Les migrants sénégalais listent leurs doléances
Soucis d’insertion socio-économique, de protection sociale, absence de coordination, de gestion inclusive des actions menées dans le cadre de la migration, etc. Ce sont autant de défis auxquels les migrants sénégalais font face, selon le président de la Fédération des émigrés de retour (Fer), Youssou Mbengue. Il s’exprimait, hier, lors de la célébration de la Journée mondiale qui leur est dédiée.
Selon les dernières statistiques de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), le nombre de migrants sénégalais à travers le monde est estimé à 3 millions. Leurs transferts monétaires, selon la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) ont atteint 1 000 milliards de francs Cfa, en 2017, soit 12 % du produit intérieur brut (Pib) national. Le président de la Fédération des émigrés de retour (Fer) estime que cette manne financière associée au fonds mis en place par l’Etat du Sénégal pour l’insertion des migrants de retour et avec celui des partenaires financiers pour la migration, pourrait bien être ‘’canalisée’’ par une institution financière, une banque d’investissement, etc.
Une institution qui sera chargée de l’appui et de l’investissement des émigrés. ‘’Cet appui à l’économie sénégalaise devrait être pris par l’Etat qui doit se doter de véritables politiques de migration qui intègrent la protection des migrants et de leurs familles. Les migrants sénégalais ne sont pas pris en compte dans les politiques de développement. En plus, ils souffrent d’un manque criard de protection et de sécurité dans leurs activités professionnelles’’, affirme Youssou Mbengue.
En effet, il a fait savoir, hier, lors de la célébration de la Journée mondiale de la migration, que les travailleurs migrants dans l’espace Union européenne, à l’exception de la France, ‘’ne bénéficient d’aucune convention’’ sur les prévoyances de retraite. ‘’Le vide juridique entre le Sénégal et les pays concernés fait perdre aux Sénégalais des milliards de francs Cfa qu’ils ont cotisés pour leur pension de retraite. Nous exhortons le Sénégal à négocier et à signer des accords bilatéraux sur la protection sociale des pays d’accueil’’, plaide le président de la Fer qui fait partie du Collectif des associations des migrants sénégalais.
En dehors de ces soucis, M. Mbengue déplore la fuite des cerveaux et de la main-d’œuvre. Car, pour lui, ceci prive le Sénégal de ressources humaines qui auraient pu contribuer à son développement. ‘’Plus de 65 % des émigrés sénégalais sont établis en Afrique. Ils sont d’ailleurs moins considérés par l’Etat que ceux établis en Europe et en Amérique. Cette forme de discrimination a été mise à nue par la politique extérieure de l’Etat. Osons affirmer avec force que les politiques, programmes et les projets actuels sont peu efficaces pour la résolution des défis liés à la migration’’, dit-il.
Selon le président de la Fer, ces obstacles relèvent principalement d’une absence de coordination, de gestion inclusive des actions menées dans le cadre de la migration. Le défaut de partage des idées, des initiatives et même de la documentation sur la migration vers certains pays, reste aussi un challenge pour M. Mbengue.
En réalité, le ministre du Travail, Samba Sy, a indiqué que le président de la République a érigé la diaspora sénégalaise en 15e région afin d’accroître substantiellement les effets positifs de la migration pour le développement économique et social du pays. Ceci consiste à orienter les flux d’argent envoyés par la diaspora sénégalaise au pays, vers des créneaux porteurs de croissance conformément au Plan Sénégal émergent (Pse). ‘’L’apport de la diaspora est indispensable au développement économique et social du pays. Une solution comme une ferme volonté de promouvoir une migration sûre, régulière, respectueuse des Droits de l’homme. Les pays, dans leur majorité, sont décidés à apporter une contribution importante dans la coopération relative aux migrations internationales sur tous les aspects’’, renseigne le ministre du Travail. Pour le Sénégal, Samba Sy révèle que des politiques structurelles, en ‘’synergie avec tous les acteurs’’, sont en train d’être ‘’appliquées’’ dans tous les secteurs d’activité. Ceci en vue de garantir les chances de réussite dans la mise en œuvre des liens entre migration internationale et développement durable.
Une ligne de crédit de près de 2 milliards pour accompagner les migrants
Pour sa part, le directeur des Sénégalais de l’Extérieur, Sory Kaba, a lancé un appel aux Sénégalais de l’extérieur qui, depuis 2013, ont été rapatriés au Sénégal. Ces derniers sont aujourd’hui au nombre de 6 000. ‘’Nous allons échanger avec vous pour vous identifier et davantage vous informer sur les mécanismes qui ont été mis à votre disposition, d’une part, pour votre réintégration socio-économique et, d’autre part, pour davantage améliorer les conditions de séjour à l’étranger’’, a-t-il promis. D’après Sory Kaba, la stratégie la plus actuelle et qui est une préoccupation largement partagée, consiste à mettre en place un mécanisme ‘’d’assistance au retour et à la réintégration’’ économique et sociale. ‘’Depuis 2013, les 6 000 Sénégalais accompagnés au retour sont en train d’attendre leur seconde chance émanant du gouvernement sénégalais et de ses partenaires au développement. Et le président de la République a accepté que nous mettions en œuvre un contrat d’accompagnement pour leur réintégration économique’’, a-t-il dit.
Au fait, M. Kaba explique que le projet sera mis à la disposition, après un bilan de compétence de ces Sénégalais qui ont été rapatriés. Ce bilan va identifier le métier voulu ou celui que le gouvernement porte. Sur cette base, une ligne de financement est mise à la disposition de ces compatriotes-là qui s’adossent sur un contrat de travail à l’inspection du travail. Ce Sénégalais est également enregistré dans toutes les institutions sociales telles que l’Ipres, la Caisse de sécurité sociale, pour lui permettre, au bout de 6 mois, de disposer d’une source de revenus rémunératrice.
Ce qui lui permet de gagner paisiblement sa vie, en attendant que le projet qu’on met à sa disposition puisse générer des ressources. ‘’Nous l’avons testé et démarré à partir d’aujourd’hui pour que ces 6 000 Sénégalais puissent gagner leur vie. Ce ne sera pas des montants individuels. Nous allons favoriser les projets communautaires. Parce que, ce nous cherchons aujourd’hui à faire, c’est de prendre en compte, dans notre approche, le potentiel migrant. C’est-à-dire le jeune Sénégalais qui se prépare à la migration. Pour cela, nous disposons d’une enveloppe d’à peu près 2 milliards de francs Cfa pour accompagner les différentes approches’’, a annoncé le directeur en charge des Sénégalais de l’Extérieur.
Dès lors, il souligne que les négociations sont en cours avec l’Italie, l’Espagne et la Belgique. Pour ce qui est de l’Afrique, il y a la Convention interprofessionnelle qui garantit aux travailleurs africains en Afrique la protection de leurs droits. Donc, pour Sory Kaba, c’est l’occasion de mettre à niveau et d’informer tout un chacun.
MARIAMA DIEME