Managers et administrateurs retournent à l'école
Dans un contexte où de nombreux Sénégalais se plaignent de la rigueur dans certains services de l'Administration, le président de la République a convoqué, ce lundi 20 janvier, la première édition de la Conférence des administrateurs et managers publics (Camp). Cette rencontre va réunir tous les décideurs du secteur public et parapublic, pour leur inculquer les rudiments et autres principes qui régissent le service public.
L'organisation de l'État, la bonne gouvernance et le contrôle de l'action publique sont trois piliers sur lesquels le président de la République compte s'appuyer pour mettre en œuvre la réforme systémique qu'il a promise au Sénégal. Dès son installation à la tête du Sénégal, le 2 avril 2024, il avait tenu, dans les jours qui ont suivi la mise en place du gouvernement, un séminaire gouvernemental pour sensibiliser ses ministres sur ces différentes thématiques.
S'adressant aux membres du gouvernement, Diomaye avait insisté sur trois principes : l'honneur, la disponibilité, l'humilité et la compétence. “J'attends de ce séminaire, disait le président de la République, qu'il vous permette de disposer des connaissances fondamentales et des principaux outils, leviers et normes devant permettre de piloter, diriger, de conduire, de gérer en amont et de manager, avec efficacité et efficience, les départements ministériels qui vous ont été confiés”.
Presque un an plus tard, l'actualité reste marquée par de nombreux manquements au sein de l'Administration publique. Si ce n'est des griefs sur des faits de gouvernance douteuse (Onas, Aser, gestion des indemnisations des victimes de la crise politique…), c'est tout simplement des procédures administratives (enquête de moralité sur certaines nominations, manquements graves dans les communiqués du Conseil des ministres), sans parler des nombreuses fautes dans les communiqués de certains services, y compris de la présidence de la République. L'un des derniers exemples en date, celui qui a le plus suscité la clameur, c'est un communiqué du ministère chargé de la Famille, indigne même d'un élève de CP. Cela a poussé de nombreux Sénégalais à douter sérieusement des compétences et de la rigueur des fonctionnaires dans certaines administrations. C'est dans ce contexte qu'arrive la tenue de la première édition de la Conférence des administrateurs et managers publics (Camp) qui s'inscrivent dans la même dynamique que le premier séminaire tenu au mois d'avril 2024.
Cette fois, au-delà des membres du gouvernement, il s'agira de réunir les principaux dirigeants du secteur public et parapublic. Le dossier de presse précise : “En vue de renforcer la cohérence et l'efficacité de l'action publique, le chef de l'État avait organisé, le 27 avril, le premier séminaire gouvernemental. Dans la continuité de cette rencontre, il a été décidé de tenir, le premier trimestre de chaque année, une rencontre nationale regroupant l'ensemble des administrateurs et managers publics. Cette rencontre constitue un espace de partage, d'orientation stratégique et de mobilisation autour des grands défis de la gouvernance et du partage des pilotages des politiques publiques.”
Malgré le séminaire et les appels à l'ordre, les manquements se multiplient au sommet de l'Administration publique
L'objectif principal, selon le document de presse, c'est de rappeler aux participants certains fondamentaux dans le domaine de la gouvernance publique, de la conduite et du contrôle de l'action publique. À propos des objectifs spécifiques, la présidence évoque la nécessité de présenter les grands axes de l'Agenda 2050 et de la loi de finances pour l'année 2025, d'apporter un éclairage sur l'organisation et le fonctionnement des administrations, de mettre en avant l'importance de la bonne gouvernance et du contrôle de l'action publique à travers diverses communications d'institutions de régulation et de vérification. Relativement aux thématiques, on parle de la Vision Sénégal 2050 et de sa déclinaison annuelle dans le budget 2025 ; de l'organisation et du fonctionnement de l'Administration et enfin de la promotion de la bonne gouvernance.
S'il y a quelque chose qui semble tenir à cœur le chef de l'État, c'est bien l'objectif de transformation digitale de l'Administration pour renforcer non seulement l'efficacité, mais aussi la transparence dans la sphère publique. Il ressort du document de presse que cette journée permettre d'exposer aux différents responsables des administrations la feuille de route pour la transformation numérique des services publics. C'est d'ailleurs un des résultats clés attendus par le palais au terme de ce rendez-vous. “Conscients des enjeux de la transformation digitale, les responsables prendront la mesure de l'importance de la modernisation numérique au service de la performance et de la transparence”. Seulement, depuis leur arrivée au pouvoir, les tenants du nouveau régime tout comme leurs prédécesseurs semblent avoir du mal à opérer une véritable rupture dans le domaine de la transformation numérique. L'Administration sénégalaise reste polluée par la paperasse. Dans beaucoup d'administrations, la digitalisation des procédures reste à ses balbutiements, causant de nombreux arguments aux contribuables.
Le difficile envol de la transformation digitale
Lors du séminaire gouvernemental tenu au mois d'avril, le président de la République avait aussi insisté sur la disponibilité des responsables des administrations non seulement envers leurs collaborateurs, mais aussi envers les contribuables. Ce message aussi semble être tombé dans l'oreille d'un sourd.
À ce jour, il est encore très difficile pour un contribuable d'écrire à un service quelconque et d'obtenir une réponse. Il faut encore de longs bras pour avoir droit à certaines informations, parfois banales.
Outre les membres du gouvernement, sont attendus à cette première édition de la Conférence des administrateurs et managers publics, le premier président de la Cour des comptes, le médiateur de la République, les secrétaires généraux et directeurs de cabinet, les gouverneurs de région, les directeurs généraux et directeurs de l'Administration centrale, les PCA, etc. Ce sera l'occasion d'informer les uns et les autres sur les “règles fondamentales inhérentes à l'exercice de leurs fonctions”.
Pour sa part, le chef de l'État n'a eu de cesse d'insister sur les nombreuses attentes du peuple et l'exigence pour les managers d'être exemplaires. “Les attentes sont grandes et nous leur avons promis une rupture, c'est-à-dire une transformation systémique, en profondeur et assumée. Celle-ci doit commencer par la méthode de travail au sein de l'Exécutif et plus particulièrement au sein du gouvernement”, disait-il à l'occasion du séminaire l'année dernière.
Il faut rappeler que l'une des questions sur lesquelles le nouveau régime était particulièrement attendu, c'est la question de l'appel à candidatures qu'ils avaient promis dans le cadre du programme de Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Bien que la précision ait été faite que l'appel à compétition vise à pourvoir certains postes, il faut noter qu'à ce jour, presque aucun poste important n'a été pourvu par appel à candidatures, si ce n'est ceux qui ont traditionnellement été pourvus selon cette procédure.
Toutefois, lors de son adresse à la Nation, le 31 décembre, le président revenait sur cette vieille promesse du projet. Il s'engageait à mettre en place la plateforme “Liggeyal Sénégal” dans les prochaines semaines, d'ici au mois d'avril.
SEYDINA OUMAR TOURÉ, DG ASP “La rupture, c'est aussi enseigner ceux qui ne savent pas, rappeler les principes à ceux qui sont tentés de les oublier” Avant cette nouvelle initiative, qui s'inscrit dans la même dynamique que le séminaire de l'année dernière en se voulant plus inclusive, le président de la République avait multiplié les appels à l'exemplarité aux membres de son régime. C'est dans ce cadre qu'il avait aussi écrit une lettre aux fonctionnaires pour les appeler notamment au respect de l'heure et des exigences du service public. Dans la même veine, le chef de l'État avait invité tous les agents de l'Administration à s'armer, en toutes circonstances, des principes du Jub, Jubal, Jubanti. Interpellé sur l'intérêt de cette conférence dédiée aux administrateurs et managers publics, le directeur général de l'Agence d'assistance à la sécurité de proximité, Seydina Oumar Touré, ne tarit pas d'éloges pour ces initiatives. Pour lui, ces genres de rencontres sont hautement importants pour les jeunes gouvernants qu'ils sont. “Personnellement, je pense que c’est une très bonne chose pour les jeunes gouvernants que nous sommes, du moins pour la plupart d'entre nous. Cette rencontre nous permettra, pour nous jeunes administrateurs et managers, de saisir nos responsabilités et d’échanger sur la gestion de la chose publique. Je pense que c’est aussi ça la rupture : enseigner ceux qui ne savent pas et rappeler les principes de base pour ceux qui oublient ou seraient tentés de passer outre les principes du Jub, Jubal, Jubanti”, insiste l'ancien capitaine de la gendarmerie. |
Mor AMAR