Les enfants au crible de l’éthique journaliste
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Les journalistes doivent davantage s’intéresser, dans leur contenu, aux questions qui touchent les enfants. C’est dans ce sens qu’un forum d’échange a été initié hier par Plan International, l’Institut Panos et le ministère en charge de la protection de l’enfance avec les professionnelles des médias.
Les sujets relatifs aux enfants, à savoir leurs droits et épanouissement, ne sont pas assez pris en compte dans le traitement médiatique au Sénégal. C’est dans ce sens qu’un forum d’échange avec les journalistes sur la protection de l’enfant a été organisé hier. Cette activité s’inscrit dans le cadre du projet ‘’Mobilisation et engagement de la société sénégalaise pour la protection de l’enfant au Sénégal’’.
L’objectif, dit-on, est de contribuer au changement social et à la promotion d’un système intégré de protection des droits de l’enfant au Sénégal, d’adresser les causes profondes des violations des droits des enfants, en abordant l’application effective de la stratégie nationale de protection de l’enfant (…).
Le projet intervient dans sept régions du Sénégal, 14 communes et cible trois thématiques que sont : le mariage d’enfants, les enfants des rues et l’exploitation domestique des jeunes filles. Seulement, d’après les initiateurs du projet mis sur pied depuis 2019, il faut constater que la protection des enfants avec toutes les implications politiques, économiques, sociales et culturelles qu’elle engendre, n’est pas encore une priorité des médias sénégalais.
En effet, indique-t-on, les différentes tentatives d’analyse, de traitement de l’information relative aux enfants révèlent des pourcentages marginaux. ‘’Dans le cadre de l’exercice de leur mission d’information et d’éducation, nombre de journalistes relèguent au second plan la problématique de l’enfant au Sénégal. La question alimente la rubrique des faits-divers et le traitement est réservé à quelques cas d’abus sévères’’, regrette-t-on.
Le journaliste Oumar Seck Ndiaye explique cette situation par le fait que la question des enfants n’est pas un sujet ‘’sexy’’. Par conséquent, il n’attire pas beaucoup la foule et ne fait pas vendre. En revanche, poursuit le panéliste, les enfants ne font la une que quand ils sont dans des sujets de catastrophe.
‘’Souvent, le traitement journalistique est en totale contradiction avec les droits de l’enfant’’
‘’Une fois que l'émotion passe, on tourne la page jusqu'à la prochaine actualité. Les enfants ne sont que de simples sujets qui sont abordés dans des faits-divers. On les utilise pour manipuler les foules. Un instrument pour toucher les émotions’’, se désole le panéliste.
M. Ndiaye indexe, en outre, la faiblesse ou l’inexistence de productions destinées aux enfants. Dans la même veine, l’expert en droit des médias est d’avis que le rôle des journalistes dans la protection des enfants, est de concilier l'éthique journaliste et les droits des enfants. Pour Bouna Manel Fall, les enfants se situent dans l'angle mort de l’attention journalistique. ‘’Souvent, le traitement journalistique est en totale contradiction avec les droits de l’enfant’’.
Le directeur des programmes à l’institut Panos précise que ce projet vise à mettre en lumière certaines réalités vécues par les enfants et qui ne sont pas toujours sues par les populations et ne sont pas suffisamment prises en compte par les politiques. ‘’Il faut mettre en place des mécanismes qui permettent de protéger l’épanouissement de l’enfant dans son droit. Aujourd’hui, au Sénégal, on parle de la stratégie nationale de protection de l’enfant qui est le mécanisme mis à jour en termes de protection de l’enfant’’, indique Gilles Herbert Fotso. Pour qui le rôle des professionnelles des médias consistera ainsi à non seulement lutter contre la désinformation, mais également sensibiliser les populations, d’abord, sur la prise de conscience de ces droits et les mécanismes existant pour les protéger.
‘’Que ce soit les enfants de la rue, les mariages d’enfants ou encore le travail des enfants, le rôle des médias, c’est de dénoncer ces pratiques et de promouvoir les droits fondamentaux des enfants’’, souligne M. Fotso.
Le directeur des programmes à l’institut Panos rassure toutefois sur la situation des droits des enfants au Sénégal, qui n’est pas, à ses yeux, aussi alarmants. Toutefois, relativise-t-il, ce n’est pas également au top par rapport aux autres pays de référence en Afrique. ‘’Si les enfants étaient dans leurs droits, le projet mobilisation de la société sénégalaise n’aurait pas lieu d’être. Si aujourd’hui, nous continuons à développer des initiatives pour promouvoir l’enfant et ses droits, cela aurait été inutile. Donc, si nous sommes toujours sur le terrain, cela veut dire que le besoin est encore là’’, laisse-t-il entendre.
HABIBATOU TRAORE