L’UCAD, le nouveau temple du ‘’désespoir’’
Quatre mois après le démarrage de l’année académique 2015/2016, certaines facultés de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) n’ont pas encore démarré leurs cours. Malgré ce retard dû au dérèglement du calendrier universitaire, le Saes sera en grève de 48 heures, à partir de demain.
« Incroyable mais vrai », pourrait-on dire. « Le temple du Savoir » devient de plus en plus celui du désespoir. La prestigieuse Université de Dakar s’enfonce progressivement dans la médiocrité. A la Faculté des Sciences économiques et de Gestion (Faseg), la situation est terrible. Car, au moment où les étudiants des autres facultés viennent de démarrer leurs cours pour cette année académique 2015-2016, ceux de la Faseg préparent leurs examens de rattrapage.
En cette matinée du mardi 16 février 2016, dans le hall de l’imposant bâtiment qui domine la Faculté aux couleurs grises, l’ambiance est peu animée. Les étudiants, par petits groupes, devisent. Il y en a qui consultent les affiches. L’atmosphère est assez détendue. Ici, c’est le point culminant de tous les problèmes relatifs au dérèglement du calendrier universitaire. Yahya Dieng et ses camarades, regroupés dans le hall du bâtiment, sont très inquiets par ces retards excessifs qui se répètent, année après année. « J’ai un camarade de classe qui a fait une demande de bourse pour aller continuer ses études en France. Mais ils ont rejeté sa requête, en prétextant qu’il a redoublé une année, alors que c’est à cause de notre retard. Il n’a jamais repris une classe », révèle l’étudiant en Master 2 option Economie rurale.
La Faseg ne semble plus maîtriser la situation. En tout cas, c’est le sentiment de nombreux étudiants. « L’incompétence et la mauvaise gestion sont la cause de tous ces problèmes. L’année dernière, ils nous ont obligés à faire une seule session, prétextant que cela nous permettrait de retrouver un calendrier universitaire normal. Mais, c’est pire pour cette année. On risque de commencer les enseignements au mois d’avril », déplore Moustapha Mbaye. L’étudiant « révolté » n’épargne pas ses camarades étudiants. « L’année dernière, les étudiants en Master ont fait un mois de grève. Un mois perdu comme ça », se désole-t-il.
Les étudiants dénoncent le pourrissement de l’Ucad
Le sentiment général à l’université est que la fameuse session unique, qui a « sacrifié plusieurs étudiants », n’a pas produit les effets escomptés. A la Faculté des Sciences juridiques et politiques (FSJP), la situation n’est pas meilleure. Là-bas, les résultats des examens viennent de sortir. Malgré cela, le démarrage des cours pour l’année académique 2015/2016 risque de ne pas commencer dans les jours à venir. En effet, hormis le retard de cinq mois fermes déjà accusé, les deux grands amphithéâtres qui accueillent chaque année les étudiants de Licence 1 et 2, plus nombreux, sont en réfection. Les chapiteaux qui doivent les remplacer sont en construction.
Selon Abdoulaye Malick Niang, les autorités sénégalaises sont les premières responsables des maux de l’Ucad. Habillé d’un t-shirt noir et d’un pantalon jean de couleur bleu, il ne sait plus quoi penser de la situation. « Pourtant Cheikh Anta Diop n’a cessé de dire : formez-vous d’abord », rappelle l’historien en herbe pour regretter la situation dans laquelle se trouve l’Ucad. Il estime aussi que l’administration de l’Université est incompétente. « Le gouvernement n’a aucun respect pour l’enseignement supérieur. Il y a trop de grèves », soutient notre interlocuteur très remonté contre le Saes et les gouvernants.
« L’Ucad est devenue une source de démotivation »
Pour ne rien arranger, dans cette situation de pourrissement, le Syndicat de l’enseignement du supérieur (Saes) a déjà observé 48 heures de grève et compte remettre cela, à partir de demain. Cette situation est mal vécue par les étudiants, victimes directes de la confrontation entre les syndicalistes et le gouvernement. De l’avis d’Abdoulaye Malick Ndiaye, « au lieu d’être une source de motivation, l’Ucad est devenue une source de démotivation ».
Les étudiants de l’Ucad renvoient le Saes et l’Etat dos à dos. Selon Leyti Ka, la responsabilité des enseignants est fortement engagée dans ce chaos généralisé. Il rappelle que c’est la grève de 5 mois des syndicalistes, en 2012, qui a déréglé le calendrier universitaire. Aujourd’hui, à part la Faculté de Médecine et les écoles et instituts qui sont en train de terminer leur premier semestre de l’année académique 2015/2016, le reste se situe entre le mal et le pire. Au rythme où vont les choses, la première université de l’Afrique francophone va inévitablement vers la catastrophe.
ABDOURAHIM BARRY (STAGIAIRE)