La rage humaine, ce fléau oublié et «discriminé»
L'accessibilité au traitement de la rage humaine par les populations victimes de morsures constitue un véritable problème. Cela est dû à la non effectivité de la gratuité des soins pour cette maladie tropicale négligée.
La rage humaine est la plus mortelle parmi les Maladies tropicales négligées (MTN). Elle a une forte létalité de 100%. Une fois déclarée, elle est mortelle car il n'existe pas encore de traitement curatif. Et selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 1 à 2 enfants en meurent toutes les 30 minutes à travers le monde.
Cependant, son traitement pose de gros problèmes et les populations victimes sont laissées à elles-mêmes. «C'est un coût d'au minimum 30 mille francs Cfa pour prendre correctement en charge une victime. Ce n'est pas accessible pour les populations car elles sont pauvres.
Nous avons introduit le vaccin et le sérum au ministère de la Santé dans le circuit d’approvisionnement de la Pharmacie nationale d'approvisionnement afin d'améliorer la prise en charge post-exposition», explique Dr Fatou Ndiaye Badiane, point focal de la lutte contre la rage au ministère de la Santé, au cours d'une conférence sur les MTN. Aujourd'hui, ajoute la spécialiste, «si la question d'accessibilité géographique au traitement est résolue, l'accessibilité financière reste entière».
Dans les orientations majeures de la lutte contre les MTN, l'Oms recommande la mise à la disposition des personnes d'un traitement gratuit et de qualité. Toutefois, «cette gratuité n'est pas effective dans le cadre de la lutte contre la rage. Pour les autres MTN, il y a un traitement gratuit qui se fait lors des campagnes de distribution de masse des médicaments. Et c'est des médicaments qui coûtent très chers. Pourtant, on a réussi à avoir ces médicaments grâce aux partenaires'', a souligné Dr Badiane.
D'où son incompréhension au fait que ces mêmes partenaires n'apportent pas leur appui dans la lutte contre la rage. «On ne pourra même pas comparer l'impact parce que c'est une maladie mortelle et le coût évalué ne dépassera pas les 100 millions de francs par an. Alors que pour les autres MTN, ce sont des milliards de francs Cfa qui sont dépensés tous les ans. Il y a un déséquilibre dans la lutte contre les MTN et il faut avoir une approche globale et holistique. On ne peut pas prendre en charge un groupe de maladies et laisser les populations mourir d'autres maladies», a-t-elle fulminé.
L'absence de données, un facteur bloquant
C'est à partir de 2008 que le ministère de la Santé a commencé à surveiller cette maladie au Sénégal. «L'absence de données constitue un facteur limitant pour le plaidoyer. Depuis que nous avons commencé à surveiller cette maladie, nous avons constaté que d'année en année, les cas de morsures augmentent. En 2013, on a recensé près de 400 cas de personnes victimes d'agression par un animal», a souligné Dr Fatou Ndiaye Badiane.
Sur ce, elle recommande une approche multisectorielle. «Avec la rage, la Santé seule ne peut pas résoudre le problème. Le ministère de l’Élevage a un grand rôle à jouer dans le cadre de la protection de la santé des animaux. La santé animale impacte fortement sur celle humaine. Il doit apporter son appui sur la prise en charge des chiens pour la vaccination et de la lutte contre les chiens errants», a préconisé Dr Badiane.
Campagne de distribution de médicaments en mai
Pour réduire la transmission des MTN, une campagne de distribution massive de médicaments, troisième du genre, est prévue à partir de mai, selon le coordonnateur de la lutte contre les MTN, Dr Alioune Badara Ly, pour lutter contre cinq maladies ciblées (Bilharziose, Onchocercose, Filariose, Trachome, Geohelminthiase). «Elle permet d’arrêter la transmission. Nous allons administrer les médicaments aux enfants de 5 à 14 ans sur tout le territoire national.»
Viviane DIATTA