‘’Le maître mot, c’est toujours la participation à la gestion de la cité’’
Présente au Sénégal depuis 1976, la Fondation Konrad Adenauer (FKA) qui porte le nom du premier Chancelier de la République fédérale d’Allemagne a célébré, le 19 mai dernier, ses 40 ans. Dans cet entretien, la conseillère scientifique et responsable des programmes de ladite fondation, Dr Ute Bocandé, revient sur le soutien constant de cette institution au processus de la décentralisation au Sénégal, à la promotion du secteur privé économique et bien d’autres secteurs d’activités.
La FKA a fêté les 40 ans de sa présence au Sénégal le 19 mai 2016. Quel bilan global dressez-vous du parcours de cette institution depuis un peu moins d’un demi-siècle dans le pays ?
Le bilan est globalement positif. Nous sommes très heureux du parcours qu’on a fait ici en commençant par un seul projet, au début, pour arriver aujourd’hui à des partenaires, des projets et programmes dans plusieurs parties du pays et dans beaucoup de secteurs d’intervention.
Quels sont justement ces domaines d’intervention de votre Fondation ?
Le premier domaine d’intervention a été et reste l’appui à la décentralisation. On appuie l’Etat sénégalais et les instances élues, surtout en termes de renforcement des capacités des élus à la base. Il y a aussi des réflexions stratégiques par le biais de publications, surtout avec le guide du formateur en développement local, tout cela avec l’Agence TAATAAN ASADIC. Le deuxième secteur, c’est l’appui au secteur privé économique. Et là, nous coopérons avec le Conseil national du patronat (CNP) qui organise des renforcements de capacités des entrepreneurs afin que les entreprises soient plus compétitives au Sénégal et au niveau mondial, et faire en sorte que ces dernières tiennent compte de la Responsabilité sociétale des entreprises (Rse), de l’environnement et de tous les aspects de sécurité liés au travail. Ce sont donc nos deux premiers grands projets. Le premier (l’appui à la décentralisation) à partir de 1976 et le deuxième (l’appui au secteur économique privé) à partir de 1992.
Au milieu des années 1990, nous avons commencé des interventions dans de nouveaux secteurs, surtout au niveau des médias avec une coopération avec le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) en 1997 pour la formation des journalistes. Ensuite avec l’Agence de presse sénégalaise (APS) avec des activités qui vont aussi dans le sens de renforcement des capacités, plus particulièrement pour ce qui concerne l’information régionale.
Il y a aussi, pour le secteur des organisations de la société civile, le mouvement citoyen avec sa présidente Pr Penda Mbow. Depuis les années 1990, nous organisons des séminaires de renforcement de capacités et de sensibilisation des acteurs de la société civile ainsi que des publications. Par exemple, sur la question de l’émigration clandestine.
Il faut aussi mentionner un important programme de renforcement de capacités des responsables de la société civile dans plusieurs régions, particulièrement dans la région de Kédougou, sur des questions environnementales, de participation citoyennes à la base. Sur cette question de participation citoyenne à la base, en coopération avec l’Association pour le développement du pays Bassari au Sénégal (Adpbs) à Salémata et l’Association d’appui aux initiatives locales et à l’environnement (Aile) à Dindefelo. Sur cette question de participation citoyenne, nous avons, ici à Dakar, et dans quelques régions, des Ciné-clubs, des manifestations théâtrales, avec la troupe TOTOK, pour sensibiliser les jeunes sur ces questions.
Un thème prioritaire, le dialogue interreligieux, est traité de manière transversale dans plusieurs activités à travers le pays. Et il faut souligner surtout que le colloque sur le dialogue interreligieux que nous organisons une fois par an porte sur un aspect spécial. Cette année, c’est par exemple, ‘’Religion et environnement’’. Enfin, il y a le programme des bourses dans le but de promouvoir les jeunes talents. Les boursiers sont sélectionnés sur des critères d’excellence (à l’issue d’un entretien) mais aussi de l’engagement.
Peut-on avoir une idée du nombre de boursiers de la Fondation ?
Actuellement, nous avons 40 boursiers. Avec les anciens, on est à 160 environ. Au début, on n’avait pas beaucoup de boursiers, c’était deux ou trois par an, mais maintenant, on a entre 17 et 20 nouveaux boursiers par an.
Quels sont les domaines dans lesquels les actions de votre Fondation sont le plus intenses et visibles ?
Parmi tous les autres programmes que nous pilotons, c’est peut-être le dialogue interreligieux qui a le meilleur palmarès dans les médias, puisque c’est un thème qui intéresse tout le monde. Et là, il faut dire qu’il y a une efficacité interne, avec une plus grande intensité de travail et de résultats. A cela s’ajoutent les séries de publications comme ‘’Les Cahiers de l’Alternance’’ que nous éditons en partenariat avec le Cesti, la bande dessinée pédagogique ‘’Afrique citoyenne’’, etc.
Peut-on avoir une idée du coût annuel de vos activités au Sénégal ?
C’est à peu près 350 000 euros dans tous les secteurs, soit 229 millions 584 950 FCFA par an pour environ 200 manifestations et publications. C’est quand même important.
Quelles sont les sources de financement de vos activités ?
C’est le ministère allemand de la Coopération économique. Tout ce que nous faisons dans les pays partenaires vient de là. S’il s’agit maintenant de nos interventions à l’intérieur de l’Allemagne, là, on a des financements de divers ministères.
Après 40 ans, quelles sont les perspectives de la FKA au Sénégal?
C’est tout à fait légitime qu’après l’étape de 40 ans, on se pose la question. Mais je crois que notre ligne sera la consolidation. On évolue dans beaucoup de secteurs, avec plusieurs partenaires. C’est pourquoi maintenant on ne commence plus de nouvelles coopérations parce qu’on n’en a pas les capacités temporaires et matérielles.
Il y a beaucoup de fondations allemandes qui s’activent à travers le monde. Quelle est la philosophie de la vôtre ?
Il faut préciser que dans le monde, il n’y a que 6 fondations allemandes. En Allemagne, chaque parti politique qui a des députés au Parlement (Bundestag) a le droit d’avoir une fondation politique qui fait le travail de formation puisque les partis ne peuvent pas le faire. Ces fondations sont nées après la seconde guerre mondiale pour démocratiser l’Allemagne. Les Allemands avaient vécu à l’époque la première et la seconde guerre mondiales et ils ne connaissaient pas bien la démocratie. Donc, il fallait tout faire pour ancrer l’idée de démocratie, de paix, de liberté et de participation dans les têtes des Allemands. Ensuite, petit à petit, ces fondations se sont déployées dans les pays amis, les pays partenaires.
Ici au Sénégal, il y a la Fondation Friedrich Ebert (Social-démocratie), la Fondation Rosa Luxemburg (socialisme), la Fondation Friedrich Naumann (libéralisme) et la Fondation Heinich Böll (pour les Verts) et chaque fondation a sa particularité par rapport au parti politique allemand auquel elle est affiliée, non pas de manière structurelle mais idéologique.
Idéologiquement, nous, notre Fondation est reliée à l’Union Chrétienne Démocrate (CDU) en Allemagne. Il faut donc préciser que le mot chrétien ne signifie pas que c’est un parti pour les chrétiens. Par contre, en Allemagne, il y a une forte population turque (musulmane) et plusieurs sont membres et responsables à la CDU. Notre particularité, dans le domaine économique, c’est l’économie sociale de marché qui est le précurseur de la Responsabilité sociale des entreprises (Rse). On a estimé que l’économie de marché est bonne mais il ne faut pas qu’elle soit débridée. Elle a besoin d’être régulée légèrement par l’Etat, une régulation qui ne va pas empêcher les entreprises d’évoluer, et qui veille à ce que les droits des employés soient respectés ainsi que l’environnement, dans le sens du développement durable. L’Allemagne se porte bien avec l’économie sociale de marché. C’est ce concept-là qui a permis à l’économie allemande d’émerger après la guerre pour être aujourd’hui la première économie de l’Europe.
MAMADOU YAYA BALDE