Publié le 17 Jan 2012 - 17:02
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

La tentation du pouvoir

La candidature de la star de la musique Youssou Ndour, annoncée alors que certaines candidatures individuelles amorçaient leur déclin, donne à réfléchir sur la perception que les Sénégalais ont de la fonction présidentielle désormais. L’artiste a écouté et a entendu des voix qui légitiment sa posture actuelle, au-delà du bon sens.

La gestion d’une entreprise privée florissante ne prédispose pas à diriger un pays. Et si en effet les diplômes universitaires ne sont pas de rigueur, l’engagement politique ou social l’est. Or, moins qu’aucun autre artiste sénégalais, il n’a défié les puissants ni porté ombrage aux oligarques par des chansons engagées comme le fit Ousmane Diallo dit Ouza, en bute à la censure d’Etat.

La croyance bien ancrée dans l’esprit des Sénégalais qu’ils sont des êtres exceptionnels qui vivent dans un pays idyllique et onirique, était vieille comme la colonisation et tenace comme un mythe. Les joutes électorales en vue vont donner un relief singulier à cette douce illusion. Car, après avoir franchi le 3e millénaire avec une alternance triomphante et prometteuse, les Sénégalais semblent avoir déchanté dans la dernière décade. Le délitement de l’alliance politique qui a porté le président Abdoulaye Wade au palais a ramené les aspirations majeures des Sénégalais à de basses querelles domestiques qui ont altéré les discours d’orientation et discrédité la classe dirigeante.

La responsabilité du chef de l’Etat est à soupeser. La querelle de succession entretenue dans sa variante autoritaire comme dans sa formulation démocratique ne visait qu’un projet, voire une chimère pour ceux qui estiment irréalisable la régression institutionnelle qui ferait de notre pays une monarchie. En tout état de cause, faute d’avoir abouti, le projet dit ''monarchique'' ne devrait pas prospérer comme argument de campagne électorale si la candidature du président sortant était effectivement retenue. La question pertinente reste de savoir comment le président Wade a suscité autant de ressentiments de la part de certains de ses concitoyens au point que ceux-ci n’aspirent, en dehors de toute adversité politique, qu’à le vider du pouvoir.

La réponse est dans sa gestion très personnelle du pouvoir et ce n’est un secret pour personne que malgré l’affirmation qu’il est le président de tous les Sénégalais, il a utilisé les moyens du pouvoir pour porter atteinte aux intérêts de citoyens dont précisément Youssou Ndour. A l’époque, pour joindre les ennemis du régime, il avait usé de la langue de bois qui lui réussit si bien : ''Fekkee Ma Ci Boole'' dont la traduction exacte devrait être : Je suis au mauvais endroit au mauvais moment. Le vieux Elimane Ndour l’avait tiré de ce mauvais pas. Et Youssou Ndour avait eu sa télévision sans tirer un seul coup de fusil.

Le président Abdoulaye Wade est souvent brutal dans sa relation à autrui. Or, si les présidents qui l’ont précédé, Léopold Senghor et Abdou Diouf ont bénéficié d’une courte échelle, le premier celle de Blaise Diagne et de Lamine Guèye, le second de Senghor soi-même, pour se hisser au sommet de l’Etat, Wade est le seul à devoir son pouvoir au peuple. Une fois installé, il l’a oublié et s’est entouré d’une camarilla interchangeable à souhait, auquel sa générosité était dirigée exclusivement, ce qui lui aliénera l’adhésion d’une frange importante de la classe moyenne.

L’autre facette de son style de gouvernement a été une excessive identification à une communauté religieuse altérée toutefois par son aveu d’avoir été de la franc-maçonnerie. Mais les enjeux de pouvoir depuis l’alternance ont configuré le soutien maraboutique autrement que quand le choix se limitait à deux partis. Maintenant, des velléités de candidatures issues des milieux maraboutiques viennent compliquer le choix de leadership politique. Toutes les candidatures parce motivées par une frustration, une offense ou un rejet quelconque de sa part devrait se transformer en un soutien à un autre candidat dont les motivations sont plus fortes et proportionnelles aux moyens.

Le Sénégal est à la croisée des chemins et au confluent de tous les dangers. Le choix d’un homme à la place d’un autre pour présider à sa destinée ne saurait être la seule solution à sa sauvegarde. La désobéissance civile est à son comble avec les séries de grève, la  recrudescence des opérations militaires en Casamance et les incidents frontaliers occasionnés par les pêcheurs qui outrepassent nos frontières maritimes du nord au risque de se faire tuer par les soldats mauritaniens. Colonie modèle puis pays phare de l’Afrique, le Sénégal est en quête d’un nouveau leadership avec à la barre du navire un vieux capitaine qui veut aller aussi loin que l’horizon de ses réalisations.

Les congrès d’investiture improvisés par les candidats de Benno, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, de la coalition autour de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck et celle qui porte la candidature de Serigne Mansour Sy Djamil se sont tenus hier. La date est symbolique, nous étions le 4e jour du mois de janvier pour choisir le 4e président de notre chère République. Le seul inconvénient est que les postulants aussi étaient Quatre. La guerre des chiffres commence et se poursuivra jusqu’à l’élection présidentielle.

 

 

 

 

 

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