Les atouts du Sénégal dans le conflit Israélo-palestinien
Entre roquettes du Hamas et bombardements israéliens, qui ont déjà fait de nombreuses victimes de part et d’autre, le conflit entre Israël et le Hamas s’enlise dans l’incertain.
Les appels au calme de la communauté internationale, quoique peu entendus, se sont multipliés ces derniers jours. Le Conseil de sécurité de l'ONU a tenu une réunion en début de semaine dernière sur la situation à Jérusalem-Est, occupé par Israël depuis plus de 50 ans, mais sans s'entendre sur une déclaration commune, les États-Unis ayant estimé qu'un ‘’message public n'était pas opportun à ce stade’’.
Mardi soir, l'émissaire de l'ONU pour le Proche-Orient, Tor Wennesland, avait alerté du risque d'une ‘’guerre à grande échelle’’. Le Royaume-Uni, mais aussi l'Union européenne, à travers son président du Conseil, Charles Michel, qui s'est entretenu avec le président israélien Reuven Rivlin, ont appelé à l'apaisement.
Mercredi, c'était au tour des dirigeants russe et turc d'appeler à une ‘’désescalade des tensions’’. Mais l’on en est bien loin : le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a prévenu que son armée infligerait de "sérieux revers" au mouvement "terroriste" Hamas qui contrôle l'enclave palestinienne de Gaza ; le chef du mouvement islamiste palestinien à Gaza, Ismaïl Haniyeh, a averti que la ‘’résistance’’ palestinienne ne ‘’restera pas les bras croisés’’.
Appels au calme protocolaires et vœux pieux ont constitué l’essentiel des réactions de la communauté internationale dont les plus sidérantes par leur tiédeur, viennent des pays arabes. Il est vrai que la plupart d’entre eux, ayant normalisé leurs relations avec Israël ou étant en voie de le faire, se retrouvent dans le plus grand embarras : les Émirats et Bahreïn ont condamné la descente des forces de sécurité israéliennes, le 7 mai, dans la mosquée sacrée, et la répression à l'encontre de fidèles. Abou Dhabi a également appelé les autorités israéliennes à "assurer la responsabilité d'une désescalade" de la violence. Le Maroc a, de son côté, indiqué suivre avec une "profonde inquiétude" les violences. L’Arabie saoudite, qui n’a pas encore normalisé ses relations, mais qui a donné son assentiment à ses alliés du Golfe pour se rapprocher de l’État hébreu, a rejeté "la stratégie d’Israël qui vise à évincer des dizaines de Palestiniens de leur foyer".
Rien de plus méchant du côté du monde arabe, en dehors de la Turquie et de l’Iran, qui n’en sont pas vraiment, mais dont le ton contre Israël est éminemment plus fort. L’Egypte et le Qatar s’activent dérisoirement dans le sens d’une négociation qui mettrait un terme aux sanglantes hostilités…
On le voit, la cause palestinienne ne mobilise plus le monde. Si les opinions arabes y sont toujours sensibles, les gouvernements ont, à l’évidence, d’autres priorités diplomatiques. Ailleurs, dans le monde, même les opinions publiques ont fini par se lasser d’un conflit qui, à force de s’éterniser, a fini par faire partie du décor ordinaire des ordinaires tragédies humaines.
L’Afrique n’est pas en reste de ce désintérêt : en dehors de l’Afrique du Sud et du Kenya ou la rue a réagi contre ce qu’elle considère comme des exactions israéliennes sur les Palestiniens de Gaza, le Proche-Orient semble désormais trop lointain. Officiellement aussi, l’on n’est plus dans les condamnations radicales, encore moins dans la rhétorique belliqueuse des années 70 et 80 : l’inflexion verbale a lucidement accompagné l’inflexion des postures ; Israël est devenu un partenaire, parfois bien plus utile que le partenariat idéologico-religieux qui faisait florès au temps jadis.
La realpolitik n’épargne aucune intelligence et contraint les nations les plus vulnérables à des rapprochements qui ne sont plus ceux du cœur, mais de la raison. Macky Sall a préconisé, le jeudi 13 mai, la ‘’désescalade’’ au Proche-Orient et a souhaité des négociations entre Israéliens et Palestiniens, ‘’dans le respect du droit international’’. Tout simplement. L’on est bien loin de l’époque où le Sénégal co-parrainait, en 2016, la Résolution 2334 du Conseil de sécurité condamnant la colonisation israélienne dans les territoires ; ce qui avait ulcéré l’Etat hébreux et refroidi une relation pourtant cordiale.
Depuis 2017, tout s’est normalisé à la faveur d’un sommet de la CEDEAO auquel Israël avait participé.
Désormais de plain-pied dans la realpolitik, le Sénégal, bien que présidant depuis le milieu des années 70, le Comité onusien pour les droits inaliénables du peuple palestinien et fort de ses 95 % de musulmans, a de formidables atouts à faire prévaloir face aux deux antagonistes et un rôle indubitable à jouer : l’écoute dont il bénéficie dans le monde arabe, la constante qu’il affiche dans son attachement à ‘’l'avènement d'un État palestinien viable coexistant avec l'État d'Israël’’, enfin le respect dont il bénéficie auprès des dirigeants israéliens de toutes les époques, le placent en position de porte-voix et de force agissante d’une diplomatie-tiers qui serait celle du continent africain et d’autant plus susceptible d’être efficace qu’elle afficherait une lucide et immarcescible neutralité.
En appelant, à la faveur concomitante de la célébration de fin du ramadan et de l’Ascension, à ‘’prier pour la paix, la paix en Palestine et en Israël…’’, le chef de l’Etat sénégalais a sans doute signifié la difficulté quasi-surhumaine du conflit, mais a aussi incontestablement appréhendé l’urgence d’un engagement humain plus prégnant dans ce qui semble être devenu, depuis plus de 70 ans, une impasse de la haine et de l’impuissance.
Puisse-t-il prendre aussi la mesure qui est la sienne dans cet engagement.