La révolte des ‘’blouses blanches’’
Le secteur médical menace aujourd’hui (21 avril) de mener une journée d’action pour manifester sa solidarité aux sage-femmes inculpées à la suite du décès de Sokhna Astou, décédée à l'hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga par négligence et défaut de prise en charge par le corps médical. Pour les différents acteurs du secteur de la santé, cette affaire constitue un moyen pour l’Etat de jeter en pâture toute une corporation, évitant, au passage, les défis structurants qui plombent l’hôpital sénégalais.
Les déflagrations liées à l’affaire Sokhna Astou, la dame décédée à l'hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga par négligence et défaut de prise en charge par le corps médical, risquent de faire imploser tout le secteur de la santé au Sénégal. Après leur garde à vue, les six sages-femmes ont été déférées au parquet, ce mardi 19 avril. Au terme de leur audition avec le procureur, quatre d'entre elles ont été placées sous mandat de dépôt et les deux autres ont été libérées à cause d’un état de grossesse très avancé. Tous les corps du secteur public de la santé (les médecins, pharmaciens, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes) dénoncent un acharnement d’une partie de la population qui a jeté en pâture toute une corporation, dans le but de ternir l’image de tout un secteur.
D’après les acteurs du secteur de la santé, ce scandale constitue un écran de fumé utilisé par l’Etat, afin d’éviter de résoudre les problèmes structurels de l’hôpital public : vétusté des bâtiments, insuffisance du personnel soignant, absence de matériels médicaux. Cette levée de boucliers du monde la santé va se manifester par des grèves, journée sans blouse, fermeture temporaire des officines aujourd’hui et demain.
L’association des sages-femmes compte apporter tout son soutien à ses collègues dont quatre ont été envoyées en prison. La présidente de l’Association des sages-femmes d’Etat du Sénégal a annoncé une journée dénommée ‘’Une maternité sans sages-femmes’’ pour le jeudi 21 avril 2022. Une façon pour l’association de dire non à cette procédure judiciaire aux allures d’acharnement sur leurs collègues indexées.
Concernant le procès prévu le 27 avril prochain, les sages-femmes du Sénégal appellent à une forte mobilisation à Louga, pour soutenir leurs collègues accusées.
Grève des différents acteurs contre le délabrement de la santé publique
Du côté des autres démembrements de la santé publique, le Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes indique la tenue d’une grève générale, ‘’journée sans blouse’’, ce jeudi 21 avril 2022. Selon les syndicalistes du Sames, cette grève devrait impacter les hôpitaux, districts, régions médicales à travers le territoire national.
Pour sa part, l’Association des Internes et anciens internes des hôpitaux du Sénégal (AIAIHS) invite ses collègues à observer un service minimum et à gérer seulement les urgences durant la même journée du jeudi 21 avril 2022. L’association pointe du doigt le traitement de l’affaire Sokhna Astou qui masque les problèmes structurels de l’hôpital sénégalais.
Toujours selon le front sanitaire, l’Alliance des syndicats autonomes de la santé (Asas)/And Gueusseum continue de maintenir la pression sur l’Etat pour le respect des protocoles d'accord concernant le système de rémunération. Mballo Dia Thiam et Cie lancent un quatrième plan d’action allant du 16 avril au 7 mai 2022, pour faire plier le gouvernement. Le groupe And Gueusseum, aussi, manifeste sa solidarité au personnel de la maternité de Louga, tout ‘’en fustigeant le mode opératoire d'asymétrie sélective de sanctions qui a uniquement visé le directeur et les six sages-femmes dans une équipe de garde sous la direction de deux gynécologues chargées de prendre toutes les décisions idoines dans une maternité’’.
Affaire Grande Pharmacie Dakaroise
En outre, le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal (SPPS) menace de baisser les rideaux des officines, vendredi 22 avril 2022, entre 8 h et 15 h, si leurs revendications, à savoir le rétablissement d’Aïcha Ngoundiam dans ses droits et la démission du directeur de la Pharmacie et du Médicament, ne sont pas satisfaites. Cette décision a été prise à l'issue de leur assemblée générale extraordinaire du 9 avril dernier.
Dans cette affaire, il s’agit de la procédure judiciaire intentée dans l’affaire de la Grande Pharmacie Dakaroise, pour laquelle le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal (SPPS) annonce la baisse des rideaux des officines, demain vendredi, entre 8 h et 15 h.
En effet, selon le syndicat, le ministre de la Santé et de l'Action sociale a décidé d'abroger l'arrêté portant autorisation pour Aïcha Ngoundiam Mbodj d'exploiter la Grande Pharmacie Dakaroise sise au Plateau. Pis, “cette décision, injustifiable, prise sur présentation d'une note du directeur de la Pharmacie et du Médicament”, n'a été notifiée à l'intéressée qu'un mois plus tard, en dépit d'une décision de justice déjà rendue en faveur d’Aïcha Ngoundiam Mbodj en novembre 2021, dénonce le SPPS.
Le docteur Élimane Kane, qui a fait face à la presse, il y a quelques jours, rappelle que cette affaire a commencé en 2020, lorsque ‘’la Direction de la Pharmacie et du Médicament a pris la décision illégale d’instruire un dossier de transfert de la Pharmacie Nation sur le site appartenant à la Grande Pharmacie Dakaroise depuis 1953, ceci en violation des dispositions relatives aux conditions de création et de transfert des officines’’.
Alors que, poursuivent les pharmaciens, Mme Mbodj avait informé les autorités concernées de son transfert provisoire et de son intention de rejoindre son site après les travaux.
En effet, l’officine se trouve en bas de l’immeuble qui abrite l’hôtel Indépendance qui était en travaux de réfection.
Aïcha Ngoundiam Mbodj avait alors attaqué cet arrêté devant la Chambre administrative de la Cour suprême qui a tranché, dit-on, en sa faveur (arrêt n°51 du 25 novembre 2021) en annulant l’arrêté du ministre de la Santé portant autorisation de transfert de la Pharmacie Nation au rez-de-chaussée de l’hôtel Indépendance. Madame Mbodj ne s’est pas arrêtée là. Elle a aussi attaqué le contrat de bail établi par l’Ipres au profit de la Pharmacie Nation, devant la Chambre administrative du tribunal du Commerce. ‘’Cette procédure est toujours en cours et a fait l’objet de huit renvois, depuis le mois de juin 2021’’, se désole le vice-président du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal. Il renseigne que la décision, dans cette procédure, est attendue avant la fin du mois d’avril 2022.
La tête du directeur de la Pharmacie et du Médicament réclamée
Dans cette affaire, la SPPS renseigne avoir envoyé deux courriers au ministre de tutelle pour lui signifier le caractère illégal de sa décision. Ainsi, ‘’face au silence du ministre, le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal décida alors de faire un recours devant la justice, à côté de Mme Mbodj. Quand la Chambre administrative de la Cour suprême rendit sa décision en notre faveur, en annulant l’arrêté du ministre, nous espérions voir nos autorités s’y conformer et s’amender, en rétablissant la concernée dans ses droits. Au lieu de cela, elles décidèrent d’ignorer la décision de justice’’.
Devant cet état de fait, en plus de sa décision de baisser rideaux, demain vendredi, le SPPS réclame le ‘’départ immédiat de l’actuel directeur de la Pharmacie et du Médicament’’ et le rétablissement du docteur Aicha Ngoundiam Mbodj dans ses droits’’. Pour cela, le syndicat annonce avoir adressé un courrier au président de la République pour dénoncer les agissements du ministre de la Santé, du directeur de la Pharmacie et du Médicament, en plus de l’Ipres, et solliciter son arbitrage.
Le syndicat demande, dans cette optique, aux pharmaciens d’être mobilisés, solidaires et de respecter le mot d’ordre. Car il n'écarte pas de renouveler “la baisse des rideaux autant de fois que nécessaire pour une durée de 24 heures”. Et tient l’État responsable pour toute conséquence qui pourrait découler de cette action évitable, à condition que des compromis soient trouvés, d'ici là.
Pour le régime de Macky Sall, cette crise du secteur de la santé risque de s’agréger à beaucoup d’autres contraintes sociales : enrichissement du coût de la vie, cherté du carburant, hausse du prix des transports. Tous ces facteurs sociaux risquent aussi d’exacerber un fort mécontentement populaire susceptible d'entraîner des troubles sociaux.