Dans le désordre : Wade n’est plus président de la République, Yékini n’est plus roi des arènes, et Béthio est en prison. Point. Des mythes qui tombent, des idoles qui chutent de leur piédestal. Le pape du Sopi, après 12 ans de pouvoir sans partage, Yékini après 15 ans de règne non stop. Inspirés, certains journaux ont parlé d'un ''alternance dans l’arène'', après celle du terrain politique. 15 ans d’invincibilité effacés en quelques minutes, c’est comme un tsunami dans le monde de ce ''sport bien de chez nous''. Les experts et autres amateurs ont échangé autour de la cause et des conséquences de ce bouleversement intervenu dans l’arène. D’autres, faisant injure aux qualités sportives de Yékini, ont crié à un complot mystique visant à briser leur roi en désignant l’ancien champion, Manga 2, accusé d’avoir pactisé avec l’ennemi.

De quoi convoquer une conférence de presse pour laver son honneur vis-à-vis de ses frères d’ethnie (Sérère), en particulier, et du reste du commun des Sénégalais, en général. Résultat : Manga a déclaré qu’il n’y a pas de problème entre lui et Yékini mais qu’il y a ''divergence'', c’est le terme qu’il utilise pour qualifier ce froid qui caractérise ses relations avec le lutteur de Bassoul. Une manière politiquement correcte de dire : ''Yékini n’est pas mon ami, mais de là à dire qu’il est mon ennemi…'', un pas que Manga 2 se garde bien de franchir.

A peine la presse a-t-elle eu le temps de livrer ses analyses et autres commentaires sur le combat du siècle, qu’une information, faisant l’effet d’une bombe, explose sur la scène médiatique. Le guide des Thiantacounes en garde-à-vue dans une sordide affaire de meurtre accompagné d’actes de barbarie et d’inhumation sauvage. Toute la presse s’est emparée de l’affaire, tellement cela flaire bon les retombées pécuniaires. Ce sera, sans doute, l’une des infos à faire figurer dans le trio de tête du panorama médiatique de cette année.

Le Cheikh en prison, ses talibés ''menacent de faire brûler le pays'', comme l’a titré Le Populaire. Le nouveau régime aura avec cette affaire sa première mise à l’épreuve et la nouvelle opposition s’est empressée de mettre en garde contre la tentation du délit de proximité et de soutien à Wade que l’on voudrait faire payer à Béthio. En attendant, l’affaire se poursuit et ses déflagrations aussi, tellement la chute a été lourde pour le guide des Thiantacounes qui ne s'en relèvera pas de sitôt, quelle qu’en soit l’issue. Ne voyez, ici, nulle intention de nous prendre pour Selbé Ndom, la voyante qui avait prédit la chute du roi et qui aurait aussi subi les foudres des inconditionnels de Yékini.

Moins sanglant que celui maghrébin et arabe, le printemps sénégalais porte bien son nom. C'est le début d'une ère politique (et de justice) et sportive. Car bonne nouvelle noyée par l’affaire du Cheikh, la qualification des Lions juniors aux Jeux olympiques de Londres, en juillet prochain. Mais mythes effondrés et succès éclatants font ensemble le bonheur des médias.

Karo DIAGNE-NDAW