Ca se tatoue partout
Se faire tatouer est toujours de mode chez les stars et les ‘’branchés’’. Et de plus en plus, les femmes soumettent leurs parties intimes à l’exercice. Mais attention, au-delà de l’aspect moral, il y a des risques sanitaires, car toutes les peaux ne s’y prêtent pas. Reportage.
Après Mbathio Ndiaye et ses photos obscènes publiées sur les réseaux sociaux, place à Tyco Tatoo. Sorti d’on ne sait où, le jeune homme publiait régulièrement des vidéos de ses séances de tatouages. Ces dernières sont aussi choquantes les unes les autres. Tyco ne montre pas le visage de ses clientes mais met en exergue leurs parties intimes sur lesquelles il a fini de faire passer son démographe. Beaucoup de Sénégalais curieux et adorant les potins le suivent sur snapchat. Ainsi, il a bâti sa notoriété et est passé de ce réseau social à la télévision. Il a accordé quelques interviews à des médias avant d’être arrêté par la brigade des mœurs.
Qu’importe, il a eu le temps de faire sa publicité et surtout de démontrer l’ampleur du phénomène, très prisé actuellement. Pourtant, le tatouage permanent coûte cher et nécessite beaucoup de moyens. Le plus petit dessin peut coûter 50 000 F Cfa. D’ailleurs, le plus célèbre tatoueur sénégalais l’a fait savoir dans l’une de ses interviews. Il dit demander entre 300 et 500 000 francs à ses clients. EnQuête a tenté en vain de le joindre avant d’apprendre qu’il est arrêté par la brigade des mœurs pour diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs. Il sera jugé aujourd’hui. En attendant, ses vidéos ont permis à beaucoup d’en savoir plus sur les tatoueurs professionnels. Avec leurs démographes, Tyco et Cie dessinent en injectant l’encre sous la peau entre le derme et l’épiderme. Raison pour laquelle cela prend quelques jours avant de se cicatriser. Aussi, se faire tatouer peut-être douloureux, c’est pourquoi dans certains cas, l’anesthésie est conseillée comme le dit d’ailleurs Tyco Tatoo dans l’une de ses interviews.
Par ailleurs, les motivations de ceux qui se font faire des dessins sur la peau divergent. Certains suivent la mode. D’autres, comme l’animateur à la 2Stv Momo Seck, disent le faire pour des raisons esthétiques. ‘’J’ai deux tatouages. L’un est sur mon bras et est visible. Je voulais me faire tatouer depuis longtemps mais j’hésitais. Un jour, je me suis réveillé et me suis décidé. C’était pour me faire plaisir’’, a-t-il déclaré. Il en est presque de même pour cette jeune Sénégalaise d’origine marocaine qui a requis l’anonymat. Elle s’est fait tatouer lors d’un de ses voyages, parce qu’il y avait un salon sur la question là où elle logeait. ‘’J’ai toujours eu envie d’en avoir parce que c’est prendre le contrôle sur la narrative de son corps et pas juste subir son poids, sa corpulence ou sa taille. Un de mes auteurs préférés a dit que dans la vie, il faut soit faire une œuvre d’art, soit devenir une œuvre d’art et c’est ce que je fais avec mes tatouages’’, explique-t-elle.
Pour Momo Seck, chacun de ses dessins a une signification pour lui. ‘’Sur l’un des tatouages, il y a le prénom de mon épouse et c’est une marque d’amour pour moi. Je ne peux pas te donner la signification du second qui est visible sur mon avant bras’’. Quant à notre interlocutrice, ‘’le premier est un tatouage d’appartenance à un groupe’’. ‘’Le deuxième, ajoute-t-elle, est le dernier vers de mon poème préféré. Mes tatoo sont rattachés à des souvenirs de lieux que j’ai aimés. Donc, je n’en fais qu’à des occasions spéciales’’. L’un comme l’autre compte garder ses dessins le plus longtemps possible. Momo Seck veut même en faire d’autres avec les noms de sa sœur et de sa mère. Il hésite encore parce que la dernière citée n’aime pas les ferrades.
Dans l’antre des tatoueurs non permanents
Ailleurs, l’acte est accompli sans hésitation. A quelques heures du match Sénégal-Zimbabwe, le Marché Hlm grouille de monde. Mais vu l’entrain des uns et des autres, on sent que l’espace ne va pas tarder à se vider de ses occupants. Les marchands ambulants s'empressent d’aller suivre le deuxième match du Sénégal de la Can. Chacun y va de son commentaire sur le 11 de départ. Les ‘’voyants’’ eux savent déjà l’issue de cette rencontre. A l’allée qui mène à la boutique Serigne Babacar Sy se trouve le sanctuaire de presque tous les tatoueurs du marché Hlm. Majoritairement composé de jeunes, ce groupe y a élu domicile. Chacun tient un tube d’encre et un catalogue de modèles. Les exemples les plus intimes se trouvent sur leurs Smartphones. Ici, tout le monde est à la quête de clientes. La même phrase sort presque de toutes les bouches dès qu’apparaît une femme : ‘’Voulez-vous vous faire tatouer ?’’, demande-t-on.
La plupart d’entre eux sont venus du Nord du Sénégal pour se livrer à ce métier. Ces jeunes ont fini par moderniser le tatouage qui, jadis, était pratiqué par leurs grands-parents grâce à leurs outils. Ils apportent leur graphisme dans une diversité infinie de styles nouveaux ou hybrides. Pas de fioritures. C’est bien l’art du tatouage qui est mis à l’honneur et tout est prévu pour combler les clients. Certaines choisissent des symboles, d’autres des noms sexy et parfois celui de leurs partenaires. Les prix pratiqués varient entre 2 000 et 8 000 F Cfa.
Amar est un tatoueur. La trentaine entamée, il s’active dans ce métier depuis plus de 5 ans. Avec son jean déchiré, polo rouge, il est très dynamique. D’un abord facile, il est à la recherche de clientes. ‘’Depuis ce matin, j’ai gagné 8 000 F Cfa et avec le match, je suis obligé de rentrer’’, dit-il. La plupart de ses clientes, dit-il, sont des célibataires et toutes ont commencé par se faire tatouer les mains. ‘’Satisfaites, elles demandent après une carte de visite et gardent le contact pour une prochaine séance. Dès qu’elle se familiarise avec leur tatoueur, elles osent certaines choses comme se faire tatouer sur des parties intimes’’, révèle-t-il.
Seulement, ce n’est pas au marché HLM qu’ils le font. ‘’Pour ces séances particulières, le tatoueur se déplace’’, ajoute-t-il. Car comme le souligne Ndèye Arame retrouvée à ‘’Daaray Serigne Fallou, Chez Iso’’, ‘’c’est inadmissible pour une femme d’exposer publiquement ses parties intimes pour se faire tatouer’’. Ces candidates d’un autre genre, Amar en compte deux qui font régulièrement appel à lui. ‘’Ce sont des femmes mariées et chacune d’elles à ses préférences. A chaque fois qu’elles veulent se faire tatouer, elles me contactent et je me déplace. L’une le fait le plus souvent sur son sein gauche et au bas ventre et l’autre sur son sacrum’’, confie-t-il.
Selon Amar, ce sont des moments très intimes et privés et seule la confiance reste son atout. ‘’Tant qu’elles n’ont pas confiance en toi, elles ne te sollicitent pas’’, indique-t-il. ‘’J’ai commencé à les tatouer sur les bras et les pieds et maintenant c’est sur leurs parties intimes pour faire plaisir à leurs époux’’, dit-il. A part ces deux femmes mariées, Amar affirme que toutes ses autres clientes sont des célibataires. Elles non plus ne veulent pas le faire au vu et au su de tous.
A ‘’Daaray Serigne Fallou, Chez Iso’’, on a comme spécialité le tatouage des cils. Ici, la clientèle vient de partout. Si une cliente veut se faire tatouer le corps, c'est à elle de faire appel à l’un d’entre eux. Ainsi, ils se donnent rendez-vous. Presque toutes leurs clientes sont des femmes majeures qui cherchent à être plus sexy.
Seulement, cette proximité peut ne pas toujours rester professionnelle. Barth Ndiaye, tatoueur chez ‘’Leuz’’, n’a pas de problème à tatouer une femme où elle veut car c’est son gagne-pain. Toutefois, il reconnaît qu’un homme et une femme qui se retrouvent seuls dans certaines conditions, ce n’est pas toujours facile à gérer. C’est ainsi que dans certains cas, l’un ou l’autre peut se laisser aller à quelques dérapages comme toucher des endroits sensibles. ‘’Nous avons affaire à des filles, des femmes qui aiment être ‘’fashion’’, se justifie Barth Ndiaye.
Au-delà de certains problèmes que peut poser l’intimité, il y a d’autres écueils, notamment sanitaire, liés à cette pratique. En effet, les produits utilisés ne sont pas compatibles avec toutes les peaux ; surtout avec le tatouage indélébile. Ainsi, certaines candidates ont souvent des boutons après leurs tatouages car ayant la peau fragile. ‘’Il arrive que des ambulants font des mélanges qu’ils ne maîtrisent pas trop et cela peut mener à des complications. Moi, en tant que professionnel, je n’accepte jamais d’utiliser des produits que je ne connais pas. Des conséquences négatives peuvent surgir et je ne veux pas avoir de problèmes, même si j’admets qu’il y a des corps sensibles’’, se veut prudent un jeune homme ayant requis l’anonymat.
Dans ce métier trop prisé par la gent féminine, les couleurs et les produits pour tatouer sont au choix. Mais, les tatoueurs ambulants en utilisent juste deux ou un troisième qu’il mélange eux-mêmes à leur guise pour que cela dure beaucoup plus longtemps. Il y a le ‘’Tanzo’’ qui est de couleur marron et un produit naturel. Mais il ne dure pas longtemps, juste 10 à 15 jours. Il y a le ‘’Képa’’ qui dure beaucoup plus longtemps, selon les tatoueurs. Il est de couleur noire. Mais selon Barth Ndiaye, les gens choisissent plus souvent le ‘’Tanzo’’, car les clientes le trouvent plus discret et naturel. Ce sont auprès des vendeurs d’encens qu’ils les achètent. Il y en a qui viennent d’Inde et de la Mauritanie.
HABIBATOU WAGNE