Dix voix féminines sur le monde

Dix autrices de nationalités diverses ont été réunies pour produire un recueil de nouvelles intitulé « Par tous les moyens ». Édité par les éditions du Carré Culturel de Fatimé Raymonne Habré, ce livre met en avant le regard de ces femmes sur le monde.
La 4e édition du Salon du Livre Féminin de Dakar a eu pour thème « Résistances ». Du 10 au 12 octobre 2025, la Place de la Nation a vraiment « vibré au rythme des voix féminines du continent et de la diaspora ». Dans le cadre de cet événement qui met en avant les créations des femmes, leurs combats, mais aussi leur rôle essentiel dans la transmission, un livre a été produit à la suite d’une résidence de création et d’écriture. Il s’agit d’un recueil de nouvelles édité par les éditions du Carré Culturel. Il s’intitule « Par tous les moyens ».
« Mettre en avant dix nouvelles écrites par dix femmes est une excellente occasion de souligner la diversité de leur voix, de leurs thèmes et de leur style. Elles sont différentes, mais elles sont réunies par la même forme littéraire, et par leur regard de femme sur le monde », a soutenu Fatimé Raymonde Habré de la Maison d’édition Le Carré Culturel. Elle salue « un kaléidoscope de récits », un cœur de plumes féminines, et dix regards singuliers sur cette époque, à travers leur expérience, leur vécu ou un récit imaginaire. « Ce recueil est un carrefour où dix femmes autrices, aux horizons et aux voix uniques, se rencontrent. Dix nouvelles, dix univers, un seul fil conducteur, l’acuité du regard féminin sur le monde », a magnifié l’éditrice, soutenant que la nouvelle est un genre spécifique qui mérite d’être valorisé, surtout dans le cadre de ce recueil collectif. ‘Par tous les moyens’ est un livre qui rassemble des récits de vie et des histoires bouleversantes.
La Camerounaise résidant au Sénégal depuis une vingtaine d’années, Laure Ndiki, fait aussi partie des coautrices de « Par tous les moyens ». Sa nouvelle s’intitule « Destructeur de l’âme ». Elle évoque l’histoire d’une famille qui était assez paisible. Mais du jour au lendemain, un clash surgit. Il y a eu une séparation qui a détruit la vie : celle des enfants, des épouses. Toute une famille a été détruite. L’enseignement qu’on peut tirer de ce livre, c’est que l’infidélité détruit, selon Laure Ndiki. « On a souvent tendance à simplifier l’infidélité, mais ça détruit vraiment l’âme au plus profond. La personne qui a été trahie, après, arrive difficilement à faire confiance à 100 %. Il y a toujours des réserves. Pourtant, dans la vie, on doit vivre comme un papillon, on doit être à l’aise où nous sommes. Mais quand on a subi l’infidélité, quand on a subi cette trahison, on commence à être méfiant avec tout. Et peu importe où nous sommes, on vit dans cette méfiance-là », a-t-elle soutenu. « C’est pour dire aux femmes, aux hommes d’éviter cette infidélité qui détruit des vies. Pas seulement la vie de la personne qui a été trahie, mais également celle des enfants, celle de toute une famille, celle de toute une relation, 20 ans de vie voire 30 ans de vie pour un acte qui n’en vaut vraiment pas la peine », a-t-elle ajouté.
Autre nouvelle : « La femme aux ambitions ». Ce récit parle d’une avocate qui défend les droits de la femme. Elle fait tout son possible pour aider les femmes dans le besoin. C’est une nouvelle de la romancière, blogueuse et promotrice de livres Fatima Sow. L’enseignement qu’on peut tirer de cette nouvelle, c’est que « peu importe l’obstacle, la difficulté, les problèmes auxquels une femme est confrontée, elle peut toujours s’en sortir si elle croit en elle », selon cette autrice sénégalaise. « Parce qu’on peut rencontrer un homme, on peut l’aimer. Si on a des problèmes avec cette personne-là, il ne faut pas lâcher. Il faut se dire que tout est possible », a-t-elle ajouté. L’autre message porte sur la solidarité entre les femmes. « Il faut être solidaires entre nous pour pouvoir aller de l’avant. Il ne faut pas se diviser », a dit Fatima Sow.
Fata Ngom est en deuxième année de master en arts dramatiques à l’Université Castanberger de Saint-Louis. Habituée à participer à des résidences d’écriture (dans le cadre du Théâtre), elle s’est engagée dans ce projet un peu différent. Son récit parle « d’un enfant-là qu’on a enfermé parfois et qui a toujours eu envie de porter, d’emprunter d’autres corps pour pouvoir exprimer ce qu’elle ressentait vraiment ». Pour Fata Ngom, « l’idée, c’était de relever ce défi et de montrer aux femmes que vous êtes capables de vous écouter, de vous aider, de sauver une autre partie de vous. Nous sommes toutes des femmes, nous ne sommes pas différentes… ».
Coup de poignard, éveil, passion de la tendresse envers les femmes
Moua Ya Jua fait aussi partie des auteures. Chanteuse, slameuse, poète, elle est aujourd’hui nouvelliste également. Sa nouvelle tourne autour de la spiritualité et des connexions avec le divin. Elle parle de don de soi, de don de Dieu. Elle croit que Dieu met en chaque Homme sa mission sur Terre. Moua Ya Jua souligne que la connexion avec le divin permet de garder un équilibre, une vérité et un chemin vrai, authentique. « Ce don-là, est-ce que vous allez l’utiliser pour vous ? Ou est-ce que vous allez l’utiliser pour la multitude ? Et dans les deux cas, qu’est-ce qui va être votre chemin de vie ?… », a-t-elle indiqué.
Le choix de parler de la spiritualité et non de la religion n’est pas anodin. « Dans ma conception, les religions divisent. Je ne sais pas si vous voyez tout ce qui se passe dans le monde, que ce soit en Palestine, en Afrique du Nord, du Sud, ou ailleurs. Depuis des années, voire des siècles, les religions ont divisé. On perd finalement le fil conducteur de la spiritualité, qui est le même dans chacun des livres : s’aimer comme on aime son prochain, l’amour », a expliqué Moua Ya Jua. « Je garde ça dans ma tête et je préfère ma connexion directe avec le divin plutôt que de passer par l’intermédiaire des hommes qui vont traduire des textes selon leur volonté et selon ce qu’ils veulent en faire. C’est pour ça que je dis que la spiritualité, pour moi, est beaucoup plus forte. Notre continent africain est un continent spirituel. Nous avons toutes les mêmes croyances. Et ces croyances sont toujours accrochées au divin ».
Valérie Renard : une voix pour l’émancipation
Valérie Renard, coautrice du recueil « Par tous les moyens » et auteure du recueil de poèmes « Sac aux lèvres » (avec un roman autobiographique en cours), déclare : « Je veux dire à chacun de nous : on a un don. Et notre mission de vie, je pense, est de le trouver. Parce que ce don-là est pour la multitude. J’ai accepté mon don à moi, qui est l’écriture, la poésie et le chant. Et ça m’a poussée à partager ».
Sa nouvelle raconte l’histoire d’une femme marocaine qui réussit à s’extirper de violences psychologiques grâce à une rencontre déterminante. « Dans ma nouvelle, c’est un homme qui aide l’héroïne à sortir de la situation dans laquelle elle est. Ce recueil est un livre qui remet de l’espoir dans la vie de certaines personnes. Il est à la fois un coup de poignard, un éveil, une passion de la tendresse envers les femmes », souligne-t-elle.
L’expérience transformatrice de la résidence d’écriture
Évoquant la résidence d’écriture, Valérie Renard confie : « Pour moi, ça a été un révélateur. J’avais envie d’écrire depuis des années, avec des textes entassés dans des boîtes. L’opportunité de travailler au sein d’un groupe de femmes m’a permis de poser enfin mes mots sur le papier. C’est le début d’une longue série d’écrits. Ça a été un moment magique, une sororité intense ».
Elle ajoute, inspirante : « Cette expérience a été transformatrice. Mon conseil ? À tous ceux qui ont envie d’écrire : une résidence est l’occasion de se lancer, d’oser ce qu’on n’a jamais fait auparavant. Il faut sortir de sa zone de confort et tenter les choses ».