Diakhao, le ‘’rhumatisme’’ d’un vieux quartier
Le quartier Diakhao, créé vers 1890, abrite la base aérienne de l’armée de Thiès, le camp Michael le Grand, l’école polytechnique et le marché Sahm. Une triple cohabitation qui est la source d’une bonne partie de ses malheurs. A cela s’ajoute la difficulté de satisfaire les besoins primaires, comme l’eau, l’éducation, la santé ou l’éclairage. EnQuête s’est promené dans ce quartier.
C’est un vaste quartier qui s’étend, dans sa longueur, de l’école polytechnique au marché central. Dans sa largeur, il va du quartier Nguinth à la gare ferroviaire. Diakhao est l’une des premières zones habitées de la capitale du Rail. Sa population est aujourd’hui estimée à 14 571 habitants, selon le recensement de 2013. Le quartier est connu de tous, du fait que nombre des artistes-comédiens qui occupent aujourd’hui les devants de la scène théâtrale sénégalaise sont ses ressortissants. La localité a aussi vu naître des personnes célèbres dont des footballeurs.
N’empêche qu’elle souffre actuellement de nombreux maux. Parmi lesquels l’accès à l’éducation et aux soins. En effet, malgré sa très grande superficie, le quartier ne compte que trois écoles primaires, un collège d’enseignement moyen et un poste de santé. Certes la structure sanitaire est bien équipée, mais elle n’arrive pas à assurer les sollicitations médicales de l’ensemble de sa population. Malgré tout, les habitants doivent faire avec le manque criard d’eau dans le quartier. D’après l’assistant du délégué, il n’y a que deux bornes fontaines qui ne fonctionnent plus. « Diakhao est complètement laissé en rade », gémit Poulo Sow.
L’insécurité régnante
A ces problèmes s’ajoute l’insécurité. Si l’on en croit le délégué Boubacar Diop alias Bouba Diakhao, chaque hivernage, au moins une personne meurt par électrocution, sans que les autorités de la Senelec n’apportent une solution. « Nous ne sommes pas en sécurité. On se plaint toujours, mais nous ne recevons que des promesses sans aucune suite. Nous n’avons pas d’interlocuteurs dignes de ce nom. C’est pourquoi je profite de l’occasion pour interpeller directement le chef de l’Etat Macky Sall afin qu’il vienne à notre secours. Nous avons besoin que ces fils à haute tension soient délocalisés, car ils passent à l’intérieur du quartier. Diakhao ne mérite pas une telle situation », s’offusque-t-il.
Le paradoxe dans tout cela, c’est que les populations victimes d’électrocution sont souvent sans électricité. Une situation qui s’explique par les branchements clandestins. Mais, ce n’est pas la seule raison. Car si l’on se fie à M. Sow, l’assistant du délégué de quartier, l’éclairage public fait défaut. Ce qui, ajouté au phénomène des motos Jakarta, fait qu’une insécurité totale règne dans le quartier. A l’en croire, il y a très souvent des cas d’agression répertoriés. Ce qui le pousse à inviter les populations à prendre à bras le corps les préoccupations du quartier.
Les dérives du marché Sahm
La liste des maux est pourtant loin d’être finie. En effet, le marché Sahm a toujours été une épine dans le pied des habitants, soutient l’ancienne gloire du football sénégalais. Les marchands ont pourtant été déplacés par le maire de la ville de Thiès, Talla Sylla. Le maire de la commune de Thiès-Nord a même profité de l’occasion pour construire des cantines à la place. Seulement, selon notre interlocuteur, cela n’a fait qu’empirer la situation car les vendeurs de poissons reviennent toujours, après avoir été déguerpis. D’où le retour de l’insalubrité qui commence à regagner du terrain.
A cela vient s’ajouter le stationnement des camions frigorifiques. Ce qui explique les complaintes. ‘’Nous demandons à la municipalité de prendre des mesures idoines afin que les populations de Diakhao ne soient plus exposées au danger. Nous ne pouvons plus remettre en question notre cohabitation avec le marché, mais nous demandons que les mesures d’accompagnement soient prises en compte pour plus de salubrité’’, interpelle-t-il.
Délimitation des frontières du quartier
Et comme si tout cela ne suffisait pas, les militaires sont venus corser l’addition. Boubacar Diop dénonce l’expropriation foncière dont la population est victime. En fait, il y a un problème de délimitation entre les habitations et la base aérienne de l’armée. Si l’on en croit le délégué, celle-ci soutient que le quartier est installé sur un titre foncier lui appartenant. Une version contestée par le vieux. « La base aérienne a été conçue par les Blancs. C’était une réserve foncière que ces derniers utilisaient pour permettre aux avions d’y atterrir, d’où le nom de base aérienne. De l’autre côté, l’armée française a créé le camp dixième et personne n’y accédait. C’est par la suite que le camp de Gmi est venu pour prendre une partie et s’y s’installer, sans compter l’école polytechnique ». Mais, précise-t-il, la base aérienne avait grignoté une partie du quartier et personne n’est venu aux secours des populations. D’où l’amertume du patriarche. « J’ai toujours demandé à ce que l’on sépare notre quartier de la base aérienne, parce que les militaires viennent quand ils en ont envie pour refaire des délimitations en s’adjugeant les parties qui leur conviennent sous prétexte que c’est un titre foncier de l’armée, sachant que nous sommes incapables de résister’’, soupire-t-il.
Ainsi, le délégué demande-t-il aux autorités de les édifier, en leur montrant les limites réelles de Diakhao. Selon lui, du temps de Senghor, le parti socialiste avait créé un grand canal pour ceinturer la base militaire. Ce qui, dans son entendement, était aussi une manière de montrer aux habitants où se délimite leur quartier. C’est ainsi que des populations qui habitaient à l’école Capitaine Moussa Dioum ont été déguerpies un matin, sans aucune mesure d’accompagnement, alors qu’ils étaient des pères de famille à la retraite qui méritaient un soutien. D’après lui, les militaires avaient dit que cet espace était le leur. ‘’Les Blancs avaient respecté les limites, mais quand l’armée sénégalaise est venue, elle s’est appropriée nos terres’’, fustige-t-il.
OUMY LY ( THIES)