Macky Sall opte pour la dépénalisation des délits de presse
Le président de la République a choisi le tribunal des pairs au détriment de la justice sénégalaise pour juger les journalistes qui commettront des fautes, tout en lui assurant son soutien.
‘’Le journaliste ne répond-il qu’au tribunal de sa propre conscience ? La justice est-elle l’espace par excellence de jugement ou de sanction ? Ou, est-ce que le tribunal des pairs y sied pour réduire, alerter et sanctionner positivement ou négativement ? En ce qui me concerne je décide de choisir désormais le tribunal des pairs à la place de la justice sénégalaise’’, a déclaré, hier, le Présidant Macky Sall, lors de l’installation du tribunal des pairs du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (CORED). Il a assuré que le tribunal des pairs bénéficiera de l’appui institutionnel de l'Etat pour un fonctionnement normal. ‘’La République sera désormais à vos côtés pour appuyer le fonctionnement de ce tribunal des pairs. Le gouvernement, les institutions et l'Etat en général seront là pour vous aider’’.
Il a invité le tribunal des pairs à veiller au respect de bonnes pratiques indispensables à l'ancrage d'une culture d'excellence au Sénégal. Car, soutient-il chaque profession doit avoir son propre mécanisme d’autonomisation. ‘’Comme dans toutes les corporations, les journalistes ne sont pas forcement à l’abri d’erreurs, voire de délits pouvant conduire devant un juge pénal. Mais, chaque journaliste doit être en vérité son propre juge dans sa quête de traiter et de publier l'information. Il faut être soucieux de sa propre image et de l'accès des citoyens à une information crédible.
L'objectivité, la vérité et l'intérêt général ne sont pas des notions abstraites. Elles sont au cœur de l'exigence démocratique’’, a-t-il prévenu. Selon le chef de l'Etat, la promotion de pratiques professionnelles fortes et le respect des règles d'éthique et de déontologie resteront vaines si elles ne sont accompagnées par un effort constant d'assainissement de la profession, une sécurité matérielle et morale des journalistes et un renforcement des entreprises de presse.
De son côté le journaliste Mame Less Camara a soutenu que cette installation est le début d’une nouvelle approche dans l’organisation du travail des médias au Sénégal. ‘’Cette page s’écrira sur le tempo de l’Indépendance et de la rigueur, du respect de la personne humaine, du renforcement de la stabilité nationale sans préjudice de l’esprit critique des journalistes. Au cœur de tout cela, restera le citoyen, à la fois cible et inspirateur, parce que désormais mieux armé pour faire face à tous les défis du quotidien en matière d’expression des opinions’’, a soutenu M. Camara.
Toutefois, il a souligné que ce tribunal des pairs n’est pas une instance des vertueux face aux ripoux que seraient tous les autres. Ses membres ont juste l’avantage d’avoir réussi un parcours respectable, d’avoir généralement échappé à la tentation du gain facile qui, trop souvent, amène à confondre journalisme et affairisme au détriment du droit du public à une information juste, équilibré, utile, porteuse de valeurs de démocratie et respectueuse des intérêts de la collectivité nationale.
Pour le président du Cored, Bacary Domingo Mané, le secteur des médias n’est qu’un organe atteint dans un grand corps malade qui a besoin d´une thérapie globale. ‘’C´est toute la société sénégalaise qu´il faut soigner et guérir d´un mal qui présente des symptômes multiformes et variés. Dès lors, nous aurions gagné notre pari si l´exercice auquel nous nous soumettons était compris comme un travail de laboratoire, une source d´inspiration pour tous les autres secteurs de notre société. Le tribunal des pairs est à votre écoute pour le respect de vos droits, face à la presse, dans le respect de la liberté des acteurs des médias d’informer, juste, d’informer vrai, sans aucune forme de pression’’, a souligné M. Mané.
VIVIANE DIATTA