Ce qu’en aurait pensé Thomas Sankara s’il était de ce monde
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A l’occasion du 30ème anniversaire de la commémoration de l’assassinat du capitaine Thomas Sakanra, le front anti-CFA/APE et les défenseurs d’un monde plus juste ont rendu un vibrant hommage à l’homme intègre. Pour ces partisans d’une Afrique totalement émancipée et unie, l’audace et les idées sankaristes constituent, pour eux, une source d’inspiration dans leurs luttes actuelles et futures.
Le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara était assassiné au Burkina Faso. 30 après, nombre de questions que dénonçait ce révolutionnaire sont encore d’actualité. Pour le front anti-CFA et APE qui a organisé une cérémonie grandiose en sa mémoire, ce week-end, la pensée sankariste reste absolument une source intarissable d’inspiration et d’énergie, pour eux, dans le cadre du combat qu’il mène. Au cours de cette cérémonie, Guy Marie Sagna de la coalition anti-APE s’est mis dans la peau de Thomas Sankara pour dire ce qu’aurait pensé ce dernier du débat sur les Accords de partenariat économique (APE) et le franc CFA qui, aujourd’hui, montre deux camps opposés : le camp de la servitude et celui des souverainistes.
Se définissant comme anti-impérialiste, ‘’Thomas Sankara aurait été contre les APE. Les APE servent en réalité les industries et les multinationales des pays qui sont derrière ces accords. Les APE, pour ce qui concerne la CEDEAO, consistent à faire en sorte que 75% des marchandises en provenance de l’UE entrent dans ces 15 pays sans payer de droits de douanes. Autrement dit, c’est une subvention pour les entreprises européennes au détriment des productions locales. Pour un pays comme le Sénégal, nous estimons qu’à la 20ème année d’application des APE, nous perdrons 240 milliards de FCFA/an, alors que nous peinons à résorber les 6 000 abris provisoires qui existent dans notre système éducatif’’, explique Guy Marie Sagna.
Selon lui, Thomas Sankara aurait été contre les APE pour ne pas délester son pays des ressources qui allaient lui permettre de sortir son peuple du sous-développement. A ce propos, il rappelle la théorie de Thomas Sankara sur l’agriculture qui soutenait qu’il y a trois phases à atteindre : la sécurité, l’autosuffisance et la puissance alimentaire. ‘’Il est impossible de passer de la sécurité alimentaire à l’autosuffisance alimentaire avec les APE’’, croit-il.
Sankara sur le franc CFA
Sur le franc CFA, Thomas Sankara s’est longuement exprimé dans une interview accordée à Mongo Béti. Question du romancier : ‘’Concernant la zone FRANC, la justification la plus courante du maintien de nos pays dans cette zone, c’est la convertibilité : est-ce un avantage pour nos pays ? En quoi le paysan africain dans son village a-t-il besoin d’une monnaie convertible. Bref, le F CFA n’est-il pas une arme de domination ? Le Burkina révolutionnaire envisage-t-il de continuer à traîner ce boulet ?’’. Il avait répondu : ‘’Que la monnaie soit convertible ou non convertible n’a jamais été une préoccupation du paysan africain. Il a été plongé à son corps défendant dans un système économique contre lequel il est impuissant. Il faut, je pense, l’organiser, pour le protéger contre les méfaits d’un tel système. C’est là où se situe le problème dans la mesure où la monnaie n’est pas isolée de tout système économique. Dans ce cadre, je dirais que le F CFA, lié au système monétaire français, est une arme de domination française. L’économie française est bâtie sur le dos de nos peuples, par le bais de ce monopole monétaire. C’est pourquoi le Burkina se bat pour mettre fin à cette situation à travers la lutte de notre peuple pour l’édification d’une économie autosuffisante, indépendante. Cela durera combien de temps encore, je ne puis le dire’’, concluait-il.
30 ans après, que reste-t-il de l’homme ?
Pour Ndèye Fatou, jeune écrivaine, beaucoup de jeunes Africains se réclament sankaristes tout en ignorant les idéaux que défendait véritablement cet homme. ‘’Au-delà des tee-shirts et des images de Sankara qu’ils mettent comme photos de profils sur facebook, les jeunes ne s’informent pas sur les défauts et succès de Sankara’’. Quoi qu’il en soit, la pensée sankariste fait son bonhomme de chemin et continue de susciter l’admiration et l’intérêt de pas mal de personnes à travers le continent. Les positions tranchées de Sankara sur la dette publique, les relations entre l’Afrique et le reste du monde, son soutien aux peuples en lutte contre l’impérialisme, son apostrophe à François Mitterrand à propos de l’Afrique du Sud, gardent des admirateurs même en dehors du continent. En Amérique Latine, les idées du jeune capitaine ont conquis plusieurs adeptes. D’où la présence des ambassadeurs du Venezuela et de Cuba à cette cérémonie de commémoration.
‘’Thomas Sankara était considéré comme le Che africain, en référence au légendaire guerrierro héroïque, assassiné en 1967 en Bolivie par les forces de service de la CIA des Etats-Unis. L’histoire retiendra que Sankara a été assassiné, une semaine après avoir organisé une cérémonie publique à la mémoire de Che Guevara, à l’occasion du 20ème anniversaire de sa disparition. Ce qui contribua à la légende de l’homme Sankara comme figure révolutionnaire, intrépide et leader à la dimension exceptionnelle’’, a rappelé Demba Moussa Dembélé, d’après qui Thomas Sankara, de par son audace, a toujours déconstruit les idées reçues, discrédité le discours dominant et refusé de croire à l’homélie des responsables de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
MAMADOU YAYA BALDE