Les avatars de la souveraineté nationale
Les premières initiatives du président Macky Sall sont une quête de solution sur les questions de l’intégrité du territoire et de la souveraineté nationale et internationale. Sauf à rappeler la pression de la demande sociale non encore assouvie, ces dossiers sont d’une urgence cruciale pour la survie du Sénégal et son rayonnement dans le concert des nations. Le diptyque de la Gambie voisine, souvent malmenée, toujours méprisée et de la France rarement défiée et toujours dominatrice, pèse sur notre politique nationale et étrangère. Ce diptyque rattrape le nouveau chef de l’État en route pour la France de Nicolas Sarkozy et le place dans une posture d’ambiguïté historique.
La Gambie a un contentieux historique avec son unique voisin sur le chapitre de la démocratie. Au temps du président Senghor, ses visées enrobées de séduction avaient été repoussées dans un parfait ensemble par le peuple gambien. Les mœurs politiques y étaient en ces années 1960 plus douces qu’au pays dit de la Teranga et l’argument des organisateurs des violentes manifestations anti-senghoriennes étaient que ce dernier voulait leur gâcher leur démocratie bonhomme à la Dawda Jawara. Et Senghor finira par la leur gâcher en envoyant ses forces armées régler l’assassinat du commandant en chef des fields-forces par un de ses sous-officiers.
Car Fodé Kaba I fut donc l’occasion offerte sous parapluie militaire sénégalaise de dissoudre les partis d’extrême-gauche qui menaçaient son hégémonie et de recadrer sa démocratie parlementaire à l’anglaise en ''sembocratie'', démocratie forte en mandingue, avec comme conséquence un soulèvement armé un an plus tard. Moins bien servi par les événements que Macky Sall, l’un des premiers actes politiques majeurs d’Abdou Diouf fut de le réprimer au prix de pertes humaines considérables. La géopolitique mondiale, teintée de péril libyen, justifiait ce carnage béni par la France, les États-Unis avec la participation active des troupes de Grande-Bretagne.
La mutation de la géopolitique mondiale couve d’autres convulsions douloureuses aux peuples qu’annonce le communiqué officiel du voyage en France de notre nouveau président en parlant de ''nouveau partenariat militaire''. Le néocolonialisme n’est pas soluble dans l’alternance, la première comme la seconde. La nouvelle stratégie de la France conquérante, défaite au Rwanda, embourbée en Afghanistan, démasquée en Côte d’Ivoire et flouée en Libye est celle du chat échaudé : Paris n’enverra pas de troupes au sol pour inverser le rapport de forces au Mali. Il est juste prêt à assumer une couverture aérienne et ''s’assurer que le troufion sénégalais est prêt à se faire tuer pour l’unité du Mali'', selon un expert militaire français.
Le voyage du président de la République en France est jugée inopportune pour même des secteurs qui lui sont alliés. Quelle urgence peut en effet commander la nécessité de rencontrer un président sortant en mauvaise posture dans les différents sondages ? Même si une louable raison était derrière cette précipitation, la raison recommande de ne pas tisser des liens appelés à être remis en cause par le sort des urnes. La lecture la plus plausible de cette fidélité à l’amitié qui le lie à Sarkozy depuis qu’ils ont été ministres de l’Intérieur de leurs pays respectifs, c’est que la coopération entre le Sénégal et la France n’est pas au-dessus des affinités idéologiques.
L’harmonie de la relation ultérieure avec une France commandée par le Parti socialiste pourrait s’en trouver d’autant plus compromise que ce ne sont pas les objectifs de coopération militaire que notre président a paraphés que le régime socialiste va poursuivre. La réalité est que, dans le contexte d’une mondialisation qui remet en cause les valeurs d’antan, la France a perdu son lustre d’antan. Elle n’a pas les moyens militaires de maintenir sous son joug les pays jadis dominés et le rayonnement de sa culture même ne fascine plus autant, surtout quand le président Sarkozy lui-même cède à une fascination des États-Unis d’Amérique qui n’a rien de gaullienne.
Au demeurant, de sérieuses interrogations sont à l’ordre du jour depuis ce voyage prématuré. Pourquoi notre pays est-il devenu si dépendant de l’ancienne puissance colonisatrice ? Une certaine opinion avance l’hypothèse qui écorne la belle légende d’une campagne électorale financée par ses seuls bailleurs nationaux, quoiqu’établis à l’étranger, dont l’origine de la fortune est sans tache. Le régime sénégalais serait aussi redevable du capital étranger et les noms de certains groupes économiques français sont annoncés. Certains membres du gouvernement sont même supposés représenter leurs intérêts. Le risque est gros que ces intérêts divergents entre en conflit autour d’un président obligé d’arbitrer une éventuelle confrontation.