Publié le 25 Dec 2016 - 11:50
DEUX MORTS, DES RECYCLEURS INTROUVABLES, DEGÂTS ECONOMIQUES…

Mbeubeuss dans l’émoi  

 

Deux morts, des disparus, des dégâts économiques, le bilan de l’incendie qui s’est déclaré avant-hier à Mbeubeuss est énorme. D’ailleurs, ce sinistre continue de traumatiser les 1 000 travailleurs de ce site. Sur place, l’ambiance est morose et les recycleurs n’ont que leurs yeux pour pleurer.  

Reportage

Vent malaxé de fumée noire. Ordures calcinées, l’air vicié, la décharge de Mbeubeuss présente un décor sinistre. Pour cause : avant-hier, elle a été ravagée par un feu tragique qui a provoqué la perte de deux personnes retrouvées brûlées. Affreuse est cet incendie dont l’origine reste encore méconnue. Sur ce site à ciel ouvert, une cinquantaine de camions sont stationnés sur les lieux. D’autres, très actifs, sont en mouvement. Chargés d’ordures, ils les déversent dans la décharge, avant de converger vers l’intérieur de Malika, une banlieue dakaroise qui cohabite avec cette gigantesque décharge. Sa superficie est, dit-on, de 70 hectares. Et elle reçoit 1 300 tonnes d’ordures par jour, environ 475 000 tonnes par an, de la capitale sénégalaise. Le pont du site qui mène à la décharge est accidenté. Ponctué de secousses, cahoteux, il dégage une poussière impropre à la respiration. Aussi, l’ouvrage est trop étroit pour contenir les engins et les véhicules.

Vêtements noircis par les déchets, les récupérateurs, contrairement aux nouveaux visiteurs venus pour s’imprégner des dégâts de l’incendie, hument l’air qui s’y dégage : Il leur est familier. Traumatisés, désemparés, impuissants…, ils ne savent à quel saint se vouer. Alors,  ils s’en remettent à Dieu.

Le président de l’Association des Récupérateurs et recycleurs de la décharge de Mbeubeuss et ses camarades n’ont que leurs yeux pour constater les conséquences du sinistre. ‘’Depuis 1970, date à laquelle ce site a été créé, c’est la première fois que nous assistons à un événement de cette nature. Il est inqualifiable. Jusqu’à présent, nous ne pouvons pas dire avec exactitude l’identité des deux personnes emportées par le feu. Et nous pensons qu’il y a encore des morts à l’intérieur. Nous souhaitons que le maire de notre localité, les autorités étatiques, nous aident sur tout ce qui est dispositif sécuritaire pour protéger Mbeubeuss’’, ressasse Malick Diallo, disponible pour disserter sur cette question du jour qui lui tient à cœur.

Actif est ce vieux plus connu sous le nom de ‘’Bankasse’’. Comme ‘’patron’’ des lieux, il déambule sur le site. Et est très sollicité par les chasseurs de nouvelles. Visage et cheveux couverts de poussière, il est entouré de jeunes récupérateurs qui l’écoutent attentivement. C’est la parole du chef. Galvanisé par ces derniers qui l’applaudissent, il lance un appel pour dissiper toute forme de division. ‘’Nous devons profiter de cette triste occasion pour nous retrouver, c'est-à-dire unir nos forces au grand bonheur de toutes les personnes qui s’activent autour de ce site’’, pacifie Malick Diallo, dopé par un tonnerre d’applaudissements.

Alertés à 14 h20 mn et arrivés sur les lieux à 14 h42 mn, les soldats du feu qui viennent de Guédiawaye ont maîtrisé le feu à 18 heures. ‘’Il concernait une superficie de 10 hectares. Nous avons eu à engager 13 engins, 50 gradés et sapeurs. Les contraintes que nous avons rencontrées durant notre opération sont liées à l’accès qui est étroit et impraticable, aux conditions anarchiques de stockage des produits qui s’y trouvent’’, explique le sergent-chef Ousseynou Boye, posté entre leurs deux véhicules. Selon lui, ils ont passé la nuit du jeudi à vendredi  sur ce site.  

Familles et proches inconsolables

Peinés par les pertes humaines, les récupérateurs rencontrés hier rejettent l’idée de délocaliser Mbeubeuss qu’ils considèrent comme une ‘’industrie’’. Pour eux, la priorité doit être mise sur la sécurité pour permettre aux travailleurs qui s’activent autour du site de s’épanouir. ‘’Nous sommes contre cette politique de délocalisation. La bonne démarche, c’est de faire en sorte que nous ayons des cartes qui attestent que nous sommes des travailleurs de Mbeubeuss. Ceci va nous permettre d’être en sécurité. Nous sommes pour cette option parce que les Ino et Alex ont été arrêtés ici. Il y a des malfrats qui se refugient sur ce site’’, dénonce le maire Momar Tall Gadiaga.

Chez les recycleurs, la matinée d’hier a été chargée d’émotions. Inconsolables, ils brandissent les photos de leurs collègues et femmes portés disparus. Ici, l’ambiance est morose voire irrésistible. Le poids du choc est passé par là. Dans cette foule désemparée, une femme de taille moyenne pousse un cri de détresse. Déboussolée, elle ne veut pas entendre parler de sa collègue de travail disparue. ‘’Où est la photo ? Essayons de la maîtriser’’, chuchote une dame visiblement affectée. ‘’J’ai laissé deux personnes à l’intérieur, y compris des femmes. J’ai été entourée par les flammes’’, témoigne Awa Bodian, une partie de sa main gauche brûlée par le feu. Elle a fait trois ans sur le site. Casquette sur la tête, regards projetés sur sa personne, le maire de la localité est au chevet des victimes depuis avant-hier, rapporte la foule.

Assis au milieu de ses administrés, Momar Talla Gadiaga a le cœur lourd. Selon lui, les feux qui se déclarent sur la décharge sont spontanés. Parce que, détaille-il, elle contient du gaz méthane, et d’autres types de gaz qui, par réactions chimiques, peuvent finir par s’enflammer. Interpellé sur le bilan économique de ce dégât, le maire rétorque : ‘’Au bas mot, on parle d’une soixantaine de millions de F Cfa. Et ça peut faire plus. C’est catastrophique ce qui s’est passé. Le nombre de morts peut s’alourdir du jour au lendemain. En tant qu’autorité locale, mes moyens ne suffisent pas pour venir en aide aux sinistrés.’’ Fort de ce constat, M. Gadiaga appelle l’Etat au premier chef pour soutenir les victimes. Il s’agit, pour lui, d’organiser un moyen de secours comme celui qui est utilisé à l’occasion des inondations. ‘’J’interpelle l’Etat à faire quelque chose car tout le monde utilise cette décharge. Les ordures de Dakar, Rufisque, Pikine…atterrissent à Mbeubeuss. Nous, dans notre budget, nous allons voter un montant pour ces sinistrés’’, promet le maire de la localité. 

PAPE NOUHA SOUANE 

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