Publié le 1 May 2019 - 00:06
PLAIDOIRIES

La partie civile réclame 3 milliards

 

Hier, c’est vers 10 h que les avocats de la partie civile ont démarré leurs plaidoiries. Me Alioune Badara Ndiaye, Me Mamadou Guèye et Me Khassimou Touré, avocats de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, se sont relayés devant la barre pour démontrer à la cour les responsabilités de Béthio Thioune et de ses coaccusés dans le double meurtre de Madinatoul Salam.

 

D’une voix forte et audible, Me Alioune Badara Ndiaye entame sa défense par ‘’Heureusement, M. le Président, que nous sommes dans un Etat laïc. Heureusement que la peine de mort a été abolie au Sénégal en 2001. Heureusement que la Charia n’est pas appliquée au Sénégal. Sinon, les coaccusés qui comparaissent seront passibles de la peine de mort‘’. Pour la robe noire, il y a un acte de complicité par instigation, qui a poussé ces talibés à commettre le double meurtre. Ainsi, pendant de longues minutes, Me Ndiaye a essayé de démontrer le degré d’implication de Serigne Béthio Thioune qui, à ses yeux, a aidé matériellement et mentalement ces talibés à commettre les meurtres. Car, rien que pour plaire au marabout, ils ont commis une faute grave.

Ceci dit, il s’est appesanti sur l’acte répréhensible qui a conduit à la perte de Bara Sow et d’Ababacar Diagne.  Selon lui, tout être humain a deux devoirs : un devoir à l’émerveillement et un devoir à l’indignation. Mettant en exergue son indignation face à la mort tragique, violente et foudroyante de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, Me Ndiaye dit chercher ‘’tous les jours les raisons de cette tuerie, de cette barbarie’’. ‘’Au royaume des faits, poursuit-il, tout devient clair. Il n’y a pas de zone d’ombre. Les faits sont graves. Nous n’avons pas besoin de discours belliqueux, ni de discours parallèles. Les victimes ont, en effet, été la cible de ces criminels, ces sanguinaires‘’, plaide l’avocat.

Après avoir rappelé les faits qui sont bel et bien là, têtus et tangibles, clairs comme l’eau de roche, l’avocat assure : ‘’Si l’âme d’Ababacar Diagne et celle de Bara Sow pouvaient encore nous parler à partir de l’isthme des morts, du barsakh de la station intermédiaire, on saurait un peu plus sur les circonstances douloureuses qui les ont arrachés prématurément à l’amour de leurs siens. On peut égrener tout un chapelet de comportements pour parler de Bara Sow et d’Ababacar Diagne.‘’

Devant la barre, l’avocat a renseigné qu’au moment des faits, il n’était pas encore membre du barreau. ‘’Je n’étais même pas encore avocat. Mais ma colère a été sans limite. Ce procès nous permettra de réconcilier la dimension de la loi et de la preuve. Le certificat de mort est accablant et terrifiant. Ils ont été exécutés de manière froide. Les faits sont graves. Plus jamais ça. Les images diffusées ont touché tout le monde‘’, martèle Me Ndiaye. Qui, dans sa plaidoirie, soutient que si Béthio Thioune et ses co-accusés ont osé commettre cet acte de barbarie, c’est parce qu’ils ne s’attendaient pas à être arrêtés, à être emprisonnés, parce que tout simplement, à cette époque, il soutenait le président Abdoulaye Wade, pour ne pas le citer.

Se voulant explicite, Me Ndiaye a expliqué l’origine de cette histoire qui, selon lui ‘’est parti d’un ‘ndiguel’ de Béthio Thioune‘’. Et que les talibés ont tous agi, juste pour plaire à leur guide. La complicité de Béthio et Cheikh Faye est avéré. Le choix délibéré des victimes considérées comme des dissidents et réfractaires. Cheikh Faye étant le bras droit de Béthio Thioune, selon l’avocat, il ne prend pas de décision sans en informer son guide. ‘’Cheikh Faye exécute tous les ‘ndiguel’. Ils ont laissé Bara et Ababacar agonir. Après avoir poursuivi les accompagnants de Bara Sow, à leur retour, ils ont roué de coups les victimes, disant faire du ‘barkelou‘. Ce qui est grave‘’.

‘’Plusieurs fractures de tous les os de la boite crânienne de Bara Sow’’

Me Ndiaye souligne qu’‘’ils ont été sauvagement tués. D’ailleurs, les rapports du Pr. Mendez montrent que Bara Sow présente plusieurs fractures de tous les os de la boite crânienne. Ces assassins ont recherché la mort certaine des victimes. Ils ont servi des arguments fumeux. Tous les clignotants pénaux sont au rouge‘’, considère-t-il.

Khadim Seck ayant été identifié comme celui qui a tiré les coups de feu, s’il confie l’avoir fait par ‘’maladresse’’, il ne dit pas la vérité, selon l’avocat. ‘’Il a dit avoir tiré 4 coups en l’air. C’est faux ! L’offre de violence a été proposée par Demba Kébé. Tous les témoins, qui ont défilé devant votre barre ont désigné Demba Kébé comme étant celui qui a déclenché l’attaque. Mor Talla Diop dit avoir donné avoir un coup de poing a un accompagnant de Bara Sow. Moussa Dièye a persisté que Béthio n’était pas au courant. Ce sont des dénégations qui ne tiennent pas la route‘’, aux yeux de la robe noire. Puisque Bara Sow a été humilié et livré à la mort. Et Ababacar Diagne a été poursuivi est froidement abattu.

Revenant sur le témoignage de Matar Sow, qui avait dit jeudi dernier avoir interpellé Cheikh Faye pour lui dire de calmer les talibés et qu’il avait fait la sourde oreille, il rappelle que le témoin avait donné une explication précise sur ce que portait Cheikh Faye. Mieux, Aïda Diallo, l’une des épouses de Béthio, avait aussi corroboré les propos de Matar Sow.

En effet, Aïda et sa coépouse ont déclaré que Cheikh Faye avait informé Béthio Thioune de la présence de Bara Sow. Ce qui pousse l’avocat à dire que ‘’Béthio était bel et bien au courant de ces morts‘’.

Pour le recel de cadavres et l’inhumation sans autorisation administrative, Me Ndiaye assure que les talibés se sont concertés afin de pouvoir enterrer les deux morts. Il demande au tribunal de déclarer les prévenus coupables de ces chefs. Il invite aussi le président à accepter leur constitution de partie civile.

Si aucune ‘’somme d’argent ne saurait compenser la perte d’un fils, d’un mari, d’un père, d’un frère‘’, l’avocat a demandé au tribunal de permettre aux orphelins de financer leurs études ou un projet qui leur tiennent à cœur, en sollicitant le franc symbolique. 

KHADY NDOYE (MBOUR)

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