Les étudiants choisissent de tourner la page
Les étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) ont, pour la plupart, accepté les résultats de la Commission nationale de recensement des votes. A l’exception de quelques-uns qui ont manifesté, ils estiment que l’heure n’est pas à la contestation et que la vie doit continuer.
‘’Vous devez pleurer 5 ans de malheur ! Cinq ans de souffrance ! Cinq ans de pauvreté !’’, lance un étudiant debout au balcon du 3e étage du pavillon A, d’une voix puissante. Visiblement exaspéré par la réélection de Macky Sall, ce dernier n’a pas trouvé meilleur moyen pour exprimer sa frustration. Mais ni le volume de sa voix et encore moins sa gesticulation n’attirent l’attention du nombre d’étudiants entrant ou sortant de l’université. Ici, c’est le calme plat. Le campus, comme à son habitude, est témoin de multiples va-et-vient de ses occupants. La proclamation tant attendue des résultats provisoires de la présidentielle du 24 février dernier, n’a point perturbé le train-train du temple du savoir. Même si, aux alentours de 15 h, un groupe d’étudiants s’est mis à manifester en procédant à des jets de pierres, à l’entrée principale de l’Ucad.
Les échauffourées n’auront duré que quelques minutes, vu la détermination du Groupement mobile d’intervention à ramener l’ordre. Quelques lancers de lacrymogènes ont suffi à calmer ces étudiants mécontents de la réélection de Macky Sall. En dehors de la multitude de pierres trainant sur le sol, rien n’indique un quelconque mouvement d’humeur. Et l’avis des étudiants rencontrés confirme que l’humeur n’est pas à la manifestation. Mayacine Mbaye déclare : ’’Le choix de ne pas manifester est intelligent. Parce que je pense que ceux qui ont manifesté n’ont pas compris. Ces politiciens pour lesquels ils se battent, en ce moment, boivent tranquillement le thé. Personnellement, je me vois mal risquer ma vie ou user de violence pour eux.’’
Le jeune homme trouvé en pleine séance de lecture des unes des journaux, derrière le pavillon B, sac au dos, est en 2e année de philosophie. Natif de Thiès, il estime que les résultats proclamés reflètent le scrutin du 24 février. A ceux qui crient à la tricherie, il objecte : ‘’La proclamation s’est faite en présence des mandataires des cinq candidats. Je n’ai vu aucun d’eux démentir ces chiffres, ni apporter des preuves de manipulation de chiffres. L’opposition ne devrait qu’accepter les résultats sortis des urnes et préparer l’élection de 2024.’’
Cette posture est aussi celle de beaucoup d’autres étudiants pour qui l’heure n’est plus au sacrifice pour des politiciens, mais plutôt à un éveil des consciences. Surtout que ni les concernés encore moins leurs proches ne sont comptés dans les rangs des manifestants. Pour d’autres, l’ensemble des réalisations du président sortant et le travail accompli durant 7 ans ont joué en sa faveur.
Un taux de victoire difficile à croire
La seule étudiante ayant accepté de se prononcer sur la question n’en pense pas moins. Même si pour Khady Dia, sourire aux lèvres, le taux de 58 % est difficile à avaler. L’étudiante en droit doute sérieusement de ce score qui, selon elle, a été ‘’retouché’’. Elle n’est pas la seule à le penser. Les mains dans les poches, Abdoulaye Diop marche tranquillement vers la sortie du campus. C’est la fin des cours. Pour lui, cette journée n’a rien de particulier, à part… le score du président sortant. ‘’Personnellement, je m’attendais à pourcentage de 51 ou 53 %. J’ai vraiment été surpris, mais c’est une décision de justice qu’on doit accepter. En fin de compte, c’est le Sénégal qui gagne, car ils sont tous Sénégalais. Pour moi, chacun d’eux avait un projet de société pour notre pays. Ce n’est donc pas une affaire de concurrence. Le peuple a choisi et maintenant il faut passer à autre chose’’.
Ainsi, la vie continue au campus universitaire. Quelques heures après la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle, les étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop ont choisi de… tourner la page.
EMMANUELLA MARAME FAYE