Publié le 28 Feb 2023 - 01:45
TROIS QUESTIONS À GERMAIN COLY, DIRECTEUR DU CINÉMA SÉNÉGALAIS

‘’Nos coproductions au Fespaco…’’

 

On vient d'ouvrir la 28e édition du Fespaco. Un hommage a été rendu à Sembène Ousmane. Comment avez-vous apprécié la projection de cet extrait de l’entretien réalisé par Yacouba Traoré ?

 

On ne peut pas sortir indemne de cette grande cérémonie d'ouverture à laquelle nous venons d'assister. Nous sommes passés par les tableaux les plus divers, en puissance, en force. Toute la créativité du 7e art, qui est un art de synthèse, est passée par là et c'est un bonheur pour nous d'assister à des événements comme ça, de montrer que c'est possible aussi de faire des choses pareilles en Afrique. Je suis heureux et fier d'avoir assisté à un événement, à une cérémonie d'ouverture de cette dimension. Cela présage de très bons augures pour ce qui va venir.

J'ai été très ému d'apercevoir, de voir à l'écran Ousmane Sembène qui aurait eu 100 ans aujourd'hui. La communauté du cinéma le célèbre à travers le monde entier, mais particulièrement ici au Burkina Faso, puisque nous savons que Sembène est fondateur et initiateur de ce festival. Il est célébré aujourd'hui pour les 100 ans qu'il aurait pu avoir en 2023.

J'ai été ému également de l'hommage qui a été rendu à Safi Faye qui vient de nous quitter et ce sont deux fortes personnalités du cinéma africain qui ont été honorées aujourd'hui.

Est-ce que la délégation sénégalaise a prévu quelque chose pour rendre hommage à Sembène ?

Le Sénégal va poursuivre la célébration du centenaire de Sembène en relation avec la Délégation générale du Fespaco, en relation avec la Fédération panafricaine des cinéastes, la Fepaci. Déjà demain (hier) après les cérémonies de libations, nous nous dirigerons vers le siège du Fespaco où sera inauguré un buste en hommage à Sembène. Nous avons également un livre qui a été fait en hommage à Sembène et où nous avons recueilli les témoignages de ses pairs, de tous les gens qui l’ont connu et ce livre sera présenté ici au Fespaco, à l’occasion de ce centenaire.

Mais il y a aussi une grande exposition qui va être montée en relation avec la Fepaci. Cette dernière va s’ajouter aux activités intellectuelles qui seront menées par les professionnels du cinéma, par la délégation du Fespaco et c’est tout cet ensemble qui nous servira à témoigner du travail énorme qu’Ousmane Sembene a abattu pour le continent africain. Le ministre de la Culture est retenu par un calendrier gouvernemental particulièrement chargé au Sénégal, mais il va rejoindre l’importante délégation du Sénégal pour montrer que dans cette résilience que le peuple burkinabé montre, c’est toute l’Afrique qui doit être là et c’est pour ça que nous sommes là. Nous devons montrer que c’est possible de vivre. C’est la raison principale pour laquelle nous sommes là. 

Il y a une dizaine de films sénégalais en compétition. Que pouvez-vous nous dire de ces films ?

Oui, nous avons 12 films au total, si je prends en compte les films d'école qui sont là. Nous avons en tête de file un long métrage fiction ‘’Xalé, les blessures de l’enfance’’ de Moussa Sène Absa.  Dans la catégorie documentaire, il y a, entre autres, ‘’Doxandem’’ d’Alibeta. Mais nous avons également ‘’Astel’’ qui est là dans la catégorie court-métrage. Ce sont tous ces films qui vont représenter le Sénégal en compétition officielle.

Mais il me plaît également de signaler que le film qui représente le Burkina Faso, ‘’Sira’’ d'Apolline Traoré, est une coproduction entre le Sénégal et le Burkina. Le Sénégal a fortement soutenu ce film-là aujourd'hui qui est dans la compétition officielle. Donc, en dehors de nos films principaux, nous sommes présents au niveau du film du Burkinabé et de celui qui va représenter également le Mali.

Ce qui démontre le dynamisme de la politique cinématographique du Sénégal. Les coproductions que nous avons développées avec les pays tout autour de nous  nous valent vraiment cette présence massive. Il faut saluer l'important travail et la volonté du chef de l'État de faire du cinéma sénégalais le moteur du développement de la culture. Et c'est tout heureux que nous avons vraiment cette production importante qui nous permet de répondre à tous les rendez-vous du cinéma. Nous serons là encore cette année présents à ce rendez-vous du Fespaco.

HOMMAGE À SEMBÈNE OUSMANE

La minute émotion

2023 coïncide avec le centenaire de la naissance du réalisateur sénégalais Ousmane Sembène. L’État du Sénégal, à travers le ministère de la Culture et du Patrimoine historique, prévoit une série de manifestations à cet effet. Mais en attendant, la Délégation générale du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) donne le la de cette célébration.

À l’ouverture officielle de la 28e édition du Fespaco, un hommage a été rendu à ce père du cinéma africain. Un extrait d’une interview accordée au journaliste burkinabé Yacouba Traoré, en 2003, en marge du tournage de ‘'Moolaadé'', son dernier film, a été projeté. Il y délivre un message actuel, alors qu’il répondait à la question sur la faible représentation des films africains dans les festivals d’outre-mer. Son message a dû parler au Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga.

‘’ C'est bien d'aller à Cannes. Mais je souhaite que l'Afrique crée un événement de ce genre. Nous avons le Fespaco. C'est un événement qui nous porte. Ne soyons pas des gens qu'on invite tout le temps. Reconnaissons d'abord la qualité de nos œuvres et de nos artisans. Même si les autres nous ignorent, est-ce que nous avons le droit de nous ignorer ? Mais non ! Ils ne me choisissent pas, je n'ai pas demandé à être élu'', disait-il. ‘’C'est à nous de créer nos valeurs, de les reconnaître, de les transporter à travers le monde, mais nous sommes notre propre soleil. Moi, je n'ai pas le tropisme de l'Europe. Dans l'obscurité la plus noire, si l'autre ne me voit pas, moi je me vois dans le noir. Et je brille, voilà ma réponse'', ajoutait-il.


PROJECTIONS - CLASSIQUE AFRICAIN

Finyé, quarante après, toujours actuel

Hier, Cineburkina a projeté l’étalon de Yennenga de 1983, ‘’Finyé’’ (Le vent) de Souleymane Cissé. Il est difficile de croire que ce film a un peu plus de quarante ans. La thématique est actuelle. Les problèmes sont presque les mêmes. D’ailleurs, a dit l’auteur à la fin de la projection, ‘’le problème posé il y a quarante ans, nous le vivons aujourd’hui. Je me dis qu’il faut un autre film avec une nouvelle dimension. Tout ce film me parle aujourd’hui. Je suis tellement ému. Ce film m’interpelle encore et je ne sais pas comment y répondre’’, a dit le double Étalon d’or de Yennenga.

‘’Finyé’’ raconte la révolte d’élèves après la publication des résultats falsifiés du baccalauréat. Ce film d’une heure 41 minutes, qui a des allures d’histoire politique, traite en toile de fond une histoire d’amour entre deux fils de chefs. Batrou, fille du gouverneur, chef du nouveau pouvoir et Bah, petit-fils d’un chef traditionnel. Les deux familles voient mal cette relation.

Le gouvernement fait échouer Bah au baccalauréat. Puis, en pleine révolte des élèves, fait emprisonner sa fille et son petit ami. Loin de briser les liens qui les unient, ceci ne fait que les fortifier davantage. Le gouverneur usera de son pouvoir jusqu'à vouloir envoyer Bah ‘’aux sables’’. Mais la révolte était telle que le ministre de la Défense a dû intervenir et faire libérer tous les élèves emprisonnés. En outre, ‘’Finyé’’ est une critique sociale qui met en avant aussi bien les valeurs traditionnelles que celles modernes. Le Mali en est encore là aujourd’hui.

BIGUÉ BOB (ENVOYÉE SPÉCIALE À OUAGADOUGOU)

 

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