Les avocats de Khalifa internationalisent l’affaire
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Les robes noires qui défendant l’édile de la capitale ont annoncé hier qu’ils allaient porter le cas à l’international. Ils se sont également offusqués de la violation de son immunité parlementaire
‘‘La justice de notre pays ne nous écoute pas. Nous constatons depuis un certain moment qu’elle n’est pas impartiale en ce qui concerne M. Khalifa Sall, qu’elle va même jusqu’à user de prétextes pour rejeter les réclamations qui sont faites sur le fondement des violations des droits constitutionnels prévus par la loi.’’ La religion de l’avocat Me Seydou Diagne est faite sur les causes des revers successifs pour faire libérer son client. Avec ses confrères Mes Demba Ciré Bathily et Khoureychi Ba, ils ont décidé de passer à la vitesse supérieure. L’affaire du détournement présumé de la caisse d’avance à la marie de Dakar va incessamment atterrir devant les juridictions internationales.
Si la cour de justice de la Cedeao est l’instance ciblée pour le moment, d’autres juridictions du droit international vont être également saisies. ‘‘Nous verrons si l’Etat du Sénégal va donner des explications claires et précises à la Cour de justice de la Cedeao, lorsqu’elle sera convoquée régulièrement’’, avertit Me Seydou Diagne. Les robes noires affirment que ‘‘pour des raisons stratégiques’’, la date et les autres juridictions saisies ‘‘pour faire condamner l’Etat du Sénégal’’ ne peuvent être dévoilées. ‘‘Nous sommes en train de saisir d’autres juridictions internationales, car le Sénégal se réclame un Etat de droit qui a une séparation formelle des pouvoirs, mais dans la réalité des faits, notre pays ne fonctionne pas comme une démocratie.’’
Immunité parlementaire
Si le combat va être porté à l’extérieur des frontières, les avocats ne comptent pas laisser refroidir la piste de l’immunité parlementaire du maire de Dakar. Placé sous mandat de dépôt depuis le 7 mars, élu député le 30 juillet, l’argument de la députation est fortement défendu par ses conseils qui en dénoncent la violation, ainsi que la torpeur des nouveaux collègues députés de M. Sall. ‘‘La protection faite aux parlementaires est conférée à l’Assemblée nationale en tant qu’institution. C’est pourquoi nous sommes étonnés de voir toute l’Assemblée muette par rapport à la violation de la prérogative de l’institution, par rapport à la violation de la protection du député (...) Dans notre droit pénal, poursuivre quelqu’un qui bénéficie d’une immunité est un crime, ainsi que la détention arbitraire dans le droit international’’, s’émeut Me Bathily.
Le groupe d’avocats dit ne pas comprendre la démarche différente de la poursuite pour les cas similaires de Barthélémy Dias, Oumar Sarr et Ousmane Ngom où l’Etat a demandé au procureur de passer par l’Assemblée nationale pour la levée de leur immunité parlementaire. ‘‘Le député est libre. Il ne peut pas être poursuivi, il ne peut pas être arrêté, il ne peut pas être détenu. Le seul cas, c’est le flagrant délit pour tous ceux qui bénéficient d’une immunité. Ce qui se passe, c’est qu’il arrive un moment où, pour des raisons autres que juridiques, les gens choisissent, par leurs positions ou leurs intérêts du moment, de s’asseoir sur le droit. C’est ce qui est inacceptable’’, avance Me Bathily.
Son confrère s’en est également pris à ce qu’il considère comme des vices de forme. ‘‘Il y a une vingtaine de violations, mais nous avons choisi de mettre en lumière les plus flagrantes comme la violation de l’immunité. Ce que nous dénonçons, c’est la non-saisine de l’Assemblée par ceux qui poursuivent Khalifa Sall’’, lance Me Seydou Diagne.
Précédent Karim Wade
‘‘La Cour de justice de la Cedeao est une cour régionale de promotion et de protection des droits de l’Homme. Elle a été installée justement contre la toute-puissance des Etats (...) Nous espérons que l’Etat du Sénégal sera condamné comme d’habitude et que les droits de M. Sall seront respectés’’, poursuit dans la foulée Me Diagne. Cette dernière remarque de l’avocat rappelle les revers judiciaires internationaux de l’Etat du Sénégal contre Karim Wade, même si cette comparaison déplaît à son confrère, Me Bathily. Tous deux membres du pool d’avocats du fils de l’ex-chef de l’Etat, ils ont réussi à décrocher les avis favorables du groupe de travail de l’Onu sur les détentions arbitraires, en 2016, alors qu’en février 2013 déjà, aux premières heures de la traque des biens mal acquis, la Cour de justice de la Cedeao avait déclaré illégale l’interdiction de sortie de territoire imposée à Karim Wade notamment.
Le Centre international de règlement des différends sur l’investissement (CIRDI) avait également attribué la propriété des biens incriminés exclusivement à Bibo et à son frère, exemptant Karim Wade. ‘‘C’est une comparaison que je n’aurais pas aimé évoquer. Mais qu’est-ce que l’Etat du Sénégal a remporté de l’extérieur en dehors de ce qu’il a fait arbitrairement ici ? Aucune reconnaissance, aucune validité, aucune légitimité’’, se réjouit Me Bathily’’.
OUSMANE LAYE DIOP & GABRIEL DIOUF (STAGIAIRE)