Ingénieur de formation, le fondateur de la Compagnie sahélienne sénégalaise (CSE) est décédé, hier, des suites d’une malade qui l’avait cloué au lit depuis quelque temps. Aliou Sadio Sow a rangé ses outils à l’âge de 83 ans. Sa dépouille mortelle sera rapatriée à Dakar, ce vendredi. Le richissime homme d’affaires a marqué de son empreinte le secteur des BTP, tant au niveau national qu’international.

Grosse perte pour le Sénégal en particulier et le continent africain en général. Le milliardaire sénégalais Aliou Sadio Sow, 83 ans, a tiré sa révérence, hier, à l’hôpital américain de Paris (France), des suites d’une longue maladie. La dépouille mortelle est attendue ce vendredi à Dakar. Fondateur du groupe de Bâtiments et travaux publics (BTP), la Compagnie sahélienne des entreprises (CSE), l’homme d’affaires a laissé son empreinte dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Son groupe a construit des infrastructures routières dans son pays, au Mali, au Burkina Faso, en Sierra Leone ou encore au Nigeria. Aliou Sow a été un actionnaire de la Compagnie sénégalaise d’entreprise (CSE), alors détenue à 45% par la société française Fougerolle. Quelques années après, ladite société est devenue la Compagnie sahélienne d’entreprise en 1976 sous sa houlette. En 45 ans, le disparu a su transformer sa ‘’petite entreprise’’ en une multinationale florissante.

‘’J’ai été combattu par toutes les sociétés majors qui étaient là à l’époque’’

Originaire du Fouta, le richissime homme d’affaires avait auparavant intégré le monde des finances. C’était dans les années 1980. Là, Aliou Sadio Sow devint l’actionnaire majoritaire, avec 66% du capital de la Banque sénégalo-tunisienne (BST). Il cédera ses parts en 2006 au Marocain de la société Attijariwafa Bank. Après des études d’Ingénieur en France, il a eu la ferme volonté de rentrer au pays pour travailler dans la multinationale Shell. Dans un épisode de l'émission ‘’Réussite’’, coproduite par le Groupe Jeune Afrique, Canal+ Afrique et Galaxie Presse, diffusée en 2016, le défunt père de Yérim Sow, Président directeur général (PDG) du groupe Teylium, avait levé un coin du voile de son success-story. ‘’La chance que j’ai eue, c’est que je suis passé d’abord par la Shell. Mais après 10 ans dans le pétrole, jeune ingénieur que j’étais, j’ai décidé de créer ma propre entreprise’’, disait cet ‘’entrepreneur respecté’’ au Sénégal. Du coup, il a jeté son dévolu sur le Btp.

Mieux, ce pionnier a réussi à mettre sur pied la première entreprise de Btp 100% africain, en Afrique de l’Ouest. ‘’C’est un ami banquier qui m’a supporté. Il m’a prêté les 5 millions de F CFA pour participer au capital de l’entreprise. Il m’a soutenu contre vents et marées. J’ai été combattu par toutes les sociétés majors qui étaient là à l’époque’’, révélait-il. Les majors, ce sont les multinationales du Btp qui avaient, dans les années 70, le quasi-monopole du BTP en Afrique de l’Ouest. Un de ses plus proches directeurs, Birane Wane, se souvient que la société a dû faire ses preuves, pour obtenir des marchés. Le Directeur de la société immobilière Golf du groupe Cse d’indiquer : ‘’Les gens n’y croyaient pas au début quand nous répondions sur les appels d’offres dans certains pays.’’

Véritable bourreau du travail, Aliou Sow déclarait : ‘’Tous les matins, je viens à mon bureau du siège de la Cse. Pourtant à 82 ans, je suis officiellement retraité. Mais il est difficile de décrocher, lorsqu’on a passé sa vie à bâtir le BTP, au Sénégal. Je dis souvent à mes collaborateurs, qu’à mes débuts, j’ai transporté des briques, des sacs de ciment ; j’ai été chef de chantier. J’étais au four et au moulin. Je me levais à 3 heures du matin pour aller visiter les chantiers. Les gens ont du mal à le croire, mais c’est la réalité.’’ La CSE a signé ses premiers contrats à l’étranger, en 1981. Avec un chiffre d’affaires d’un milliard de F CFA, au commencement, la société en a comptabilisé plus de 50, en 2012.

L’empire d’Aliou Sow

Au Sénégal, des infrastructures ‘’d’art complexe et d’édifices High-tech’’ portent la signature de la CSE. Parmi elles, la Voie de dégagement nord (VDN), l’échangeur au Nord de Dakar d’un coût de 9 milliards de F CFA, l’aéroport international Blaise Diagne de Diass (AIBD), le pont de Kolda en Casamance, la route Saint-Louis-Ndioum dans le nord du pays, l’hôtel Radisson Blu, à Dakar. ‘’Se faire connaître à travers des chantiers emblématiques, c’est la stratégie de la CSE pour gagner en notoriété sur les multinationales comme avec l’Hôtel Radisson blu de Dakar’’, a expliqué le fils du fondateur ‘’audacieux’’ de la CSE, Oumar Sow.

En 2015, Aliou Sow a vu son ‘’solide groupe’’ se transformer en holding. Un de ses fils cadets, Ardo Sow, gère la société du groupe spécialisée dans l’équipement et le terrassement, Sosetar, une filiale de CSE. Mohamed Sow préside la SIDH, spécialisée dans l’immobilier. La Société immobilière du Golf (SIG) fait également partie de l’empire de ce magnat du BTP. De même que la Société industrielle sahélienne de mécaniques, de matériels agricoles et de représentations (Sismar). Mais, depuis un an, Aliou Sow avait décidé de passer la main. Il avait confié les clefs de son entreprise ‘’à des collaborateurs de longue date, mais aussi à ses enfants qui ont tous été bercés dans la BTP’’. Ardo Sow l’a remplacé à la tête de la Direction générale de la CSE. Ce dernier est le frère cadet du nouveau PDG de ladite entreprise, Oumar Sow.

Le milliardaire Aliou Sow occupait ainsi le poste de président du conseil d’administration (PCA) de la compagnie. ‘’Il avait un œil dans l’évolution de la CSE’’, souffle un de ses collaborateurs. ‘’En ce qui me concerne, j’ai grandi dans cette entreprise. Toutes les vacances, même en étant au Lycée, je venais faire des stages, dans la comptabilité, un peu partout. Quelque part, c’est une société qui fait partie de mon Adn, aujourd’hui. C’est l’entreprise d’un homme qui nous a en fait lancé un défi, parce qu’il va falloir maintenir au moins le niveau auquel la CSE est arrivé’’, fait savoir Ardo Sow. Un défi à relever, d’autant qu’actuellement, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel de 100 milliards de F CFA. Un classement des Sénégalais les plus riches, publié au mois de mai 2017, a placé à la 3^ème position le défunt milliardaire. Ce, avec une fortune estimée à 350 milliards de F CFA.

‘’Un humaniste discret, courtois, travailleur et pieux’’

Figure emblématique du secteur privé, Aliou Sadio Sow était aussi un ‘’humaniste’’. Avec sa disparition, tout un peuple a perdu ‘’un homme de cœur’’.  ‘’Sa trajectoire et son action à la tête de son entreprise ont toujours été marquées d’une très grande discrétion et d’un pragmatisme à toute épreuve. Les œuvres sociales de cet ingénieur de formation à l’endroit de ses collaborateurs sont de notoriété publique dans le pays’’, témoigne-t-on. Eh oui ! ‘’Il était l’un des hommes d’affaires les plus discrets du pays, mais sans doute aussi l'un des plus emblématiques. Il est réputé être un humaniste’’, a confirmé un internaute. ‘’Ce grand bâtisseur est un mécène discret de l’Islam. Il a eu à construire beaucoup de mosquées et de Daara. Oui, il a fait beaucoup de bonnes actions autour de lui sans tambour ni trompette. L’homme était aussi connu pour sa générosité légendaire, notamment, dans le domaine social. J’ai beaucoup d'admiration pour cet homme humble, courtois, travailleur et surtout pieux. Que Dieu lui accorde une très longue vie’’, priait un autre, deux ans auparavant.

Finalement, Aliou Sadio Sow a soufflé la veilleuse, dans la nuit du mardi au mercredi dernier. Il a déposé son bilan, après avoir terminé les chantiers de sa vie.   

AWA FAYE