Publié le 27 Sep 2019 - 01:57
DOUZE MORTS DANS DES ACCIDENTS DE LA CIRCULATION

Collisions létales en cours 

 

Malgré l’écho extraordinaire du traitement médiatique des accidents de la circulation automobile, un lourd bilan (12 morts) a endeuillé ces deux derniers jours. Le syndicaliste Gora Khouma y va de son analyse pour décortiquer cet état de fait.

 

‘‘Ça continue parce qu’on n’a pas encore trouvé le remède’’. Le constat de Gora Khouma a quelque chose de proverbial, en dehors de l’évidence qu’il charrie, à la question de savoir quelle sont les causes de la persistance des collisions mortelles sur les routes sénégalaises. Le secrétaire général de l’Union des routiers du Sénégal est sans concession sur la série d’accidents qui fait des ravages de plus en plus récurrents. Entre mardi et hier matin, 12 personnes sont venues assombrir les statistiques macabres sur les routes, et le traitement accordé à la question a été expéditive, pour dire le moins.

D’abord, 9 personnes ont perdu la vie à Potou, avant-hier, dans une collision violente impliquant un taxi plein de supporters d’une équipe de foot locale et un autre véhicule. Ensuite, 3 morts ont été dénombrés dans un accident sur l’autoroute Ila Touba, hier matin, entre Diourbel et Bambey où une voiture a heurté un camion en stationnement sur la chaussée.

Facteur humain

Le directeur des Transports routiers incrimine le facteur humain dans la survenue de ces drames. Après un mois d’août 2019 particulièrement dramatique (Kaléane, Oussouye) et un pic de 40 morts en deux semaines, il s’était défoulé sur l’irresponsabilité des chauffeurs. ‘‘Les derniers accidents notés sont le seul fait de la défaillance humaine. Ce ne sont pas des défaillances mécaniques ou techniques’’, avait-il déclaré sur les ondes de la Rfm le 27 août. Pour l’accident d’Oussouye, il avait expliqué que la route détrempée par la pluie de la veille, n’a pas empêché le chauffeur du camion de rouler à vive allure, ‘‘au point de perdre le contrôle de son véhicule et d’aller percuter une voiture qui se trouvait dans l’autre voie et de la traîner sur plusieurs mètres. C’est de l’indiscipline notoire’’. Le syndicaliste explique également que la responsabilité des chauffeurs ne saurait être désengagée dans ces accidents.

‘‘C’est vrai que, des fois, les chauffeurs ne sont pas en règle. Il y en a qui roulent en état d’ivresse. Il y a également la fatigue qui survient parfois, car il n’y a pas d’aires de repos sur les routes sénégalaises. On ne peut rouler plus de 50 km sans pouvoir se reposer, alors que ça se fait fréquemment ici’’, explique Gora Khouma.

Mais son analyse est beaucoup plus structurelle. Il exige d’abord la formalisation dans le secteur du transport et évoque un manque de transversalité du ministère du Travail. ‘‘Le secteur doit être formalisé, bien sûr. On est en plein dans l’informel ; jusqu’à quand ? Nous sommes preneurs pour qu’on nous loge dans le secteur formel. C’est un cri du cœur que nous lançons toujours. C’est pour cela que je dis que nous avons un ministère des Transports, mais pas celui du Travail. Il n’y a pas de prévoyance retraite, ni de prise en charge maladie..., ce n’est pas ce que veulent les transporteurs’’. Le syndicaliste ne comprend pas que les enseignants ou les médecins bénéficient d’avantages sociaux là où les transporteurs sont complètement absents de la grille de sécurité sociale. ‘‘Le ministère du Travail doit mettre les gens dans les bonnes conditions de travail avec des déclarations sociales comme l’intégration à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) ou à la Caisse de sécurité sociale’’.

‘‘Techniquement, l’Etat ne veut pas renouveler le parc automobile’’

A défaut d’une reconnaissance formelle par ce ministère, les autorités prennent la pleine mesure de la situation en essayant de concrétiser les engagements auxquels elles ne cessent de souscrire à chaque accident.  Avant-hier mardi 24 septembre, la gendarmerie annonçait une nouvelle structure pour lutter contre l’insécurité dans la circulation et son lot de conséquences estimées à plus de 500 morts par an. Le Centre national de formation en sécurité routière (Cnfsr) va bientôt voir le jour avec l’appui de la coopération française. Un souffle nouveau est en train d’être insufflé à un parc vétuste. Le Conseil exécutif des transports urbains de Dakar (Cetud) a également entrepris, depuis 2005, un vaste programme de renouvellement de la flotte pour moderniser les transports urbains et professionnaliser les acteurs. L’objectif poursuivi est d’améliorer la sécurité, le confort, l’efficacité, l’accessibilité et la qualité environnementale de la mobilité urbaine à Dakar. Dans les capitales régionales, ce programme et ses extensions devaient permettre la mise en circulation de 550 nouveaux minibus à Dakar, Thiès, Louga, Saint-Louis, Kaolack, Tambacounda et Ziguinchor, pour un coût global de 11,4 milliards de F Cfa.

Mais les 2 157 minibus et les 128 lignes du Cetud n’impressionnent guère Gora Khouma qui attend d’être convaincu de l’effectivité d’une modernisation entreprise il y a plus d’une décennie. Les guimbardes qui circulent sur les routes sénégalaises ont de beaux jours devant elles et le syndicaliste accuse le peu d’entrain des autorités sénégalaises. ‘‘Comment on va les extraire de la circulation ? C’est un processus qui comporte beaucoup de lenteurs. Depuis quand ont-ils commencé à renouveler le parc avec les Tata ? Jusqu’à présent, les ‘‘Ndiaga Ndiaye’’ et ‘‘cars rapides’’ sont toujours là. L’Etat n’a pas la volonté de renouveler le parc, sinon ce serait déjà fait. Il n’y a que de la politique, mais pas de réelle volonté. Techniquement, il ne veut pas’’, souligne M. Khouma. 

Les autres problèmes structurels qu’il relève sont du rôle régalien de l’Etat sénégalais.  ‘‘A chaque fois qu’il y a accident, la cible, c’est le conducteur. Mais c’est plus les routes. Tant qu’on n’aura pas réglé ce problème, ça n’ira pas. L’Etat a la responsabilité de mettre de bonnes routes, des routes à deux voies avec des signalisations et des aires de repos’’, suggère-t-il.

Au menu des petites défaillances qui se sont sédimentées, les petits arrangements sur les routes sont aussi une des causes de ces collisions, de l’avis de M. Khouma. Il explique que les tracasseries subies par les transporteurs les obligent à chercher le raccourci facile de petits bakchich pour éviter des contrôles à la limite du normal faits par ‘‘des fonctionnaires assermentés de l’Etat’’. ‘‘On aurait souhaité des contrôles comme il faut, dans la légalité la plus stricte. Tel n’est pas le cas. Il faut donner pour passer ; si vous le faites, vous passez, sinon vous êtes retenus. Cela encourage les gens à ne pas respecter le Code de la route, alors que son observance est primordiale. Il faut arrêter avec ce système de contrôle et élaborer un qui soit meilleur. C’est ça le problème’’, peste le leader des routiers.

Il estime également que les autorités doivent serrer la vis dans la délivrance des documents et ‘‘arrêter la vente des titres’’. ‘‘Les permis se vendent, les visites techniques s’achètent, alors qu’on sait tous qu’un diplôme ne s’achète pas’’, propose-t-il.

Dernier degré d’une irresponsabilité partagée : Gora Khouma interpelle la vigilance des populations sur la non-dénonciation du vol des panneaux de signalisation arrachés et vendus comme ferraille. Toute chose qu’il ramène encore à la responsabilité régalienne des autorités. ‘‘Il faut que la veille soit permanente et que l’Etat arrête de faire de la politique’’.

Importation véhicules 8 ans

La mesure annoncée de l’interdiction d’importation des véhicules âgés de plus de 8 ans est, pour le syndicaliste, une fausse solution à un vrai problème. D’après lui, cet acte à venir a quelque chose d’incohérent, puisque des ‘‘cercueils ambulants’’ sont toujours sur les routes et leur élimination urge plus que celle des véhicules neufs.

‘‘Je ne suis pas d’accord avec cette politique. Le Sénégal est un pays sous-développé. Il y a combien de Sénégalais qui n’ont pas encore de véhicule ? Chacun a le droit d’en disposer un. On ne doit pas arrêter l’importation. Je ne comprends pas qu’on décide d’arrêter l’importation et laisser en circulation ces tacots qui datent d’il y a 60 ans’’, s’indigne Gora Khouma rappelant au passage que les pièces détachées âgées de plus de 8 ans sont autorisées sur le sol sénégalais. Le syndicaliste, qui dénonce la non-implication éventuelle des syndicats dans les concertations sur cette question, est d’avis qu’il faut s’organiser de sorte que toutes les mesures prises s’articulent très bien entre l’Administration, les syndicats et les usagers.

‘‘Chacun doit jouer son rôle. C’est une chaine à laquelle aucun maillon ne doit manquer. Que chacun assume ses responsabilités. Si le travail est bien fait dans chaque maillon, il n’y aura pas de problème. S’il y a dysfonctionnement quelque part, ça ne sert à rien’’, tonne Gora Khouma.

Le syndicaliste se refuse à tout commentaire sur un échéancier sur lequel on peut miser pour la fin de cette série macabre. ‘‘C’est le problème des autorités en charge du transport.

Pied de nez du destin à cette incurie structurelle des autorités sur la question, le convoi du ministre du Transport terrestre, Oumar Youm, a fait l’objet d’un accident de la circulation, le 27 août à Mbilor (Dagana) quelques heures après qu’il a exhorté à plus de vigilance sur les routes. Plus de peur que de mal, puisque trois blessés ont été déplorés. L’ambulance chargée de leur évacuation heurtera un véhicule et provoquera, dans la même journée, 3 morts en quittant Saint-Louis pour aller les chercher à Richard-Toll. 

OUSMANE LAYE DIOP

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