Publié le 30 Sep 2017 - 05:45
GORGUI DIAW, GYNECOLOGUE ACCOUCHEUR

‘’Le myome n’empêche pas une grossesse mais la complique’’

 

Le myome communément appelé fibrome est une maladie asymptomatique qui touche beaucoup de femmes. Dans cet entretien, le gynécologue explique ses complications, son traitement et les différents types qui existent. Tout en soulignant que cette maladie n’empêche pas la grossesse, contrairement, à ce qui se dit.

 

Qu’est-ce que le fibrome ?

Les fibromes utérins sont de petites tumeurs bénignes (non cancéreuses) qui se développent au niveau de l'utérus. Elles se présentent sous forme de petites masses circulaires. Quand je dis tumeur bénigne, c’est très important, parce que souvent, les gens associent aux fibromes beaucoup de choses. Ils sont développés aux dépens du muscle utérin. Son nom, c’est le myome. Les gens disent fibrome parce que c’est la nature fibreuse des tissus qui le constitue. Elle est bénigne par rapport aux tumeurs malignes, c’est-à-dire les cancers et autres. C’est des tumeurs qui ne se cancérisent jamais.

Combien y a-t-il de types de fibromes ?

Il y a plusieurs types de myomes. Selon leur localisation exacte, on distingue les fibromes sous-muqueux, interstitiels et sous-séreux. Certains sont asymptomatiques. D'autres se manifestent par des ménorragies (saignements importants pendant les règles), des métrorragies (saignements en dehors des règles), des douleurs au niveau de l'utérus, une sensation de pesanteur et une infertilité. On les définit par rapport à la position au niveau du muscle utérin. Quand le muscle utérin est à côté de l’endomètre, le myomètre, vous avez autour de ce muscle la séreuse. Si le myome est au-dessus de la séreuse, c’est un myome sous-séreux. En général, c’est des myomes pédiculés. S’il est interstitiel, il est dans le muscle utérin. Il peut être sous-muqueux, c’est-à-dire développé dans la cavité avec un peu de muqueuse.

Donc, les définitions sont faites par rapport à leur position, à l’endomètre, au myomètre lui-même ou par rapport à la séreuse. Il faut savoir que le myome n’empêche pas la grossesse, contrairement à ce que les gens racontent. Beaucoup de gens disent que vous n’avez pas de grossesse parce que vous avez des fibromes. Ce n’est pas vrai. Le myome n’empêche pas une grossesse, mais la complique. Parce que, quand il y a une grossesse développée dans l’utérus, la circulation sanguine qui était dévolue au fibrome va être déroutée vers la fabrication du bébé. Le myome n’ayant plus de sang vers lui se nécrobiose et c’est extrêmement douloureux. La principale complication, c’est la nécrobiose. Le myome n’étant plus irrigué, il meurt. Et cela donne un tissu qui va se décomposer, c’est ce qu’on appelle un myome nécrobiosé et c’est très douloureux. Mais le fibrome est une maladie banale, fréquente chez nous particulièrement. La race noire constitue l’essentiel des gens qui font des fibromes.

Pourquoi est-il fréquent chez la race noire ?

Il y en a dans les autres races, mais il faut savoir aussi que le fibrome est lié à un certain nombre de déséquilibres hormonaux. On a remarqué que les gens qui font des fibromes font en même temps des chéloïdes. Quand on les opère, ce sont les mêmes gens qui développent facilement des chéloïdes. C’est une sur cicatrisation. Au lieu que la cicatrice soit fine, elle devient presque tumorale. Ces personnes ont ce qu’on appelle, en matière biologique, une hyperœstrogénie, qui fabrique un peu plus de muscles qu’il n’en faut. Parce que l’œstrogène permet un développement cellulaire. Quand il y a une hyperoestrogénie, cela favorise non seulement les myomes, mais également les chéloïdes. C’est juste une théorie. On ne peut pas dire qu’il y a une relation mathématique entre l’hyperoestrogénie et la myomatose. Mais, nous avons constaté que les mêmes gens qui font des fibromes font des chéloïdes et ces mêmes personnes ont des problèmes d’hyperoestrogénie.

Donc, on ne peut pas savoir exactement la cause du myome ?

Non. On ne peut pas le savoir. Mais on a remarqué que les ¾ des gens qui font des fibromes sont de race noire. Il y a donc peut-être une relation de cause à effet entre l’hyperoestrogénie, les myomes et les chéloïdes. Les fibromes peuvent se localiser sur tous les types d'organes ; cependant, on les rencontre le plus souvent au niveau de l'utérus. Ce sont des groupes de cellules n'ayant pas les mêmes caractéristiques que le tissu avoisinant et qui forment une tumeur dénommée fibrome. Il s'agit de tumeurs bénignes, mais il est souvent préférable de les enlever pour prévenir les risques de complications. Les fibromes ont une forme ronde ou ont plusieurs lobes. Ils peuvent être à l'intérieur de l'organe (ex : fibrome intra-utérin), ou à l'extérieur (fibrome extra-utérin) en étant simplement rattaché par un pied (fibrome pédiculé) ou affleurant à la surface de l'organe.

Quelles sont les complications ?

 La principale complication des fibromes, pour les trois cas, ce sont les hémorragies. C’est des gens qui font des ménométroragies. C’est-à-dire que les règles sont toujours très abondantes et prolongées. L’autre complication, c’est l’effet de masse quand les fibromes sont trop gros, ils vont gêner les ultaires, c’est-à-dire que les conduites qui amènent les urines vers la vessie peuvent être bloquées par une grosse myomatose qui appuie dessus. Ces mêmes personnes peuvent avoir des complications digestives par une compression. C’est ce qu’on appelle une complication voisinage. Concernant la grossesse, ce sont des grossesses très douloureuses, et il y a le phénomène de nécrobiose.  

La nécrobiose, si c’est un fibrome pédiculé. Il peut attirer vers lui les intestins qui sont à côté et cela peut créer des fistules. J’ai eu à opérer une femme qui, après accouchement à Richard-Toll, on me l’a amenée, parce qu’elle a eu un syndrome douloureux abdominal très intense. Quand je l’ai consultée, j’ai vu qu’elle avait un fibrome nécrobiosé, l’intestin grêle est venu s’y coller et a donné une fistule. Mais elle s’en est sortie. Je l’ai revue après une autre grossesse, et on lui a fait une césarienne. Les principaux problèmes du fibrome, c’est l’hémorragie et la nécrobiose. C’est aussi une anémie aigue en cours d’opération. Il y a également des complications quand la femme est enceinte. J’ai eu à opérer, plusieurs fois, de grosses myomatoses avec grossesse et il y avait un problème pendant celle-ci. J’étais obligé d’enlever les myomes, c’est-à-dire opérer la dame et attendre la fin de la grossesse pour ensuite faire la césarienne à la femme.

 Est-ce qu’il existe un traitement adéquat au Sénégal ?

 Oui. Le traitement dépend du fibrome et de son évolution. Il peut être médicamenteux ou chirurgical.  Les ¾ du temps, quand les myomes sont très gros et compliqués, on opère. C’est des interventions simples, mais qui peuvent être dangereuses, parce que la femme saigne beaucoup. Comme ces femmes sont d’habitude anémiées, c’est des interventions qu’il faut préparer à l’avance, en prévoyant du sang, en faisant en sorte que le niveau de l’hémoglobine soit suffisamment haut pour qu’on puisse se permettre de perdre du sang, sans risquer la vie des gens. Il faut également prévoir la possibilité de transfusion, si l’hémorragie est très importante. En dehors de ces interventions, les très gros fibromes, surtout quand ils sont nombreux, poussent les gens à faire une hystérectomie. C’est-à-dire on enlève l’utérus plutôt que de risquer d’enlever myome par myome. L’intervention, au lieu d’être conservatrice, va être radicale. Et là, la femme n’a plus la possibilité d’avoir des enfants. Mais on ne le fait que dans les cas où les fibromes sont nombreux, et que la femme est âgée et pas très loin de la ménopause. Chez les jeunes femmes, on hésite beaucoup à faire des hystérectomies pour ne pas les priver de la possibilité de faire des grossesses. Mais, c’est possible.

On parle d’embolisation des fibromes, est-ce que cela existe au Sénégal ?

Cela n’existe pas au Sénégal. L’embolisation, c’est une fuite en avant. Elle crée des situations de nécrobiose. Cela n’enlève pas les myomes, on arrête la circulation du sang qui nourrissait le fibrome et cela crée une nécrobiose. Je ne pense pas que cette méthode soit une solution. Peut-être pour des petits fibromes, mais pour les gros, comme on en trouve chez nous, ce n’est pas l’idéal. Parce que la nécrobiose va s’accompagner d’autres complications.

Il paraît qu’il y a des médicaments qui font fondre les fibromes ?

Cela n’existe pas. Les médicaments peuvent ralentir l’évolution du myome, mais le faire disparaître, ça n’existe pas. C’est le langage du Sénégalais moyen, parce que nous avons pas mal de gens qui ont une opinion, suivie malheureusement, et qui s’amusent à dire que tel médicament va faire disparaître le myome. C’est faux.

Comment se manifeste le myome ?

Le caractère indolore du myome fait que souvent les gens en ont et ne le savent même pas. C’est à l’occasion d’une consultation pour désir de grossesse que les gens, à leur grande surprise, le découvrent. En dehors de l’augmentation du volume du ventre, il n’y a pas d’autres complications. C’est ce qui fait d’ailleurs qu’on les découvre trop tard, parce qu’il n’y a pas de douleur. La douleur n’apparaît que si la grossesse cohabite avec le fibrome. A ce moment, la nécrobiose amène des phénomènes douloureux extraordinaires. Mais un fibrome chez une femme jeune qui n’est pas en état de grossesse, souvent il est méconnu. Mais en général, il n’y a pas de douleur, et s’il n’y a pas de grosses hémorragies, les gens n’y pensent pas. Souvent, c’est des découvertes d’examens de routine d’une stérilité. C’est une tumeur silencieuse, indolore. Malheureusement, les femmes qui ne sont pas mariées ne viennent jamais voir un gynécologue et ça, c’est un problème. Parce que le fait d’aller chez un gynécologue, à partir d’un certain âge, c’est une bonne chose, parce que cela permet de faire un tour d’horizon pour voir si tous les éléments sont en place. Les gens ne viennent qu’une fois mariés et que ça traîne pour que l’enfant vienne. C’est une erreur, une jeune femme doit faire une consultation de routine.

Quelles sont les personnes à risque ?

On ne peut pas dire qu’il y a vraiment des personnes à risque. Mais on a remarqué que les femmes d’un certain âge, qui n’ont pas beaucoup d’enfants, qui n’ont pas allaité, en général, sont plus facilement sujettes au fibrome que les autres. Mais on ne peut pas dire qu’il y a une prédisposition à cela. On voit également dans les familles, quand la maman a le fibrome, souvent, les enfants en ont. C’est pourquoi on a tendance à vérifier chez les sœurs, les parents pour voir s’il y a une notion de fibrome qui existe. C’est plus ou moins familial, mais on ne peut pas le garantir de façon mathématique.   

KHADY NDOYE (MBOUR) 

 

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