Publié le 23 Jan 2025 - 17:18
FRONT SOCIAL

Le bilan lourd de Diomaye-Sonko

 

Avec les nombreuses menaces qui pèsent sur l'emploi dans les secteurs public et privé, les défenseurs des droits des travailleurs se mobilisent et somment l'État de prendre des mesures pour préserver l'emploi.

 

Un tableau sombre. La grogne et la colère ne cessent d'enfler dans le monde de l'entreprise. Les centrales syndicales les plus représentatives sont montées dernièrement au front pour alerter. Dans un communiqué conjoint, la CNTS, l'Unsas, la CSA, l’UDTS et la CNTS/FC listent les maux : retards récurrents de salaires à la SN La Poste, des centaines de contrats annulés au Port autonome de Dakar, dont ceux de trois délégués syndicaux. Toujours dans le secteur public et parapublic, il a été noté des licenciements et des violations de droits dans plusieurs structures, dont le ministère des Mines et la RTS.

Toutes ces mesures, selon les syndicalistes, ont été prises en parfaite violation de la législation du travail. “Ces décisions antisociales prises par les autorités pour licencier des travailleurs ne sauraient être justifiées sous le prétexte renversant que ces recrutements ont une connotation politique au mépris des dispositions de l’article L1 alinéa 1 du Code du travail”, ont fustigé Mody Guiro et Cie. 

Mais au-delà du secteur public et parapublic, on a l'impression que ce sont tous les secteurs de l'économie qui sont en train de vivre cette situation plus que précaire, faisant peser des craintes sur l'emploi. “La coalition alerte aussi sur le risque de voir plus les 800 travailleurs perdre leur emploi du fait de la fermeture des bases militaires françaises sans mesures d’accompagnement dans un contexte de crise de l’emploi, ou encore l’insuffisance de revenus pour subvenir aux besoins des familles en matière de soins, de frais de scolarité ou de location est vivement ressentie”, soutiennent les syndicalistes qui s'inquiètent également pour des travailleurs de la Croix-Rouge restés neuf mois sans salaire.

Licenciements et refus de paiement en cascade

Outre ces violations présumées, les syndicalistes regrettent également une dégradation du pouvoir d'achat, des violations des droits des travailleurs... C'est le cas notamment dans le secteur primaire, mais aussi dans la presse, qui inquiète particulièrement les syndicalistes. “L’approche pour le moins frontale des nouvelles autorités dans la gestion des différends avec la presse menace la stabilité des emplois dans certains organes de presse avec des départs notés. À cela s’ajoute l’impasse des négociations entre les syndicats et le gouvernement dans les secteurs de l’enseignement, du préscolaire au supérieur, des collectivités territoriales, de la santé, de l’Administration publique relativement aux questions sur la retraite ou de la revalorisation des salaires et du régime indemnitaire auxquels ils peuvent prétendre”.  

Maillon essentiel de l'économie, le secteur des bâtiments et travaux publics n'est pas non plus épargné par ce climat délétère de l'emploi. Interpellé, Diaraf Ndao a embouché la même trompette, en dénonçant les nombreuses menaces sur l'emploi. “Aujourd'hui, l'emploi se porte très mal. Nous vivons une situation extrêmement difficile, avec l'État qui doit plusieurs milliards aux entreprises, en sus d'avoir fait arrêter injustement de nombreux chantiers”, fustige M. Ndao.

À l'en croire, cela a entrainé la perte de milliers d'emplois directs, compte non tenu des emplois indirects. “La situation est difficile pour tout le monde. La plupart des entreprises ont été contraintes de dégraisser leurs personnels. Ce qui fait que la situation est difficile pour tout le monde. Parce que, comme on a l'habitude de le dire, quand le bâtiment va tout va ; c'est toute une chaine de valeur qui est en train de souffrir, car il y a beaucoup de secteurs qui dépendent des BTP”, plaide le syndicaliste, non sans relever les milliards perdus par les cimenteries.

Parlant de la dette, il précise que c'est autour de 200-250 milliards F CFA que l'État doit aux entreprises. Pour les emplois perdus, il les évalue à environ 15 000. 

Le BTP, la presse, les entreprises du parapublic : ces secteurs fortement secoués par la morosité économique 

Si, dans le privé, on dénonce surtout un environnement économique défavorable, une pression fiscale de plus en plus forte et des mesures contraignantes de l'État, dans le public, ce sont surtout des décisions politiques qui sont décriées. Le même soupçon accompagne les refus de paiement de certains travailleurs, comme c'est le cas à la Sonaged. Adama Diouf, président de l'ONG Adha, constate : “On s'est levé un jour et l’on a suspendu le paiement de certains travailleurs. Ces jeunes vont toujours au travail, mais ils ne sont pas payés depuis le mois de juillet. Jusqu'aux dernières nouvelles, le vendredi dernier, il n'y avait pas d'évolution. Les jeunes ont interpellé la Direction de l'urbanisme pour lui demander de prendre ses responsabilités”.

À propos de l'argument selon lequel ce sont des recrutements politiques, il botte en touche et précise : “S'il y a des gens qui ont été recrutés de manière politique et qui ne travaillent pas, la législation permet de s'en séparer et personne ne va se plaindre. Maintenant, pour ceux qui travaillent normalement, même s'il y a des motivations politiques sur leurs nominations, ils restent des Sénégalais et l'État se doit de respecter leurs droits. Sinon, si l’on juge opportun de les licencier, qu'on les licencie, mais en leur payant leurs droits. Dans tous les cas, le droit du travail doit être respecté. On ne peut pas faire travailler des gens et ne pas les payer”.

Adama Mbengue (Adha) : “Au lieu de penser à supprimer des emplois, on s'attend à ce que l'État favorise les conditions de sa création.”

Selon l'ONG Adha, l'État a intérêt à changer de paradigme pour matérialiser ses engagements et respecter les droits des travailleurs dans tous les secteurs, qu'il soit public ou privé. “Au lieu de supprimer des emplois, il faut en créer. On s'attendait à un changement de paradigme, avec une fusion de certaines directions dédiées à l'emploi. Pourquoi ne pas pousser certains directeurs à diminuer leurs salaires ? Il y aura moins de dépenses et plus d'impacts sur le travail”.

Le gouvernement, selon M. Diouf, doit accompagner les entreprises du secteur privé, surtout celles qui sont en difficulté. “L'État doit accompagner les entreprises en difficulté. Derrière chaque employé, il y a une famille, des dizaines de personnes. L'État doit donc soutenir l'entreprise comme ça se passe dans les autres pays”, a-t-il insisté, non sans préciser : “Il ne faut pas détruire la presse. On est en train de s'acharner sur la presse, alors qu'il y a d'autres secteurs qui sont là et qui font pire.”

Les centrales déroulent leur plateforme revendicative 

Face à cette situation, la Coalition des centrales syndicales alerte et fixe ses exigences prioritaires. Elle a, dans ce sens, élaboré une plateforme revendicative minimale, “pour exiger de meilleures conditions de travail et de vie.” Parmi les priorités listées par les centrales, il y a : la baisse de la fiscalité sur les salaires, des coûts de l’électricité, de l’eau et du téléphone, des denrées de première nécessité pour soulager le pouvoir d'achat. L'harmonisation des augmentations des salaires des agents de l’État, à la suite des augmentations de 2022, y compris pour ceux des collectivités territoriales, la finalisation  de la révision du statut des décisionnaires par la modification du décret 74-347 et le règlement de la lancinante question de leur pension de retraite ; la mise en œuvre du plan de restructuration de la SN La Poste ; la réforme du Code du travail et du Code unique de la sécurité sociale ; la suppression des équivalences sur la durée règlementaire du travail dans certains secteurs professionnels tels que l’hôtellerie.

La coalition avait aussi exigé de lutter contre : l’évasion sociale dans les entreprises ; la précarisation des emplois dans la Fonction publique et dans le secteur privé ; les licenciements abusifs. “La Coalition des centrales syndicales du Sénégal invite les autorités à rester attentives aux préoccupations des travailleuses et des travailleurs, et veiller à une répartition équitable de la richesse nationale, à l’implication de la force de travail au renouveau et à la performance de notre économie”, prévenaient Mody Guiro et ses camarades qui sonnent la mobilisation des travailleurs pour la défense de l'emploi. 

Mor Amar

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