Les chiffres de la honte
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Fléau mondial, les violences faites aux femmes et aux filles ne connaissent pas de frontières géographiques, ni culturelles. Au niveau de la région de Diourbel, elles se chiffrent à 80 % des cas recensés au Sénégal et font que la région porte le bonnet d’âne.
Les statistiques font froid sur le dos. En 2019, d’après la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (SNEGG 2), les violences faites aux femmes et aux filles recensées au Sénégal, se chiffrent à 668 cas de violence sur mineures, 706 agressions sexuelles, 15 femmes tuées et plus de 1 200 cas de viol. Et d’après une étude menée par des enseignants-chercheurs de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, avec l’appui d’ONU-Femmes, la prévalence de violences sur les femmes est de 60 % au Sénégal, et la région de Diourbel a battu le record des violences basées sur le genre, avec plus de 80 % des femmes.
La révélation a été faite par Maguette Niane, responsable de la zone centre du pays (régions de Fatick, Kaolack, Kaffrine et Diourbel) du projet Voix et leadership des femmes au Sénégal. Elle intervenait lors du lancement du projet ‘’Xamlee li yoon wakh ci kou sakou nitte’’ du Groupe des femmes pour le développement de Diourbel partenaire de VLF.
‘’Cette loi, dit-elle, est une graine d’espoir, car nous sommes presque sûrs que si elle est appropriée par les communautés et appliquée convenablement par les autorités compétentes, elle peut permettre, à défaut d’élimination, la réduction de toutes les formes de violence basées sur le genre’’. Ce projet, d’après la coordonnatrice Daba Diouf Bop, vise à vulgariser la loi n°2020-05 du 20 janvier 2020 qui criminalise le viol et la pédophilie.
A son avis, il est impératif, voire souhaitable que la communauté soit informée sur les tenants et les aboutissants de cette loi à la fois répressive et dissuasive, parce que, ‘’du fait de l’apparition de la Covid-19, les populations n’ont pas été suffisamment informées sur cette loi. Nous voulons aussi, à terme, que la région de Diourbel ne soit plus classée comme la première en matière de violences faites aux femmes et aux filles’’.
Pour y parvenir, le Groupement des femmes pour le développement de Diourbel compte organiser des séances de causerie et de sensibilisation en direction des différentes catégories sociales. Prenant part à la cérémonie de lancement, Mamadou Saidou Diawo, le premier substitut du procureur près le tribunal de grande instance de Diourbel, a livré une communication pour entretenir les participants sur la loi qui criminalise le viol et la pédophilie.
Le magistrat, après avoir salué la pertinence de cette initiative, a expliqué les changements apportés sur cette loi. ‘’Les peines, explique-t-il, ont été corsées par rapport à leur nature. Au-delà de l’emprisonnement, il y a des peines accessoires telles que l’emprisonnement, la dégradation civique, la double incapacité de disposer et de recevoir, ce qui enlève à la personne une importante part de ses droits en tant que citoyen. C’est sous cet angle qu’il faut voir que c’est une loi beaucoup plus sévère que celle qui était là depuis l’amendement de 1999 de l’article 320 et 320 bis’’.
Le magistrat d’ajouter : ‘’Actuellement, on a un bon nombre de dossiers qui ont trait à des questions de viol et de pédophilie. Je n’ai pas les données pour les autres juridictions. Maintenant, si on dit que dans les statistiques que Diourbel a, beaucoup de cas n’ont pas été dénoncés, cela peut être lié au caractère religieux de la zone. Mais comme partout au Sénégal, cela peut être lié au fait que les familles ne soient pas très enclines à dénoncer.’’
BOUCAR ALIOU DIALLO