Lettre au peuple sénégalais
Chers Sénégalais, c’est en tant que citoyen sénégalais concerné par les problèmes de notre pays, que je viens par cette présente, vous entretenir de la situation globale de notre cher Sénégal, un pays jadis paisible au futur prometteur, mais qui, aujourd’hui, fait face à des problèmes urgents et au risque d’instabilité.
Ce pays occupait, jadis, une position privilégiée dans le dispositif colonial de la France. Capitale de l’ex-AOF, il avait à ce titre, accueilli d’importants investissements qui faisait de lui un pôle économique d’importance à l’échelle de la sous-région, voire celle continentale. Mais depuis son accession à l’indépendance en 1960, coupé de son hinterland, ce pays qui était considéré comme dépourvu de ressources naturelles significatives, vivait et vit encore la tourmente d’une quête permanente de politiques qui puissent le projeter dans la voie de l’émergence économique. Les régimes successifs, de Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Me Wade ont, à cet effet, expérimenté de nombreuses stratégies, sans avoir d’impacts réels sur la situation économique et social du pays.
L’économie sénégalaise, après plus d’un demi-siècle d’indépendance, est toujours confrontée à des problèmes structurels très profonds. Et malgré l’enthousiasme qu’a suscité la découverte du pétrole et du gaz dont l’exploitation était prévue courant 2023, l’espoir n’est pas lisible dans le visage de nombreux sénégalais, désespérant de la corruption qui gangrène le pays, du climat social très tendu et surtout du comportement des élites politiques, totalement indifférentes des préoccupations de la population et de stabilité du pays. Jadis cité comme modèle de cohésion sociale et de stabilité politique à l’échelle sous-régionale, voire continentale, notre cher Sénégal baigne dans un climat sociopolitique très tendu, nous exposant à l’imminence d’une crise politique majeure.
Chers compatriotes, il est établi que le problème à l’origine de cette malheureuse situation et de la plupart des maux du pays réside indubitablement dans son orientation hyper politicienne et l’utilisation de la politique à des fins de promotion sociale et d’enrichissement personnel. L’activité politique est devenue, dans notre pays, quasiment, la seule voie du Salut. Elle anoblit, enrichit et rend puissant et omnipotent. Notre cher patrie est devenu ce pays où il est possible à n’importe qui de devenir rapidement très riche et puissant sans travailler, mais seulement en étant politicien. La politique, contrairement à son acception platonicienne d’« art de bien gouverner la cité », est devenue chez nous du business : la « politique-business », source transversale de toutes les difficultés que traverse le pays, de toutes ses malchances, de tous les maux de la société sénégalaise et de tous ses malheurs qui l’accablent.
En vérité, mes chers compatriotes, les hommes accèdent au pouvoir dans ce pays pas pour servir, mais pour disposer des ressources de l’Etat et s’enrichir à tout va, au mépris de la prise en charge des besoins de la population. Telle une tumeur cancéreuse qui s’est métastasée, la « politique-business » s’est emparée du pays, corrompant les institutions et pourrissant les mœurs. Des pratiques mafieuses, scélérates et perfides auxquelles les politiciens ont recours pour réaliser leurs desseins ont systématiquement dévalorisé le mérite dans ce pays, encouragé la facilité et répandu la médiocrité dans tous les domaines. Avec les moyens de l’Etat, des politiciens dont la plupart n’était pas allée loin dans les études, des sans métier, vont « acheter » des diplômes à des caricatures d’écoles et d’instituts privés qui pullulent dans le pays ou à l’étranger. Et avec ces « diplômes », ils peuvent accéder à des postes de responsabilité politiques, voire techniques par décret présidentiel ou alors par simple recasement politique. Sans compétences ni sérieux, arrogants et corrompus, ces « intrus » de l’administration sont comme des poisons qui altèrent la santé économique de notre pays et rendent misérables ses habitants.
Ce n’est pas étonnant si pour un petit pays de quelques 17 millions d’habitants comme le Sénégal, on enregistre plus de 300 partis politiques. Il est totalement erroné de lier cette prolifération partisane au « multipartisme illimité » et à la bonne marche de la démocratie au Sénégal, loin s’en faut. C’est plutôt le corollaire de la politisation outrancière de notre société dans laquelle le mensonge, les injures, le vol et la tricherie sont passés du statut de vice à celui de vertu à cause de notre façon malsaine de faire de la politique. Dans ce Sénégal d’aujourd’hui, un pays qui n’a plus de repères, mentir, voler, insulter publiquement, se pervertir au su de tout le monde, accuser d’honnêtes citoyens, défier les institutions de la République sont des attitudes qui ont complètement foiré les paradigmes traditionnels d’appréciation de l’individu dans la société. Et, ces politiciens dont l’amateurisme et la prédation sont à l’origine de ces problèmes, s’accrochent au pouvoir comme la tique s’attache à la peau d’un animal pour le sucer de son sang. Comme les bourgeois en Europe du XIXème siècle, ils forment une « horde » dont les conditions d’existence sont largement au-dessus du niveau de vie moyen de la majorité des sénégalais plongés la misère, l’insécurité et le désespoir. On les voit, ces politiciens, conduisant des voitures de dernière génération achetées, quelquefois, à des dizaines de millions de francs Cfa, au moment où d’honnêtes fonctionnaires peinent à avoir, ne serait-ce qu’un toit, et cela après plusieurs années de loyaux services rendus à l’Etat.
Cette situation, mes chers compatriotes, ne va pas continuer et ne doit survivre au régime de Macky Sall, car le peuple a pris conscience. Il est conscient de l’urgente nécessité de se libérer de ses contraintes d’un système dictatorial politicien aussi pernicieux que le nazisme hitlérien. La souveraineté appartient au peuple, et c’est à lui de prendre la responsabilité de mettre fin à cette « dictature politicienne » en supprimant l’« Etat-politicien » et en faisant disparaitre, par tous les moyens, cette « race » d’hommes politiques incompétents, exploiteurs et injustes. Le peuple doit s’accorder sur la manière dont il voudrait qu’il soit, dorénavant, gouverné et sur le profil des hommes politiques appelés à diriger le pays. Simplement, parce que n’est pas homme politique qui veut, mais qui peut et qui en a le profil adéquat. Il faudrait tenir, en urgence, les « Assises de la gouvernance au Sénégal » afin de modifier les paradigmes de la gestion étatique et d’établir les éléments de définition du nouveau profil et les statuts de nos futurs dirigeants. Il sera prévu, dans cette dynamique, la suppression de tous les privilèges statutaires et les avantages matériels inhérents aux postes politiques et aux fonctions de parlementaire.
Et le profil du nouveau type d’« homo politicus » doit reposer sur une sorte de « cursus honorum » de l’individu, indépendamment de la profession et du niveau d’études. En effet, il est préférable de confier des responsabilités à un ouvrier consciencieux, honnête et travailleur qu’à un haut cadre et universitaire malhonnête, insoucieux et corrompus, qui n’agit que dans ses seuls intérêts. C’est une malédiction pour un peuple ayant pris conscience de se laisser exploiter et torturer par des dirigeants qui broutent dans la prairie de leur misère. Le peuple sénégalais doit reprendre son destin en main dans une volonté de changer, car Dieu a dit dans le Coran qu’il ne changera pas le sort d’un peuple tant que ce peuple ne se prendra pas lui-même en charge dans une volonté de changer. Donc il n’ya pas de temps à perdre, car plus la présidentielle de 2024 s’approche, plus les chances de faire bouger les choses s’amenuisent. Il s’agira, dès à présent, d’établir les bases du nouveau système de gouvernance qui doit être fondée sur une gestion vertueuse, rationnelle, rigoureuse et efficiente des ressources nationales afin que l’après-2024 soit, pour notre pays, une période de prospérité pour tous, de paix sociale, de justice et de stabilité politique.
En effet, dans cette volonté de changer, il est envisagé deux voies par lesquelles le peuple a la possibilité de passer pour reprendre sa souveraineté confisquée et « arracher » tous les pouvoirs des mains de cette élite « politicienne » prédatrice et dangereuse. La première voie est celle qu’on peut appeler, la « voie réformiste », qui passerait par la tenue des « Assises populaires nationales », regroupant toutes les forces vives de la nation (à l’exception des partis politiques), réunies pendant des semaines, afin de refondre complètement le système de gouvernance du pays et d’introduire des réformes politiques et institutionnelles très profondes visant à adapter nos institutions déphasées, encore trempées de colonialisme, à nos réalités. Si cette voie n’est pas réalisée, alors la deuxième voie sera inéluctable.
La deuxième voie est celle dite « révolutionnaire », s’opérant par « une violente révolution populaire » ayant pour but le renversement de l’élite dirigeante, la suppression de l’« Etat-politicien » et l’anéantissement total de cette « race » de politiciens qui prennent tout le pays en otage, gaspillant les ressources de l’Etat et exposant les populations à des risques tous azimuts. Cette voie connaitra deux étapes : une première étape de violente révolte populaire conduite par les forces vives, puis une seconde étape de l’installation d’une « dictature populaire » (assurée par l’armée), étape transitoire de « réajustement » et de réformes devant conduire à l’établissement d’une société « dépolitisée » où la politique retrouvera son sens originel de civilité (ou « politikos »). L’activité politique, à partir de ce moment, deviendra la chasse gardée d’une certaine élite patriotique et républicaine, constituée d’hommes et de femmes triés sur le volet, sérieux, inspirés, prêts à mettre leurs biens, leur savoir et savoir-faire au service de l’effort de construction nationale, sans attendre une quelconque récompense matérielle en retour.
Dans cette urgente nécessité de reprise de la souveraineté par le peuple, il sera également prévu la rationalisation de la vie politique nationale en imposant le retour au « multipartisme limité » à deux ou trois grandes formations politiques, créées en fonction des affinités idéologiques ou des similitudes programmatiques. Par exemple, l’APR retrouvera le PDS et tous autres partis et mouvements qui leur étaient affiliés pour former un grand Parti libéral démocratique sénégalais (PLDS). Il en sera de même pour la famille « socialiste », ainsi de suite. Le but recherché dans ce vaste mouvement partisan fédératif, est de parvenir à la mise en place des grands partis politiques à caractère intellectuel, scientifique et technique, orientés vers la formation citoyenne, le militantisme responsable et participatif de la réflexion sur les grands défis à relever pour raccourcir au pays le chemin du développement.
Une élite politique qui prétend présider aux destinées d’un peuple doit étudier ce peuple pour connaitre ses aspirations, analyser ses problèmes, les expliquer afin de pouvoir proposer des solutions efficaces et durables. Le travail de tels super partis politiques se ramènera à la conception de schémas sur la forme et le fonctionnement d’un Etat, des institutions étatiques, l’organisation de la société, l’économie, la prévention et la gestion des crises, la démocratie adaptée, la problématique de la justice, les problèmes d’éducation, la citoyenneté nouvelle, etc.
A partir de ce moment, on verra que le militantisme partisan cessera d’être adhésif et deviendra citoyen, patriotique et désintéressé. Aucun avantage matériel particulier ne pourrait être tiré de l’activité politique que de simples honneurs, et puis une « stèle d’immortalité » en guise de reconnaissance pour service rendu à la nation. Puisqu’il en serait ainsi, la politique deviendra, dès lors, une activité sacrificielle, telle une mission-commando dans laquelle un citoyen s’engage volontiers, à ses risques et périls, rien que pour la patrie et pour tout le bonheur de ses habitants. Et le modèle d’homme politique que cela va contribuer à promouvoir, sera celui-là dont la seule motivation en politique restera une simple volonté patriotique de participer pour l’histoire à l’effort de construction nationale.
Le peuple doit s’accorder également sur l’accès à des postes de responsabilité, qui ne relèvera plus du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat, mais soumis à un appel à candidature, basé sur des critères « capacitaires », « professionnel » et de bonne moralité, avec obligation de résultats, dans un délai raisonnablement établi par le peuple. On ne peut pas être porté à un poste de responsabilité étatique, devenir riche, sans faire de résultats et sans rendre compte. Aussi l’accès « critérié » aux postes de responsabilité étatique, ainsi que l’exigence de résultats probants, à notre humble avis, sont des gages d’efficacité en matière de bonne gouvernance et de gestion responsable des ressources de l’Etat.
Chers compatriotes, merci de votre attention. Que Dieu nous protège et bénisse davantage notre Sénégal!
Moustapha Camara
Professeur d’histoire et de géographie