes qu'ils avaient introduites. Celles-ci avaient pour objet d'exposer ''à la Cour les innombrables violations, le parti pris flagrant et l'impossibilité d'avoir un procès juste et équitable''. Après ce verdict, les avocats de Hissein Habré considèrent que ''ce n'est pas une décision positive pour le Sénégal et l'ensemble des personnes impliquées dans la traque politique du Président Habré''. Dans ce qu'ils considèrent comme ''une décision d'incompétence'' de la Cour de justice de la CEDEAO, les conseils trouvent ''réconfortant'', qu'en aucun cas, ''la Cour n'ait dit que l'accord portant création des chambres africaines est légal'', mais plutôt qu'elle ne peut se prononcer.
De ce fait, les avocats de l'ex-homme fort du Tchad estiment que, contrairement à un désaveu, la Cour s'est déclarée incompétente pour apprécier la légalité de l'accord entre l'UA et le Sénégal portant création des Chambres Africaines, étant entendu que c'est un accord international entre un pays et une organisation. ''Elle se trouve dépassée par l'appréciation des violations commises du fait de cet accord'', estime la Défense de Habré qui précise qu'elle n'a jamais demandé à la Cour de la CEDEAO de se prononcer sur la légalité de cet accord, ''car celle-ci, dit-elle, n'est pas une cour constitutionnelle''. Dans la même veine explicative, les avocats de Habré considèrent donc que ''la Cour ne dit pas au Sénégal : "Vous n'avez pas violé les droits du Président Habré''. Elle ne dit pas au Sénégal : "Vous êtes en train d'organiser un procès juste et équitable''. Dès lors, on peut comprendre par là que la Cour ne veut pas remettre en cause son arrêt précédent où elle avait sévèrement condamné le Sénégal pour violations du Président Hissein Habré''.
Aussi, la défense de Habré garde-t-elle sa ''sérénité'', en rappelant qu'un recours a été déposé auprès de la justice sénégalaise. Elle rappelle donc que la balle est dans le camp du Conseil Constitutionnel qui va devoir se prononcer sur la légalité et la conformité de la procédure d'exception mise en place par le Sénégal.
Gaston COLY