Publié le 28 Sep 2020 - 19:02
GESTION DES 63 MILLIARDS DESTINES A L’ACHAT DE VIVRES

Mansour Faye refuse de déférer devant l’Ofnac

 

Le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale n’entend pas répondre à une convocation de l’Ofnac, dans le cadre de la gestion du fonds Force-Covid-19. Si Mansour Faye explique que l’organisme n’a pas les prérogatives de convoquer un ministre, les textes de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) disent le contraire.  

 

Le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale enfle la polémique sur sa gestion des 69 milliards consacrés à l’achat de vivres pour les populations, dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale (Pres) mis en place pour contrer les effets de la Covid-19 sur l’économie et les ménages.

Mansour Faye, invité ce dimanche de l’émission ‘’Grand Jury’’ sur la RFM, n’est pas passé par quatre chemins pour s’exprimer sur les deux plaintes déposées contre sa personne devant l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac).  

Il s’agit, en effet, d’une plainte du mouvement Front pour une révolution anti-impérialiste panafricaine et populaire (Frapp), déposée le 17 avril dernier, contre le maire de Saint-Louis et le député Demba Diop Sy, Directeur général de la société UDE, pour délit de favoritisme et conflits d’intérêts, dans le cadre de la distribution de l’aide alimentaire destinée à atténuer les impacts du coronavirus.

La seconde plainte a été déposée 24 heures plus tôt par le président du parti Forces démocratiques du Sénégal/Les Guelwaars, le Dr Babacar Diop, pour ‘’faits de fraude, de corruption, de pratiques assimilées et d’infractions connexes", contre le ministre et l'homme d'affaires Rayan Hachem. 

Si les deux plaignants ont répondu à la convocation de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption, respectivement le 25 août et le 3 septembre derniers, cela risque de ne pas être le cas pour Mansour Faye. Le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale a clairement indiqué, hier, qu’il ne va pas répondre à une convocation de la structure dirigée par Seynabou Ndiaye Diakhaté.  

‘’Si l'Ofnac me convoque, je n'irai pas. L'Ofnac n'a pas vocation à convoquer un ministre. Ça ne fait pas partie de ses compétences. En tant que ministre, je ne répondrai pas", a-t-il asséné.  

Mansour Faye explique, en outre, qu’il n’a aucun compte à rendre au Comité de suivi de la mise en œuvre des opérations du fonds Force-Covid-19 dirigé par le général François Ndiaye, dans le cadre de la gestion des 69 milliards destinés à l’achat de l’aide alimentaire. ‘’Tout ce qui ressort de nos obligations, on l'a fait. On doit seulement rendre compte à l'autorité qu’est le président Macky Sall. Force-Covid-19 n'est pas un cabinet d'audit. Tout ce qu'ils ont demandé, nous le leur avons fourni. Mais nous n’avons pas de compte à leur rendre’’, a- t-il précisé.

Les attributs de l’Ofnac

Seulement, l’article 3 de la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012, portant création de l’Ofnac, souligne que l’office ‘’est notamment chargé  de collecter, d'analyser et de mettre à la disposition des autorités judiciaires chargées des poursuites, les informations relatives à la détection et à la répression des faits de corruption, de fraude et de pratiques assimilées, commis par toute personne exerçant une fonction publique ou privée ; de recommander toutes réformes, législative, réglementaire ou administrative tendant à promouvoir la bonne gouvernante, y compris dans les transactions commerciales internationales ; de recevoir les réclamations des personnes physiques ou morales se rapportant à des faits de corruption, de pratiques assimilées ou d'infractions connexes ; de formuler, sur la demande des autorités administratives, des avis sur les mesures de prévention, ces avis ne pouvant être divulgués’’.  

‘’Dans le cadre de l'exécution de ses missions, l'Ofnac peut entendre toute personne présumée avoir pris part à la commission de l'un des faits prévus au 1° de l'article 3 de la présente loi ; recueillir tout témoignage, toute information, tout document utile, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé ; demander aux banques et établissements financiers tout renseignement, sans que le secret bancaire ne puisse lui être opposé’’, dit la loi.  

La loi précise, en outre, que ‘’L'Ofnac peut s'attacher les services de tout sachant susceptible de lui apporter son concours et ses membres ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité, dans le cadre de leurs missions’’. 

Mieux, l’article 101 de la Constitution stipule que ‘’(…) le Premier ministre et les autres membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute cour de justice.  (...). 

Ce qui fait dire à l’enseignant-chercheur de droit public FSJP/Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup, que l’Ofnac peut bel et bien convoquer un ministre pour s’expliquer sur une affaire bien précise, relative à la corruption ou la fraude. Il trouve d’ailleurs incompréhensibles les propos du maire de Saint-Louis qui ne reposent sur rien, selon lui.

D’après Mouhamadou Ngouda Mboup, ‘’aucun article de la Constitution n’interdit la convocation d’un ministre par l’Ofnac. L’Ofnac a tous les pouvoirs, dès lors qu’il n’empiète pas sur des enquêtes en cours ou à venir et notamment des enquêtes judiciaires. Il y a une tentative à faire dire à l’article 101 de la Constitution ce qu’il n’a pas dit’’.  

Le juriste relève, en outre, qu’en cas de plainte, l’office doit auditionner les concernés, dans le cadre de la recherche de la vérité. Monsieur Mboup pense ainsi que c’est normal que l’Ofnac convoque toutes les parties et la version de Mansour Faye est obligatoire, car, rappelle-t-il, la plainte lui est destinée.   

L’enseignant-chercheur de droit public FSJP/Ucad se dit également surpris de la position de Mansour Faye, par rapport au fonds Force-Covid-19’’. ‘’Ça m’a étonné qu’il dise qu’il n’a aucun compte à rendre au Force-Covid-19. C’est abusé, de sa part. Il est en train de remettre en cause la gestion du président qui a pris le décret de création du Force-Covid-19. On ne lui demande que d’envoyer des factures, mais il sait très bien qu’il y a eu des erreurs, des manquements et je pense qu’il a peur’’, laisse entendre M. Mboup.  

HABIBATOU TRAORE 

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