Un Macky dans le clair-obscur
Investi le 2 avril, soit 100 jours pour jours, aujourd'hui, le président Macky Sall a promis une ''gouvernance vertueuse'' et sociale. EnQuête interroge ces premiers actes de gestion dans un style de communication comparé à celui de son prédécesseur Abdoulaye Wade.
''Il faut une rupture dans la gestion des affaires publiques''. Dans son adresse à la Nation le 3 avril dernière, le nouveau président de la République, Macky Sall a certainement voulu marquer l’esprit des Sénégalais scandalisés par l'ampleur de la mal gouvernance qui a rythmé les 12 années de règne d’Abdoulaye Wade. Après trois mois passés à la tête du pays, Macky Sall est-il parvenu à rompre d'avec le wadisme de sa forme honnie ? La réponse reste d'emblée mitigée. Car, l’homme a accumulé des bons et des mauvais points durant cette période probatoire.
A son avantage, le chef de l’État peut s’enorgueillir d’avoir fait mieux que son prédécesseur en limitant le nombre de ministres à 25. Même si ses détracteurs une inflation continue de ministres-conseillers et conseillers spéciaux au Palais, ce resserrement de l'attelage gouvernementale est un signal fort quant à la promesse de réduction du train de vie de l'État. Surtout que ce premier acte est assortie quelque temps après à la suppression de plusieurs agences et direction publiques (59 au total) jugées ''inutiles'' et ''budgétivores''. Il semblait se donner un peu les moyens de faire face à la demande sociale urgente, notamment le coût élevé de la vie. Et fortement attendu sur la demande sociale, Macky Sall a procédé à la réduction du prix de certaines denrées de première nécessité. Le geste est louable bien que jugée dérisoire.
Au plan politique, il a réitéré, pour faire taire les plus sceptiques, sa volonté de ramener le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois. De fait, le président de la République a offert l’image d’un homme d’État respectueux de sa parole donnée. Jusque-là, il tranche d'avec son prédécesseur qui, après avoir été porté au pouvoir, a jeté une à une aux orties ses engagements pris dans le cadre de la Coalition pour l’alternance 2000.
En outre si Wade regardait de haut homologues voisins et préférait aller commercer en Iran, Chine, et dans les pétrodollars du proche et moyen Orient, Macky Sall a cru bon de réserver sa première visite officielle à la Gambie. C'est que ce pays encastré dans le Sénégal a partie lié conflit casamançais vieux de 30 ans. Aussi, en acceptant de prendre langue avec Salif Sadio, le chef rebelle du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), M. Sall entend mettre toutes les chances de son côté pour résoudre le cas casamançais que son prédécesseur se promettait de régler ''en 100 jours''.
Moins de flonflon
Question style Macky Sall s'efforce d'incarner face à Abdoulaye Wade ce que François Hollande représente au regard de l'hyperactif bruyant Nicolas Sarkozy : une présidence normale. Si Me Wade est réputé pour son côté tape à l'oeil et bling-bling frisant l'extravagant, à l'affût du moindre coup d'éclat politiquement opportun, Macky Sall, lui, marque ses premiers pas de président du sceau de la discrétion et l’humilité. ''Il sera aujourd’hui question de supprimer tous les passe-droits, le favoritisme, et de traiter tous les citoyens avec la même dignité, et le même respect ; l’arrogance sera supprimé au sein de l’administration'', a soutenu M. Sall. Ainsi, le chef de l'État se déplace en cortège très réduit, loin des longues files de grosses cylindrées américaines (ironiquement appelées 8X8) de la wadézie.
Des couacs
Pour autant, le bilan du président de la République est loin d’être irréprochable. Sur le choix des hommes, Macky Sall semble cloner son devancier. D'aucuns émettent des réserves sur son choix de faire de Baba Diao et Bara Tall, respectivement patron des sociétés privées ITOC et Jean Lefebvre (JLF), des conseillers spéciaux. Sall ouvre la possibilité à des conflits d’intérêt. Une pratique dénoncée d’ailleurs par les Assises nationales dont il avait pris l’engagement ''d’appliquer les conclusions sans réserves''. De même, le président de la République ne rassure pas quand il continue de cumuler ses fonctions de chef de l’État et de président de son parti, l'Alliance pour la République (APR). A tel point que la coalition Benno Bokk Yaakaar qui le soutient a crû pertinent d'imprimer l'image du président Macky Sall sur les affiches de sa campagne électorale des récentes législatives, d'être rappelée à l'ordre par la justice. En outre, loin de la décourager la pratique peu honorable, Macky Sall encourage la transhumance à outrance, au nom argue-t-il d'intérêt supérieur du Sénégal.
DAOUDA GBAYA